samedi 27 septembre 2008

Portrait

Chaleur

 

L’appartement avalait en goulées avides l’air frais venu de l’extérieur. Il s’en emplissait avec délectation, par petits courants d’air voraces et furtifs. Les fenêtres ouvertes comme des bouches immobiles offraient à l’air lourd accumulé tout au long des heures harassantes, une porte de sortie inespérée. Emprisonné dans les quelques mètres carrés de l’habitation, l’air avait enflé jusqu’à en occuper exagérément l’espace, jusqu’à écraser de sa poigne suante le moindre centimètre carré. Au fur et à mesure qu’était montée à l’extérieur la température, malgré les volets fermés et l’immobilité dans laquelle chacun c’était drapé, l’ambiance suffocante et pénible de ces après-midi inertes c’était pesamment installée. Sournoise et poisseuse, la chaleur s’était introduite sans bruit, sans effraction. Avec la certitude de celle qui sait que le combat est gagné d’avance, elle c’était glissée de sa lenteur perverse dans le moindre petit interstice laissé vaquant, traversant les murs, les gavant jusqu’à l’écoeurement de sa  lourde mais implacable main mise. Violemment soutenue par un soleil à qui le ciel avait laissé un libre champ azuréen, elle déferlait avec une bonhomie écrasante sur un monde chauffé à blanc, entièrement soumis à son bon vouloir.

Seule l’arrivée du soir signait parfois la délivrance. À l’aube de ce nouvel espoir, chacun venait boire, ouvrant ses fenêtres, cherchant à renaître. Mais il ne fallait pas être pressé. Il fallait juste attendre le bon moment. Celui où sur le sol, les ombres commençaient à s’étendre en flaques, uniformisant tout ce qu’elles touchaient de leur filtre sombre, remontants le long des murs avant de gagner les toits pour partir ensuite à l’assaut du ciel tout entier. C’était à ce moment-là, à ce moment-là seulement, à ce moment là où la nuit commençait à s’étendre sans bruit, suintant du plus profond du sol que dans les maisons, il était possible de commencer à espérer que l’étau impassible des températures ne se desserre enfin.

Le soleil, emporté par sa course folle, laissait alors place à des heures plus molles. Des heures faites de langueurs joyeuses, de répit mérité et de fraîcheur tombante. À l’ombre de la nuit, le voile noir à peine écarté par quelques bougies, les familles se retrouvaient, les amoureux s’embrassaient enfin, les adolescents buvaient à leur pleine jeunesse, jusqu’à ce que le lendemain le soleil de nouveau n’attise sa fournaise obèse et cuisante, paralysant de sa poigne de fer la vie palpitante. 

jeudi 25 septembre 2008

Poème

Un verre


Ce n’était rien

Qu’un peu d’air salin

Barbouillé de ciel bleu

Avec des rires, un peu

À l’ombre d’une terrasse

Sans l’ombre d’une menace.

 

Ce n’était rien

Qu’un morceau d’amitié brut

Partagé sans autre but

Que le temps qui passe

Mais que rien n’efface.

 

Ce n’était rien

Qu’un verre sur la mer

Sur un brin de terre

Dans notre univers.

mercredi 24 septembre 2008

Moment

Rapine

C’était une journée molle. Pas triste. Molle. Une de ces journées où l’on se laisse porter par un semblant d’envie. Une journée que l’on regarde sans la voir passer, que l’on vie sans y participer. Une journée d’été qui s’écoule, lointaine et chaude. C’était donc depuis que je m’étais levé une journée comme ça. Molle.

Debout aux aurores sans savoir pourquoi, j’avais commencé par aller me promener le long de la plage. Une longue plage de sable fin qui n’en finissait pas. Aussi loin que portait le regard c’était toujours le même paysage qui s’offrait à moi. Les vagues bruyantes foudroyaient ma gauche tandis que l’étendue verte de la forêt de pins juste derrière la dune fermée ma droite. Et puis le vent. Toujours. J’ai marché au milieu cet infini et puis je suis revenu sur mes pas que la mer avait absorbés. Un retour sur des traces inexistantes.

Je ne savais pas quoi faire mais ça m’était complètement égal. Toute mon attention était à cette plage, à ces vagues, à ce vent. À ces traces éphémères qui s’enfonçaient dans le sable avant de disparaître, léchées par le reflux de l’océan gourmand.

Lentement, je me posais la question de ce que j’allais bien pouvoir faire aujourd’hui. Comme si marcher sur cette plage n’était pas suffisant en soi. Comme s’il fallait que j’ajoute quelque chose à cette promenade qui me procurait pourtant en elle-même un plaisir immense. Comme si l’instant ne suffisait pas et qu’il ne pouvait exister que dans la projection d’un projet futur. Les minutes passaient, absentes. Mes pas finirent par me ramener à la civilisation. Je décidais alors de m’adonner à ce que j’estimais être la quintessence des vacances ; lire le journal assis à la terrasse d’un café.

Les nouvelles en poches, je choisis au hasard la terrasse ombragée d’un bistrot qui s’ouvrait nonchalamment face à la mer. Les familles commençaient à arriver par petites grappes, les enfants devants, impatients, les parents suivants, discutant. Il faisait bon. Je commençais à parcourir quelques articles tout en faisant tourner ma cuillère dans ma tasse. Je prenais mon temps. Je prenais le temps. A bras le corps. Pleinement. Sans arrière pensée et sans retenue. Chaque seconde était une nouvelle victoire.

Au bout d’une heure j’avais fini de lire les dépêches internationales ; dramatiques comme d’habitudes. Vivre dans la peur doit être intrinsèque à l’homme.

Vers onze heure j’étais toujours assis là à flotter d’articles en réflexions, tentant de comprendre à mon niveau ce grand barnum mondial qu’il m’était donner de voir.

J’étais encore évaporé dans mon auto argumentation lorsque mes oreilles captèrent le bruit d’une conversation joyeuse jaillissant juste derrière moi. Deux jeunes filles venaient de s’assoire juste dans mon dos, inondant de leur babil cette matinée finissante. Une petite pointe d’excitation curieuse me saisit. Or l’avantage d’être seul à la terrasse d’un café est que l’on peut suivre en toute impunité une conversation qui ne vous est absolument pas destinée. Mes yeux restèrent donc posés sur la même ligne pendant que mon attention elle, se délectait de ce qui se passait dans mon dos.

Il était question d’un homme musclé, apparemment très beau, avec qui avait passé la nuit la jeune femme à la voix la plus aiguë. Elle ne tarissait pas d’éloges sur sa conquête nocturne au grand étonnement de l’autre qui apparemment n’en revenait pas et semblait même faussement choquée. Il me sembla cependant rapidement qu’elle était plus jalouse de l’audace de son interlocutrice. En tous les cas si elle suivait avec intérêt, elle n’approuvait que du bout des lèvres.

Ce qui était sûr en revanche était que l’une comme l’autre étaient persuadées que personne ne les écoutait. J’eu droit en conséquence, aux détails les plus précis, aux remarques les plus crues, aux éclats de rires les plus complices et aux confidences les plus intimes. Et j’aimais ça. Non pas parce que j’étais là par effraction et que certains auraient pu sentir une certaine jouissance à ce voyeurisme éhonté, mais plutôt parce que j’étais le témoin invisible d’une scène intensément personnelle et qu’il est rare dans la vie courante de pouvoir ainsi assister à ce genre de révélations. Tant dans sa frivolité que dans son naturel d’ailleurs.

Le flot de la discussion continuait, incessant et gai. Par moments je tournais une page évasive, histoire d’entretenir ma diversion mais tout entier, j’étais à la conversation de ces jeunes femmes. Elles sautaient maintenant d’un sujet à l’autre, parfois en plein milieu d’une phrase mais toujours avec le même engouement, avec la même joie, avec la même spontanéité.

Je finis par comprendre qu’elles n’étaient pas amies mais cousines. Qu’elles devaient avoir dans les vingt ans et que celle qui avait couché avec le fameux homme musclé était déjà engagée avec quelqu’un d’autre resté dans leur ville d’origine pour des raisons professionnelles. Cet encanaillement n’avait rien de sérieux. Une entaille dans le contrat comme elle le dit elle-même. Une expérience, rien de plus.

On pouvait sentir un lien très fort entre elles. Un lien tissé dans le passé, dans les souvenirs de vacances passées ensemble, dans les disputes stupides d’adolescentes et dans les réconciliations qui avaient dû en découler.

J’appris aussi beaucoup sur leur famille. Puis il y eut un petit silence, le premier, et cette question :

« - Tu es passée à Roque Brune ?

« - Non. Tu le sais très bien.

« - Tu vas y aller ?

Silence

« - J’crois pas non. J’sais pas en fait. C’était comment ? »

Silence. Inspiration profonde :

« - Un peu…un peu triste. Enfin… pas triste mais…enfin tu vois quoi.

« -  Hum…comme d’habitude.

« - Ouais. Pascal a fait son cirque. Christian n’a rien dit

« - Il dit jamais rien de toute façon. Cet imbécile sort des conneries grosses comme lui et personne lui dit jamais rien. Ça m’énerve ça. Et toi à peine tu dis ce que tu penses tout le monde te regarde de travers. Tout ça parce que ce gros beauf paye l’entretien de la baraque.»

Elle avait dit « conneries » avec une vulgarité et une violence qui lui avait été jusque-là étrangère. Visiblement, le contentieux était sérieux et profond.

« - Oui mais Mamouche. T’as pensé à elle ?

« - Oh hé ça va  hein ! Mamouche elle est capable d’exiger qu’on vienne en jouant sur la corde sensible mais par contre elle est pas capable de dire à son crétin de fils que c’est pas parce qu’on fait pas comme lui il pense qu’on est forcément de la merde.

« - T’es dure. Elle veut juste te voir. Déjà que Thierry et les Gergoron ne viendront pas cette année t’imagine ? Elle va pas voir grand monde. En plus t’es juste à côté elle comprendrait pas que tu viennes pas. »

« - Juste à côté juste côté. On voit que c’est pas toi qui te déplace en vélo. Et puis elle est pas censée être au courant que je suis là. » Silence ; long et lourd.

« - Tu lui as pas dit que j’étais là hein ?

« - Moi non. Mais ta mère oui.

« - Oh putainnnnn ! Mais pourquoi elle est allée lui dire ça, je lui avais dit de rien dire !

« - Eh ben oui mais elle a pas pu résister. Juste une après-midi. On y va ensemble.

« - Humm. De toute façon maintenant j’ai plus trop le choix. Demain ?

« - Non pas demain, y’aura personne de la journée, tout le monde s’en va voir les Bremont. Mais après-demain ça te va ?

« - D’accord. Comme ça le matin on aura qu’à aller se baigner au Lion, c’est juste à côté. On pique nique ensemble et après on y va.

« - Super. J’appellerai ce soir à Roque Brune pour leur dire. Qu’elle heure il est ? »

Dans la seconde qui suivit, elles avaient disparu. Je ne vis jamais leur visage. Juste leur dos, leurs silhouettes.

 

lundi 22 septembre 2008

Poème

Jour de pluie

 

Le jour c’est habillé de gris

Le jour c’est habillé de pluie

Et les gouttes qui claquent aux carreaux

Me renvoient le triste écho

De cette chanson d’automne

Au refrain si monotone.

 

Un jaune ardent,

Un rouge profond,

Des bogues de marrons,

Et le mouvement lent

De mes pas dans les feuilles rousses,

Ces feuilles qui craquent et que je pousse

Pour entendre

Se répandre

Cette chanson d’automne

Au refrain si monotone. 

samedi 20 septembre 2008

Conversation

Ressentiment

 « - Tiens salut….qu’est ce que tu fais là?

- Ben je me promène tu vois. Et toi?

-Moi aussi. Je..ah c’est marrant de ce croiser comme ça. Ça fait euh…

- Huit ans. Depuis notre saison au restau.

- Ouais c’est ça. T’as la mémoire des dates dit donc.

- Hum.

- Mais tu…t’habites ici depuis combine de temps ? Parce que c’est pas du tout ta région, enfin j’veux dire ni toi ni moi on vient d’ici c’est étonnant de se retrouver là comme ça.

- J’ai suivi mon mari. Il a trouvé un gros poste dans le coin alors voilà.

- Ah t’es mariée. Depuis combine de temps?

- Quatre ans. Et toi qu’est ce que tu fais là ?

- Ben moi je suis toujours avec euh…enfin avec la même femme avec qui j’étais.

- J’imagine.

- Et puis ben on a cherché à monter une boite et c’est ici qu’on a trouvé la meilleur opportunité. On a repris un magasin en gérance. Ça se passe bien. Faudrait que tu passes si tu veux.

- Non ça va aller. Ça m’ennuie déjà suffisamment de savoir qu’on est dans la même ville maintenant, je ne vais pas en plus venir te voir toi et ta femme. Aux dernières nouvelles tu devais la quitter pour qu’on vive ensemble après la saison qu’on avait passé tu te rappelles ?

- Non mais….

- Non mais quoi ? Oh et puis merde j’m’en fou de tes excuses minables et de tes embrouilles à la con. T’es une merde et moi j‘ai cru en toi l’espace d’un été. Je me demande bien comment d’ailleurs quand je te vois maintenant avec ton sourire de vendeur de canapé et tes fringues de flambeurs. J’ai presque honte d’être tombé amoureuse de toi. Parce que je l’ai été amoureuse. J’ai très vite déchanté je te rassure. Quand j’ai vu que tu ne répondais pas au téléphone je n’ai pas cherché à aller plus loin. Mais j’ai souffert. Et ne me dit surtout pas que tu es désolé parce que quelqu’un comme toi ne peut pas savoir ce que signifie être désolé. Mais ça me fait mal d’être tombé dans un panneau aussi grotesque que celui avec lequel tu m’as assommé. Alors à l’humiliation que tu m’as déjà infligé je préfèrerais m’éviter le ridicule d’excuses qui n’en sont pas. »

jeudi 18 septembre 2008

Poème

Le petit monsieur
 
J'ai touché le vide,
Plein et mou.
De son ampleur morbide
Il rend les gens fou.
 
Etrange sensation
Que ce rien
Qui mange sa ration
De petites gens bien.
 
Car le petit monsieur
Car la petite dame
Enveloppés leur imper peureux
Ont perdu leur âme.

mardi 16 septembre 2008

Moment

Sève.

Les odeurs hurlantes qui se fracassaient les unes contre les autres dans ce chaos indescriptible, n’était que l’écho assourdi de la vie grouillante et incessante qui animait en permanence ce quartier de la ville. Bringuebalés d’un étale aux sacs regorgeant de couleurs aussi savoureuses les unes que les autres, à une terrasse sur laquelle les hommes parlaient fort, ils se laissèrent assommer par cette explosion. Cheminant au gré de ce que glanaient leurs sens, ils avaient enfin le sentiment de toucher à l’absolu de ce que peut offrir parfois le voyage aux hommes qui l’entreprennent : le ravissement par l’inconnu. Cet instant où tout bascule, ce moment où les repères qui jalonnent les espaces de nos vies si bien rythmées bercées dans la torpeur de nos quotidiens disparaît, dissout dans l’instant. Les projets s’effacent et tout alors se recentre sur ce moment unique. 

Ils en étaient là, main dans la main, perdus dans ce souk odorant, ignorant le sol huileux et les façades hautes qui rendaient la rue sombre. Leur déambulation jubilatoire ne faisait que les entraîner de découverte en émerveillement et la rue toute entière était un nouvel univers.

Arrivés ici par hasard, ils avaient été guidé par leurs pas pleins de flâneries curieuses. Les sons, mélanges de langues inconnues, de harangues qui n’avaient pas besoin d’être traduites et de rires universels, offraient un cocon à l’ensemble qui allaient bien au-delà du simple habillage folklorique. Il y avait la vie ici. La vie sans masque et sans tricherie, simple et sincère. La vie faite de la nécessité de se nourrir et de rencontrer l’autre, de s’y mesurer ou de s’y confier. La vie qui se tisse dans le regard des amis et les attentes des familles. La vie qui s’étire entre ce vieil homme assis et cette petite fille qui marche en titubant, ivre de ce nouvel apprentissage. 

La foule indifférente qui les côtoyait n’était pas là pour habiller un décor qui ferait au final une jolie photo dans une agence de voyage. Elle était la sève de cette ville et venait s’y nourrir dans cette artère aux centaines d’alvéoles garnies. Et eux, heureux observateurs hébétés se laissait flotter avec délectation au milieu de ce chaos rudoyant.

Après un moment qui leur sembla infini, ils finirent par être poussé et débouchèrent sur une place où le soleil éclaboussait des étales beaucoup plus espacés. Là aussi il y avait du monde mais quelque chose était différent que dans la succession de ruelles dans lesquels ils venaient de se perdre. Machinalement ils se retournèrent. Un flot ininterrompu de personnes entraient et sortaient du labyrinthe. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter.

lundi 15 septembre 2008

Poème

Journées
 
J'emplis mes journées de mots.
Je monte des murs de vents
Et j’y grimpe, tout en haut.
Alors je vois loin devant
Je vois des étendues de temps
Qu'il me faudra emplir
Patiemment.

Alors à nouveau

Je prends des mots.


Je les soude
Je les colore
Je les dissous
Je les abhorre
J'en fais des tours
Ou des abîmes
J'y goûte l'amour
Et m'y abîme.
 
Ainsi passe les jours.
Nés trop courts
Ils meurent trop vite
Et seuls les mots crépitent
De ces flashs d'infinis
Qui nourrissent la vie.

 

samedi 13 septembre 2008

Moment

Effleurement

La remarque fusa, figeant immédiatement son sourire. Ses épaules se tassèrent d’un coup, appesanties par le poids de la tension qui venait soudainement de monter inutilement d’un cran. Son regard se fit sombre et d’un mouvement abusivement désabusé, il sortit de la voiture. Tout en sachant très bien que cela allait rajouter une touche supplémentaire de mauvaise humeur, il claqua la porte avec juste la force nécessaire pour bien faire sentir son mécontentement. Avait-elle vraiment besoin de son téléphone ? Le sien ne lui suffisait-il pas amplement ? Ils partaient manger chez ses parents pas au boulot, merde ! D’un pas agacé et lent il remonta les quatre étages, tournant et retournant dans sa tête sa rancœur quand à ce qu’il estimait être une absurdité. L’inutilité de cette demande et l’énervement à peine voilé avec lequel elle lui avait lancé : « Mais je t’avais demandé exprès de la prendre. Tu voyais très bien que je ne pouvais pas le faire puisque j’avais la petite dans les bras quand même. » et le petit et sournois « je me demande ce que t’écoute quand je te parle…. » rajouté dans un soufflement exagérément exaspéré, n’avait fait que faire monter en lui le sentiment d’injustice. En arrivant dans l’appartement, il trouva le portable raccordé à sa recharge posé négligemment du côté du lit de sa femme. Il redescendit les escaliers avec plus de dynamisme qu’il ne les avait monté. Mener la guerre sur le terrain de savoir si oui ou non remonter chercher le portable avait été une nécessité serait une démarche inutile. En revanche, laisser complètement passer cette petite injustice était tout aussi inenvisageable.

De retour dans la voiture, il prit lâchement le parti du silence. Mais c’était de loin le plus avantageux pour lui. Tripotant d’un air distrait l’objet du délit histoire de donner faussement une réponse impérieuse à son exigence, elle aussi semblait avoir opté pour cette solution. Ce fut sur ce terrain neutre et mou qu’il crut que devait disparaître pour ce jour-là, l’irritant esprit de la guerre des couples.

Mais une fois chez ses parents, le miel qu’elle mit dans sa voix pour leur expliquer les déboires dont il avait été l’acteur ridicule à la suite d’une soirée un peu trop alcoolisée quelques jours plus tôt signait d‘une part la reprise des hostilités et ouvrait d’autre part un champ bien plus violent que le simple effleurement glaciale dont il avait eu à subir un premier échantillon dans la voiture.