vendredi 28 novembre 2008

Petite phrase

" Mathématiques de la vie ; 1+1=3. Allez comprendre."
Anonyme

mercredi 26 novembre 2008

Conversation.

Panique

« - Alors d’abord je t’emmerde…non mais je sais que tu le sais mais je suis contente de te le dire de vivre voix. Ça te paraît peut-être con mais ça me soulage tu vois…Deuxièmement toi et ta pute à dix balle vous pouvez…oui c’est une pute à dix balle…non mais t’as vu sa dégaine elle s’habille dans le noir c’est pas possible…oui non mais arrête de me couper la parole. Pendant trois ans tu m’as mené en bateau en me faisant croire que ci que là, que c’était moi et pas elle et le jour où je t’appelle pour te dire que je suis enceinte tu te casses alors tu permets je vais causer et tu vas m’écouter pour une fois. Parce que moi je suis peut-être naïve mais je suis pas irrespectueuse si un gros con comme toi peut voir ce que ça veut dire le respect. Moi je t’ai jamais menti et c’est sûrement pour ça que t’as pu me balader comme tu l’as fait. Avec moi tu savais toujours où t’allais alors que moi je te suivais en plein brouillard et putain ça a été dure. Mais je t’aimais. Me demande pas pourquoi c’est comme ça. J’arrive toujours pas à comprendre comment j’ai pu aimer un porc comme toi maintenant que le rideau est tombé. Tant que tu couchais un peu à droite à gauche j’ai souffert j’ai accepté mais je t’en ai jamais voulu. Peut-être parce que tous les matins c’était à côté de moi que tu te réveillais et que ça me rassurait quelque part de me dire que malgré tout tu rentrais toutes les nuits. Tes trompries c’était dure mais pas insurmontable. Après tout c’était toujours moi chez qui tu revenais. Mais être une sale merde au point de se barrer parce que je suis enceinte…et se barrer comme un voleur en plus. T’es venu prendre tes affaires en pleine journée. Tu te rends compte de ça. Pendant que j’étais au boulot… T’as paniqué ? Non mais je rêve. T’as paniqué !? Et moi je fais quoi alors hein ? Qu’est ce que je fais moi tu peux me le dire ? Qu’est ce que je fais si je panique aussi ? … Tu vas me filer de l’argent ? Mais t’as rien compris ou quoi ? Tu sais où tu peux te le foutre mettre ton fric de merde ? C’est pas une histoire d’argent. Ça n’a jamais été une histoire d’argent bordel. »

vendredi 21 novembre 2008

Conversation.

Pause clope.

« - T’aurai une cigarette steplait ?

« - J’ai que des roulés.

« - ça fera l’affaire.

« - ça fait longtemps que t’es là?

« - Dans cette boîte ? Deux ans.

« - Et alors ? Il est cool le boss ?

« - Si tu fais ce qu’on demande y’a pas de soucis. Ça fait combien de temps que t’es dans les échafaudages ?

« - Un an. J’ai fait la grande tour en ville l’année dernière. Après ils ont voulu me filer une mission dans une usine d’empaquetage. Mais j’ai redemandé rapido les échafaudages. Ça paye mieux.

« - T’étais à la grande tour ? T’as bossé avec Frezzato et le grand Jules alors ?

« - Ouai. Tu sais ce qu’ils deviennent ?

« -…Frezzato il s’est tué y’a un mois. Tombé d’une travée. A un an la retraite putain vraiment c’est con.

« - Merde. Ch’avais pas.

« - Le grand Jules il c’est trouvé une gonzesse. Il va être papa et il bosse dans une grande surface. Il gagne moins mais comme il avait le vertige il se sent mieux. Bon t’as fini ?

« - Presque.

« - Eh ben tise mon gars. C’est la pause clope c’est pas la pause glande. »

 

jeudi 20 novembre 2008

Conversation

Après le boulot.

 

« - Salut

« - Salut ça va ?

« - Ben ouais ma foi.

« - Alors t’es restée tard au final hier soir ?

« - Oh ben m’en parle pas. Après l’apéro au magasin, Philippe nous a tous emmené boire un coup.

« - Ah ouais où ça ?

« - Sur la grande place. Au bar qu’est tout rouge là tu vois.

« - Ah oui je vois. Et alors c’était sympas ?

« - Ouais ouais carrément.

« -…et c’est tout ? C’était carrément sympas et c’est tout ?

« - Ben oui qu’est ce que tu veux que je te raconte. On a bu des verres on a discuté et puis voilà.

« - Boh attend t’as toujours des trucs à me raconter d’habitude quand vous sortez. Il t’as encore tourné autour ?

« - Non. Pas lui en tous les cas…

« - AH ! Bon mais qui alors ?

« - Bon je te le dis mais tu le répètes à personne hein parce que sinon ça va foutre la merde.

« - Pourquoi ? C’est qui ?

« - François. Le grand de la compta.

« - Nooooooonn. Celui qu’est marié depuis même pas deux ans ?

« - Ouais lui. On a parlé on a parlé. Il m’a dit qu’entre lui et sa femme ça marchait plus très fort depuis qu’ils étaient mariés. Un peu comme s’il n’y avait plus de challenge tu voies. Il n’a plus besoin de la séduire quoi. Faut dire qu’elle a pas l’air vraiment marrante non plus.

« - Ah ben ça c’est sûr que si c’est lui qui te l’as décrit et qu’il avait envi de coucher avec toi, il a pas du lui faire de cadeaux, ça forcément. Bon et alors comment ça c’est fini ?

« - Ben comme on commençait a avoir pas mal picolé et que finalement il me faisait bien rire avec ses histoires on a fini avec deux autres par aller boire des verres chez moi. Et il est reparti super tard.

« - Mais vous avez couché ensemble ?

« - Oh disons qu’on s’est un peu tripoté. Mais j’ai mis le ohlà avant qu’on s’emballe de trop.

« - Pourquoi ?

« - Oh èh ça va hein ! C’est pas parce que j’aime bien le cul que je couche avec n’importe quoi n’importe comment non plus… Et puis ils aiment bien quand on les fait mariner un peu. »

mercredi 19 novembre 2008

Moment

Confirmation.

Assis face au miroir chez le coiffeur, il entretenait sans grand intérêt une conversation sur les résultats sportifs du week-end. Face à lui se reflétait les scènes de vies qui se déroulaient dans son dos, sur le petit marché qui tentait de se réchauffer en ce début d’hiver. La foule allait et venait, offrant un spectacle agité et désordonné.

Malgré le froid vif, la terrasse du café ne désemplissait pas. Et c’est au milieu de ce ballet, alors que le coiffeur continuait de bavarder et que ses cheveux rétrécissaient, qu’il aperçut sa femme. Il n’y crut d’abord pas. Elle ne travaillait pas dans ce coin là de la ville et il n’avait pas souvenir qu’à aucun moment elle lui avait dit qu’elle devait se rendre par ici aujourd’hui. Comme il c’était décidé à la dernière minute et complètement par hasard à s’arrêter chez ce coiffeur, elle non plus ne pouvait pas savoir qu’il se trouvait là. Peut-être avait-elle décidé de venir boire un café avec une copine. Après tout, pourquoi pas. Il continua de l’observer tout en répondant de façon lointaines aux questions du coiffeur. C’était étrange de la voir ainsi, sans qu’elle sache qu’il l’observait. Elle tripotait nerveusement son téléphone. Il lui tardait maintenant d’en avoir finit avec sa coupe de cheveux, tant parce que la conversation commençait à lui peser que parce qu’il voulait aller la rejoindre.

Lorsque le coiffeur en eut enfin terminé avec lui, il se leva, paya, enfila son blouson et s’apprêta à sortir. Ce fut à cet instant qu’il le vit s’approcher de sa femme. Tout sourire, comme elle. La main sur la poignée de la porte il resta un long moment suspendu dans le vide. Quelque part derrière lui une voix lui demandait s’il avait oublié quelque chose. Il dut probablement répondre que non, puis il sortit. C’est à ce moment-là qu’elle le vit. Et c’est à ce moment-là, dans ce regard qu’elle lui lança, dans cette indifférence qu’elle lui manifesta, qu’il comprit que cette fois tout était définitivement terminé. 

mardi 18 novembre 2008

Poème

Ici

J’ai ouvert des portes

Fondu des lingots

Trouvé des vérités accortes

Des mensonges en halos,

Deviné l’éternité

Embrassé la laideur

Et emprunt de brièveté

Effleuré le bonheur.

 

J’ai traversé tant de terres

D’immensités fugaces

Que malgré quatre frontières

La page reste un espace,

D’errances

Immenses.

lundi 17 novembre 2008

Absurderie

Seulitude.

La seulitude était à son sens la seule attitude sensée à cette altitude. Comment amener raisonnablement qui ce soit dans ces hautes sphères, aussi sot soit il ? Ici, il gelait à s’en faire sauter cerveau, l’air était sec et les secondes ne signifiaient plus rien. Seul subsistait ce délicieux sentiment d’absolu, cette douce sensation de n’appartenir qu’à sa seule et unique seulitude. Car oui, à cette altitude, même si l’homme n’en avait pas l’habitude, on y trouvait la liberté dans toute sa démente amplitude. Ici il pouvait dessiner sans censure, de lonnnnnnngues arabesques, sentir couler le long de lui l’air limpide, vider ses pensées jusqu’à n’être plus qu’un souffle dans l’immensité. A cette altitude il n’y avait plus ni pesanteur ni problèmes, tout était léger et bohême.

C’était surtout pour ça qu’il gardait pour lui seul le secret de la clef qui lui permettait de quitter ainsi le sol. Il l’avait trouvé un soir totalement par hasard, qui traînait là dans le noir, assise à regarder sans voir, passer des trains hurleurs.

«- Avez vous vu l’heure ? » fut sa première question, à ce qui lui semblait être une hallucination. C’était sûrement la chose la plus stupide à demander à une clef ; Que pouvait bien lui importer l’heure ? « Près de minuit. » Lui avait-elle pourtant répondu d’un ton triste. « Et je m’ennuie. » Avait-elle rajouté sur un ton tout aussi morne.

« Peut-être pourrais-je vous distraire ? » demanda-t-il timide.

« Aimeriez-vous aller dans les airs ? » lui lança-t-elle sans quitter des yeux, le train qui passait au loin.

« Dans les airs…mais…mais j’en rêve. Quel secret une clef peut-elle garder qui me garantisse à coup sûr de décoller ? » La petite clef leva sa tête vers lui, lui sourit. D’un bond souple elle se leva, sauta sans effort jusqu’à son épaule et lui glissa tout doucement :

« - Ferme les yeux. » Il s’exécuta avec soin. Il ne se passa d’abord rien. A peine un petit tourbillon vint il le titiller. Puis il entendit la voix de la clef, douce et claire :

« - Enfin ! Enfin je te trouve. D’ordinaire, je suis solitaire, c’est ce qui me lie à l’air, car si je suis une clef de sol, c’est dans l’éther que se trouve ma vraie nature. Et c’est uniquement lorsque je trouve un esprit libre, réellement libre, capable de comprendre la partition que je lui joue, que ma présence prend tout son sens. Je donne à l’errance, un goût d’éternelle partance et chaque jour en ma compagnie, n’est plus le lendemain de la veille ou la veille du lendemain, mais un instant unique, précieux, puissant. Je suis la musique et c’est ensemble maintenant que nous volerons. »

vendredi 14 novembre 2008

Moment

Impeccable.

Assise au bout de son lit, un chiffon à la main, elle regardait la chambre. Tout y était impeccablement rangé, parfaitement pensé, proprement ordonné. Le tapis qu’ils avaient acheté en Turquie se mariait à la perfection avec les ocres du petit fauteuil années vingt qu’ils venaient de faire refaire chez le tapissier. Et cette harmonie de couleur répondait elle-même parfaitement à ce meuble lourd qu’ils avaient fini par trouver après des années à chiner et qui trônait maintenant sur le grand mur face au lit. Pas un grain de poussière ne venait entacher ce tableau digne d’un magazine de décoration. Et aussi loin que son esprit pouvait la porter, pas une ombre ne pouvait assombrir l’ensemble de cet équilibre stable.

Elle se leva, se dirigea vers la cuisine pour se servir un verre d’eau et tout au long de son cheminement regarda chacun des meubles si patiemment trouvé, chaque bibelot si brillement disposé, chaque livre si élégamment posé dans ce désordre si bien pensé. Tout était à sa place, parfaitement à sa place, impeccablement à sa place. Et tout en se faisant couler l’eau dans son verre, elle sentit soudain son corps s’écraser, se serrer, comme compressé au milieu de toute cette perfection bon enfant.

Son mari l’aimait, ses enfants vivaient une adolescence rebelle mais somme toute assez banale, ses parents étaient en vie et glissaient doucement vers la vieillesse, sans bruits. Elle avait un boulot sympas, un crédit pour la maison qu’ils allaient finir de payer dans quelques temps, des projets de vacances à l’étranger. Ils avaient des amis fidèles et une famille comme toutes les autres, avec ses histoires et ses réconciliations. Leur santé ne présageait rien de terrible et si une étude commanditée par un de ces nombreux instituts  de sondage venait à être publiée, elle était certaine de se retrouver dedans, en pleine moyenne, bien au milieu. Un encéphalogramme social plat. Pas un angle obtus ne venait écorcher la vision de cette vie propre. Tout était huilé à la perfection et fonctionnait tellement bien que ce matin-là, sans même savoir pourquoi, elle se sentit glisser sur une pente savonneuse le long de laquelle elle n’avait aucun moyen de trouver la moindre prise. Une pente lisse et sans rayure, qui la guidait jusqu’à une mort bien préparée elle aussi, avec convention obsèques et héritage organisé chez le notaire. Sa seule issue ce matin-là, se situait là.

Toujours avec son chiffon à la main, son verre d’eau dans l’autre, elle s’assit dans son canapé confortable et baissa la tête. A quarante cinq ans, le goût des grands projets c’était petit à petit fondu dans la quiétude d’un quotidien qui avait su étouffer avec une redoutable minutie les ambitions de sa jeunesse. Et elle n’arrivait plus aujourd’hui à trouver les ressorts qui lui avaient permis jusqu’alors de voir dans toute cette existence, le bonheur simple d’exister.

Avec lenteur elle se leva, traîna sa mélancolie à travers les pièces au hasard de ses pas. Elle était lourde, prisonnière. Vers midi un bruit de clefs dans la serrure retentit. Ils rentraient. La vie allait reprendre.

jeudi 13 novembre 2008

Conte : La baie des cormorans (9)

Tout en parlant, Léonide et sa grand-mère avaient repris petit à petit le chemin de la maison. Elles étaient maintenant à la porte de celle-ci et comme la vieille dame était en train de terminer son récit la petit lui demanda :

« - Dit mamie, pourquoi est ce que tu m’as raconté toute cette histoire ?

« - Comme ça…pour le plaisir. Pour que tu saches que cette baie n’est pas tout à fait comme les autres…que ce n’est pas rien de vivre dans un endroit pareil. » Comme elles enlevaient leurs bottes et qu’elles s’apprêtaient à préparer un grand bol de lait chaud, la grand-mère d’un ton innocent demanda à Léonide :

« - Dit moi ma petite  fille, est ce que tu ne voudrais aller me chercher ma barrette de nacre dans le tiroir de ma coiffeuse. Tu sais le meuble qui est dans la chambre que maman prépare toujours lorsque je viens ?

« - Oui bien sûr. » Et aussitôt Léonide fila dans les escaliers pour chercher la barrette. Elle n’avait pas trop l’occasion d’aller dans cette chambre. D’abord parce qu’il n’y avait rien de spéciale à y faire et puis ensuite parce que même si c’était une chambre pour les amis, c’était sa grand-mère qui y dormait le plus souvent. Alors c’était quand même un petit peu sa chambre. Elle entra, trouva le meuble, ouvrit le tiroir, fouilla d’une main le fond. Ses doigts rencontrèrent quelque chose qui ne ressemblait à rien de ce qu’elle pouvait connaître. Intriguée, elle sortit l’objet de sa trouvaille. Et là, devant elle, apparut un superbe hippocampe blanc, sec, mais parfaitement bien conservé. Elle ouvrit la bouche comme si elle avait voulu crier mais pas un son n’en sorti. Un hippocampe blanc…dans le tiroir de sa grand-mère…se pourrait il que…ne pouvant retenir sa question, elle descendit les escaliers quatre à quatre, tenant devant elle, le précieux animal. Elle pénétra dans la cuisine, les yeux grands comme des soucoupes. La vielle femme était assise tranquillement face à son bol fumant.

« - Mamie, t’as vu ce que j’ai trouvé dans ton tiroir.

« - Ah oui tient ! Un hippocampe blanc…dit elle avec un sourire malicieux. C’est un animal bien étrange n’est ce pas ?

« - Étrange mais…et l’histoire que tu viens de me raconter…est ce que toi et papy vous étiez…

« - …le prince et la princesse de la baie ? » Le silence tomba sur la pièce. « - Non ma chérie. Cet hippocampe n’est pas à moi. Il appartenait à ma grand-mère à moi qui elle-même le tenait de sa grand-mère à elle. Tout comme l’histoire que je t’ai raconté. Mais tu sais ma chérie, le plus important dans une légende, ça n’est pas qu’elle soit vraie ou non, le plus important est qu’elle fasse rêver. Tout le reste, n’a pas vraiment d’importance. »

mercredi 12 novembre 2008

Conte : La baie des cormorans (8)

« - C’est lui qui me trouvera…ah tien ! C’est nouveau ça. Bon. Il ne me reste plus qu’à attendre alors. » Le prince regarda tout autour de lui. Il n’avait donc plus rien à chercher. Il n’avait qu’à attendre et à être attentif.

Il se laissa alors doucement remonter vers la surface. La plaine s’étalait à perte de vue. Elle ondoyait parfois lorsque le courant jouait avec les algues. On pouvait y voir des collines et des vallées toutes en rondeurs ondulant calmement sous le tapis vert. Et toute une vie s’animait au dessus de cette masse épaisse et continue. Des poissons, seuls ou en banc se promenaient, chassaient, divaguaient, virevoltaient çà et là. Le prince se laissa aller à la contemplation de ce spectacle. Cela le changeait tellement de ce qu’il avait pu voir jusqu’alors. Et puis, était ce le fait qu’il n’avait pour ainsi dire, plus rien à faire qui avait ainsi modifié sa vision du monde. Toujours était il qu’il voyait maintenant autour de lui un monde totalement nouveau, entièrement à explorer. Il n’était plus un prince qui se rendait d’un endroit à un autre avec la nécessité de trouver ce qu’il cherchait. Il était un petit poisson au milieu d’une immensité toute entière à explorer. Et l’envie de découvrir était entrain de gonfler en lui.

Puis ses pensées allèrent vers la fille de la baie. Il la revoyait, nageant entre deux eaux, se dirigeant vers lui comme si elle-même avait été un être de la mer. Son cœur se mit à battre et tout autour de lui tout lui paru soudain bien triste.

Il était en train de dériver au lentement lorsque son regard fut attirer par une étrange tâche blanche posée en plein milieu des algues. Il commençait à faire nuit et comme celle-ci brillait légèrement, il était quasiment impossible de ne pas la remarquer. Il plongea vers le fond pour se fondre dans la masse d’algues. Puis discrètement, il tenta de s’approcher de la tâche lumineuse. C’est à ce moment là qu’une voix lui parla dans sa tête :

« - Inutile de te cacher. C’est toi que j’attendais. » Complètement surpris il répondit :  

« - Moi ? Vous êtes sûr ?! Comment pouvez vous savoir ?

« - Ne t’en fait pour ça. Avant que tu ne montes sur mon dos et que je te conduise dans le monde que tu désires tu dois savoir une chose. Nous ne nous ne sommes pas fait, toi comme moi pour évoluer dans le monde des airs et des vents. En montant sur mon dos, tu bénéficieras de mon aura magique pour quelques heures. Passé ce délais et une fois le soleil revenu, tu devras impérativement venir me rejoindre là où tu m’as laissé et nous devrons retourner sous l’eau quoi qu’il arrive. Si tu ne reviens pas avant ce moment là, je te laisserai seul et tu mourras. Mais rassure toi. Tant que je serai en dehors de l’eau tout ira bien pour toi. Alors ? On y va ? »

Sans hésiter une seule seconde, le prince enfourcha l’hippocampe blanc qui aussitôt fila comme le vent. Le vent. Se fut cette sensation étrange qui fit ouvrir les yeux au prince. Ils étaient en train de galoper le long de la plage qui bordait la baie des cormorans. La lune inondait la nuit de sa lumière douce. Tout en haut de la colline qui surplombait la baie, une petite lueur éclairait les fenêtres d’une maison.

« - Va, c’est la haut qu’elle habite. Mais surtout n’oublie pas. Reviens avant le jour sinon…. » Le prince entendit à peine la dernière recommandation. Il courut tout le long du petit sentier qui le conduisit jusqu’à la demeure. L’air emplissait ses poumons. Essoufflé et euphorique, il frappa d’une main tremblante à la porte. Quelques secondes plus tard, celle-ci s’ouvrait et pour la première fois, ils purent se parler.

La nuit s’envola, pleine de paroles et de charmes. Le prince crut vivre un rêve. Lorsqu’il ouvrit les yeux le matin, sa première réaction fut de sauter hors du lit. Le soleil courrait sur sa peau et….non ; il passa sa main sur tout son corps ; il n’était pas mort. Il regarda la pièce tout autour de lui. Sur la petite table de chevet, celle qui était située sous la fenêtre et qui donnait sur la mer, il vit posé là, un petit hippocampe blanc, sec, parfaitement conservé. Un sourire illumina son visage. Il descendit l’escalier jusqu’à la cuisine, l’hippocampe à la main. Elle le regarda l’air malicieux :

« - Je l’ai trouvé en allant me promener ce matin sur la plage. J’ai pensé que se serait un joli cadeau. Ils sont rares ceux qui sont tout blanc comme ça. »

Le prince n’eut jamais à retourner sous la mer et il put rester avec la fille de la baie des cormorans. Il ne chercha jamais à savoir comment et pourquoi il avait pu ainsi rester là. Mais le bonheur qui l’envahi à se moment là le porta chaque jour. Le bonheur d’avoir pu changer son destin et d’avoir été libre.

mardi 11 novembre 2008

Moment

Retour.

Le ciel était solide, engoncé dans un gris de glace rendant les bruits cassants et creux. Je marchais avec mes rêves le long de la grève du lac, écoutant le discret clapotis des vaguelettes. Sur ma droite, une maison aux murs gris était doucement entrain de mourir. Un lierre gigantesque l’enserrait dans sa main sournoise, s’insinuant dans ses fentes, ses fissures, écartant de sa poigne immuable et lente la moindre ouverture, le moindre petit espace, le plus petit interstice. A l’étage des fenêtre vides jetaient sur ce paysage morne, un regard indifférent. Les volets de part et d’autre tombaient comme des paupières fatiguées. Et moi je marchais, bercé par ces odeurs de marais, illuminé par le gris glauque que renvoyait la surface du lac. Je marchais dans ce paysage humide où l’air stagnait comme dans une vieille flaque et je prenais un plaisir immense à chaque foulée supplémentaire, à chaque inspiration bourrée de moisissure et de bois en décomposition.

Plus tard je croisais l’odeur lourde d’un feu de cheminée. Après avoir remonté mon col, j’enfonçais mes mains dans mes poches chaudes, pensant à la douceur de l’âtre qui rougeoyait quelque part.

L’humidité dégoulinait le long des branches décharnées, tombant au sol en rafale de gouttes froides au moindre souffle de vent. Je quittais la compagnie du lac gris pour m’enfoncer dans la forêt. Ou du moins ce qu’il en restait à cette époque de l’année. N’ayant pas encore tout à fait quitté l’automne mais n’étant pas nous plus pleinement entrée dans l’hiver, elle était recouverte de cette humidité gluante qui pénètre au plus profond pour favoriser l’éclosion de la pourriture.

Le craquement des brindilles sous mes pieds m’indiquèrent que je quittais le chemin. Une petite colonie de champignons gonflés d’eau sur lesquels déambulaient quelques limaces étalaient leur chaire visqueuse à côté de bogues de châtaignes vides.

Les festins allaient se faire de plus rare dans les mois à venir. La nature allait rentrer dans cette longue torpeur givrée, entourée de nuit et cernée par le froid. Le printemps à venir resterait terré au plus profond des canaux des arbres et la vie ne serait bientôt plus qu’une évocation, un murmure, une trace animale dans la boue au bord d’une flaque libre de glace.

Et moi je marchais lentement, tranquillement, au seuil de cet hiver imminent, de cet hiver qui se faisait presque désirer tant sa marque avait déjà imprégné les alentours. Il ne manquait plus que le carcan de glace et de la neige mais à bien regarder le ciel, on sentait déjà son haleine souffler. Je finis par ressortir des bois. De nouveau le lac vide s’étalait devant moi. J’étais maintenant à l’embranchement qui allait me ramener jusqu’au barrage. De là je me laisserai couler le long de la rivière en aval, sur le chemin plein de glaise collante jusqu’à la petite départementale où m’attendait ma voiture.

La lumière commençait à tomber mais je ne pressais pas le pas, bien au contraire. J’étais chez moi et j’avais tout mon temps.

jeudi 6 novembre 2008

Petite phrase

Petite phrase entendue aujourd'hui dans un square :
" Il a eu quand même une super vie ... c'est pas tous les chiens qui sont allés en Afrique quand même."

mercredi 5 novembre 2008

Conte : La baie des cormorans (7)

Puis petit à petit il se calma. Il commença à regarder tout autour de lui. Il n’y avait rien que de l’eau, sans barrières, sans limites. Des ombres gigantesques se profilaient au loin. L’espace d’un instant, il recula. Son dos vint s’appuyer contre la muraille qu’avait fait ériger son père. Non. Il ne pouvait pas revenir en arrière. C’était face à lui maintenant, qu’il devait nager. Dans les premiers temps, il croisa beaucoup d’espèce qu’il connaissait déjà dans sa baie. C’était une sensation étrange que de ne pas connaître les visages, les prénoms. Chez lui tout le monde le connaissait et le respectait. Ici rien. Les poissons le regardaient passer avec indifférence peut être même un peu de mépris. Ici, face à la grandeur de l’océan, il n’était rien. Il nagea ainsi pendant trois jours, droit devant lui, sans parler à personne, à la fois émerveillé et terrifié par ce monde qui semblait ne jamais se terminer.

Et plus il avançait, plus tout semblait grandir autour de lui. La distance entre le fond et la surface devint si grande, que bientôt il ne put même plus distinguer le premier. Une sourde inquiétude monta soudain en lui. Certes le vieux poisson volant lui avait dit de nager droit vers le large. Et c’est ce qu’il avait fait. Mais le plateau, il ne le voyait toujours pas. Il se décida à aller demander sa route à poisson de passage. Or un mérou se promenait par là, énorme et nonchalant.

« - Excusez moi…hum hum…excusez moi.

« - Oui ? lui répondit le mérou de sa voix de baryton.

« - Je…je suis à la recherche d’un endroit nommé la grande plaine. J’ai là bas un ami que je dois voir mais je me suis un peu égaré en route et euh…je ne sais plus trop où je me trouve.

« - La grande plaine ? Ah oui, bien sûr. Mais tu es allé trop loin au large. Il faut que tu reviennes sur tes traces petit. Et puis il faut que tu remontes la côte vers le sud. C’est tout prés. A peine trois jours en nageant correctement. En plus tu as de la chance. Le courant te porte dans ce sens là. »

Trois jours. Et pour ce mérou, ça n’était rien. Trois jours à nager sans s’arrêter. Sans attendre le prince se mit en route. Un peu porté par le courant, un peu porté par son courage et son excitation du à toutes ces nouvelles découvertes, il nagea. Mais en longeant la côte, il découvrit des paysages bien plus diversifiés que lorsqu’il avait nagé droit vers le large. Il passa ainsi au dessus de bancs de sables immenses, qui dessinaient au sol des vagues statiques et claires. Il découvrit des amas rocheux si grands et si pleins qu’il préféra ne même pas s’y aventurer de peur de s’y perdre à tout jamais. Il dormit au creux d’algues douces comme la peau d’une murène et goûta des plats dont il ignorait l’existence. Enfin, après trois jours de nage et de découvertes, la grande plaine commença à se dérouler sous ses nageoires. C’était une étendue d’algues qui se perdait dans le lointain. Une prairie sous la mer à travers laquelle courrait toutes sortes d’animaux. Mais elle était si grande que très vite, le prince se demanda comment il allait bien pouvoir trouver l’hippocampe blanc au milieu de tout ça.

Au beau milieu de l’étendue, une anguille était en train de serpenter tranquillement. Le prince s’approcha d’elle. Il prit son courage à deux mains et demanda :

« - Excusez moi. Je voudrais savoir si par hasard vous aviez vu récemment un hippocampe blanc dans les parages. On m’a dit qu’il était par là il y a encore quelques temps et ….enfin voilà euh… comme je ne sais pas trop comment faire pour le trouver, je me suis dit que le mieux était encore de demander.

« - L’hippocampe blanc ? Cela ne sert à rien que tu le cherches. Tu ne le trouveras jamais. C’est lui qui te trouvera si vous devez vraiment vous rencontrez. » Et sur ces paroles un peu mystérieuses, l’anguille disparu au milieu des algues.

mardi 4 novembre 2008

Conte : La baie des cormorans (6)

Le prince leva la tête. Face à lui, la grande muraille s’élevait, imposante et écrasante. C’était la marée haute. Avec un peu de chance, l’eau atteignait quasiment le haut de la muraille. En prenant suffisamment d’élan, peut être pourrait il arriver alors à surmonter ce tas de pierres et retomber de l’autre côté, là où se trouvait l’océan immense et l’hippocampe blanc. Oui peut être...alors, tout lui serait ouvert. La découverte de l’autre monde, la rencontre avec la fille du bord de l’eau....Les images et les envies lui tournaient dans les têtes obsédantes et tourbillonnantes. Elles écartaient sur leur passage, toute raison et toute logique. Et soudain, il se mit à la nager vers la surface, filant droit devant lui. Sous son ventre, le mur défilait de plus en plus vite. Il ne réfléchissait plus à rien. La pression au fur et à mesure qu’il montait, se faisait moins dense. Il glissait dans l’eau fluide avec une légèreté et une agilité incroyable. Il avait les yeux fermés. Agir agir agir !!! Nager. Encore. Toujours. Plus vite. Plus fort. Puis soudain...plus rien. Il sentit son corps comme en apesanteur. Sa respiration fut subitement coupée et une violente gifle froide le saisi. Il ouvrit les yeux. Tout autour de lui, il y avait une immensité sombre et bruyante. Il faisait nuit, la lune brillait dans le ciel. Tout le temps qu’il fut en l’air, ce fut un immense sentiment de liberté. Une joie profonde s’empara de lui lorsqu’il vit le mur s’effacer sous lui. Il avait réussi. A peine une seconde plus tard, il retombait de l’autre côté de l’enceinte. Transi par son exploit, il eut du mal tout d’abord à tenir en place. Il dansait dans tous les sens en fusant comme une étoile filante. Tout ! Tout était possible maintenant. Il n’y avait plus aucune barrière devant, plus rien ne pouvait l’empêcher de trouver l’hippocampe blanc. 

lundi 3 novembre 2008

Conte : La baie des cormorans (5)

“- Eh bien voilà...Comme vous le savez peut être, mon père me réserve ce royaume de la baie des cormorans. Il veut que je sois son successeur, celui qui continuera ce qu’il a commencé. Mais moi, ça ne me dit rien du tout. Je n’ai absolument pas envi de continuer à vive ici et pour tout dire, je n’ai même plus envi de vivre sous la mer.” Il marqua un temps d’arrêt pour voir quelle serait la réaction du poisson volant à l’évocation de cette idée. Mais ce dernier, resta de marbre, le sourire gravé sur ses lèves et le regard avide de connaître la suite.

“- En fait, j’aimerai rejoindre le monde de l’air et des vents, celui qui est de l’autre côté de la surface. Juste un jour, juste une nuit. Il y a là quelqu’un avec qui j’aimerai parler rire et échanger. Mais pour l’instant nous ne pouvons rien faire d’autre que de nous deviner, nous effleurer. Elle a bien tenté de venir elle, dans notre monde. Mais tout est si rapide, si basique. Je sens que l’on a plus de choses à échanger qu’une nage. Ah, j’aimerai tellement pouvoir aller la rejoindre dans son monde. Ne serait ce qu’une fois....”

Le petit prince baissa les épaules. Le vieux poisson volant détendit ses grandes ailes, inspira une grande bouffée et doucement, vint poser une main amicale sur l’épaule abattue du petit prince :

“- Je peux peut être t’aider. Il se trouve que je sais où tu peux rencontrer l’hippocampe blanc.

“- Rencontrer qui ? demanda la petit prince.

“- L’hippocampe blanc. C’est un animal très rare et comme tous les animaux rares, il possède des vertus magiques uniques. Mais il ne viendra pas à toi. Il faudra que tu ailles le chercher.

“- Mais il me permettrait de faire quoi par exemple...insista-t-il intrigué.

“- Je ne sais pas, je n’ai jamais à eu à faire à lui directement. Mais je sais qu’il est très puissant. Va, trouve le et je suis certain qu’il pourra faire quelque chose pour toi.

“- Et où puis-je le trouver ?

“- Juste avant que nous arrivions et que nous soyons obligé de venir nous abriter dans votre baie je l’ai aperçu qui galopait sur le plateau des algues, droit devant vers le large. Si tu te dépêches, je pense que tu peux encore l’y trouver.

“- Mais mais mais...pour aller sur la grande plaine, il faut d’abord que je franchisse la muraille et ça, c’est impossible.

“- Impossible ? Et comment avons nous fait ?

“- Mais vous ce n’est pas pareil ! Vous avez des ailes. Moi je n’ai rien.

“- Si. Tu as envi d’accomplir tes rêves et ça, ça vaut toutes ailes du monde crois moi. Ne te laisse pas abattre par un mur. Un mur se saute, se franchit, se contourne, il y a toujours une solution. Toujours. A moins que tu ne veuille rester là et accomplir le destin tout tracé que ton père te réserve?! A toi de voir. Moi je t’ai dit que tu pouvais. Maintenant celui qui pourra agir, c’est toi et uniquement toi.”