lundi 28 janvier 2008

Absurderie

Partition en raie….

« - En peau de raie ?
- Oui monsieur, en réelle peau de raie !
- Mais de raie d’où ?
- D’où ? Mais de l’île bien sûr !
- …Arrêtez monsieur, je vous en prie. Vous ne saurez me prendre plus longtemps pour un arriéré.
- Ma réponse vous révolte ?
- Elle ne me dérangerait pas si je n’étais déjà au courant du secret. Je suis le responsable malgré tout. L’oublieriez vous ? De ce fait, comment pouvez vous affirmer avec tant de raideur qu’un meuble en peau de raie proviendrait de l’île ? Alors que je sais bien moi, que les raies sont partout et que les meubles en peau de raie, ne sont pas l’exclusivité de l’île. Elles nous régissent, nous régulent et nous régalent même parfois de leur rayonnante et resplendissante rayure mais ne sauraient se réduire à provenir de l’île.
- Pardon ?
- De leur rayonnante et resplendissante rayure ai-je dis. Seriez vous sourd désormais ?
- Non mais je rêve. Vous êtes raidicule mon pauvre ami. Raiprenez vous.
- Serait-ce une réprimande ?
- Un réajustement. Je ne peux tolérer des propos aussi rébarbatifs.
- Rébarbatifs ?! Ahahaha ! Laissez moi raire. Vous feriez bien de réviser votre vocabulaire. La rayure de la raie n’a rien de rébarbative. Tout juste mon propos pourrait il être restrictif ça oui mais incontestablement, la raie est la reine des rayures, c’est net. Et il n’y a rien de rébarbatif à cela…mon pauvre ami.
- Mais réveillez vous ! Réveillez vous monsieur le responsable des raies ! Croyez vous que c’est parce que la raie rayonne de son aura régalienne que ça y est, tout est réglé. Il n’y a rien d’arrêté et les problèmes résistent je vous ferai dire. Et que la raie vienne de l’île ou d’ailleurs, rien ne saurait réparer le préjudice de cet affront réactionnaire !!
- Vous délirez cher ami, vous délirez. Et ce comportement rétif pourrait être à terme, répréhensible. Soyez tolérant avec les raies. Elles ont réduit à néant l’infanteraie des rennes et depuis, nous leur devons respect et obéissance.
- C’est révoltant ! Jamais je ne me plierai !
- C’est déjà fait, monsieur le résistant. »

vendredi 25 janvier 2008

Moment

Le Flot

« Il y a le flot. Fluide et fluctuant, global et total qui porte et qui emporte nos vies comme un courant éclectique. Ce flot fait de jours et de d’habitudes, de petites faiblesses et de grands projets, de rêves bâtis sans trêves qui animent la verve de nos pensées intimes. Il y a le flot donc que l’on suit ou que l’on subit mais sur lequel on flotte en tous les cas. Le flot de rendez-vous et d’obligations, d’imprévus et de d’envies soudaines. Le flot des appels et des découvertes, des attentes et des questions, des réponses et de leur négation.
Le flot sur lequel on surfe, fragile et sous lequel on croule, fébrile ; dans lequel on croit, crédule mais auquel on s’accroche sans aucun recule. Parce qu’il incarne la vie. Ce mouvement perpétuel et incessant, cette masse de laquelle on ne peut fuir et contre laquelle on ne peut lutter, ne s’essouffle qu’à notre mort, reprenant son souffle immédiatement dans une autre naissance.»
Il pensait à tout ça, alors qu’il attendait, assis sur le bord du bitume qui déroulait son sillon noir face à lui. Il pensait à tout ça en voyant les centaines et les centaines de voitures qui lui passaient juste devant. Toutes ces vies humaines transportées, qui se suivaient sans se connaître, empruntant la même route la même route mais pas dans le même confort, se frôlant de quelques mètres sans jamais se croiser ni s’adresser la parole. Tous ces visages qui passaient sans le voir, constituaient un flot continuellement en déplacement. Cet homme au complet gris, cette famille aux enfants qui pleurent ou bien ce couple aux regards rieurs…Tous étaient pris dans ce flot incessant, insécable. Et lui était là, assis sur le bord, le pouce levé, à attendre que quelqu’un veuille bien le prendre au creux de sa bulle ; A attendre de croiser un morceau de vie d’un autre être humain comme lui, comme eux tous.
Il en avait toujours été ainsi. Il n’avait jamais était complètement dans le flot de la vie comme on l’entend au sens commun. Des ratés familiaux, une jeunesse en balade entre deux parents qui se détestent, une adolescence à se dire et à se croire un autre, avait fini par donner cet adulte d’aujourd’hui, assis sur le bord de la route. Il c’était longtemps cru différent et avait tout fait pour l’être. Mais il réalisait aujourd’hui que malgré tout ses efforts, le flot était le même pour tous. Mais si l’on ne pouvait le fuir, on pouvait au moins s’en distancier et le regarder de loin. Non pas par mépris, ni par peur. Juste par différence. Par envie de voir ce qu’être sur le côté apporte.
Il en était ainsi pour lui, une fois de plus. Le flot continua et continua encore, emportant son flot d’illusions. Bientôt, très bientôt, il allait le rejoindre.

lundi 21 janvier 2008

Poème

Lecture

A fleur de pages
J’affleure la peau
De fleurs sauvages
Aux goûts de mots.

Leurs pétales noirs
Aux reflets sombres
Soufflent une histoire
D’un autre monde.

A peine cueillies
Elles se fanent
Poussant la nuit
Hors de mon âme

Mais du rythme lourd
De leurs courbes rondes
Monte l’élan sourd
De l’errance féconde.

vendredi 18 janvier 2008

Portrait

Transparent

C’était un homme transparent. Aucun moyen d’accrocher quoi que ce soit à sa mémoire pour tenter de se souvenir de son visage, de son corps…de lui. Rien. Au-delà du banal, j’avais en face de moi une sorte d’intégriste de l’intégration, tellement ordinaire qu’il s’en était désintégré, désagrégé dans un quotidien infini. Je le regardais avec sa taille moyenne, sa corpulence en parfait accord avec les normes et je me demandais au fond de moi, qu’est ce qui m’avait poussé à m’arrêter sur cet homme là en particulier ? Qu’est ce qui avait bien pu faire que mon regard avait commencé à décortiquer avec autant d’ardeur cette personne et que mon esprit avait entrepris avec une ferveur chirurgicale, à dépecer sa silhouette alors qu’il incarnait à ce point le rien.
De la couleur de ses vêtements à la formes de ceux-ci jusqu’à la coupe de cheveux si proprement rangée qu’elle donnait le sentiment que dés le sommet du crâne, une sorte de rigidité sévère commençait à s’opérer, cet homme offrait un tout tellement assimilable dans une masse informe que c’est peut être pour cette raison que j’avais commencé à l’observer avec tant d’attention. Le métro surgit avec tout le vacarme qui le caractérisait laissant de marbre mon sujet. Il se leva le visage raide et le regard absent, avança sans même voir jusqu’à une place qu’il avait sûrement du programmé dans sa tête tant il s’y dirigea et s’y assis sans la moindre hésitation. Immédiatement il posa son regard vers l’extérieur, gardant fermé tout accès à sa personnalité.
Je continuais néanmoins à le détailler du coin de l’œil et lui se laissait ostensiblement faire sachant de toute façon qu’il n’avait rien à offrir. Il était la personnification même du non-être physique. J’étais certain que c’était le genre de voisin qui pouvait aménager à côté de chez vous un jour sans que vous vous en rendiez compte et que vous découvriez des années après que cette personne vivait là, juste en dessous de votre appartement.
Bizarrement à aucun moment je n’associais cette transparence physique avec quelque chose d’ennuyeux.
C’était étrange d’ailleurs. Quel genre de personnalité pouvait renfermer un corps si diaphane ? Le métro finit par arriver à sa station et cracha son lot de passagers comme autant de postillons. L’homme fit parti de cet éternuement et tandis qu’il s’éloignait emportant avec lui mes interrogations inutiles, je me disais que tout, jusque dans sa démarche, incarnait celui qui voulait physiquement disparaître aux yeux des autres.
Deux stations plus tard, ce fut à mon tour d’être éjecté. Arrivé devant la porte de mon appartement je tentais de me rappeler avec le plus d’exactitude possible le visage de l’homme mais déjà, les courbes étaient flous et les images se mélangeaient. J’ouvris la porte, posait mon sac, jetais instinctivement un œil dans le miroir de l’entrée et admettait que malgré tous mes efforts, sa photo avait définitivement disparu de mon esprit.

jeudi 17 janvier 2008

Moment

La pluie

Nous nous mîmes à courir. Le chuintement bruyant du rideau de pluie avançait vers nous comme si il frottait sur le sol. Le temps d’atteindre le porche pour nous protéger, nous fûmes rattrapé par le mur liquide. Les gouttes frappaient avec une vigueur féroce tout ce qui n’était pas abrité. On aurait dit qu’elles cherchaient dans un même élan hardi à gifler l’imprudent et à réveiller la terre. Et en ce début de mois d’avril, le ciel avait apparemment décidé de mettre les moyens dans ce réveil ; violement les moyens.
Ce grain de printemps naissant n’était pas une insinuation froide, sournoise ou un peu collante comme celle qui tombe habituellement mollement d’un ciel gris de milieu d’hiver. Il ne drainait pas sous son ventre mou et informe une humidité poisseuse. Il ne traînait pas dans son sillage morne ces gouttelettes qui trop paresseuses pour devenir des flocons légers, se détachent du ciel en se contentant de couler avec obstination pour vous geler jusqu’au cœur. Non. Aujourd’hui c’était une pluie brutale et violente. Une pluie franche d’orage qui se déverse et qui déleste comme un ballast le trop plein lourd d’un nuage noir. Une pluie qui vivifie la nature mais qui empêche tout mouvement à l’homme, le réduisant au simple rang de spectateur passif d’un combat de titan.
Le bruit que faisaient les gouttes au cours de leur avancée inexorable, me fit penser à celui d’une armée en campagne. Ces millions et ces millions de petits soldats invisibles piétinaient avec une énergie sans pareil la surface du sol créant un rythme sourd et endiablé, uniforme. Une fois abrités sous le proche, nous nous aperçûmes que le vacarme était parfois tranché par une autre rythmique à peine plus entêtante. Une flaque c’était formée à nos pieds légèrement sur notre gauche réunissant rapidement tout un puissant contingent, alimenté régulièrement par un flot courant. Or cette surface souple et sonore accueillait à intervalle régulier, de grosses gouttes qui s’étaient écrasées sur le mur avant d’atteindre le sol et qui se regroupant sur le rebord de la corniche, sautaient par la suite une dernière fois dans le vide. Elles tombaient alors lourdes et grasses, rejoignant dans un bruit limpide cette flaque fluide. Ce fut au son de cette musique claudicante que nous patientâmes.
Nous restâmes ainsi un petit quart d’heure mains dans la main, sourire aux lèvres, attendant que de nouveau que le temps veuille bien nous laisser reprendre notre marche. Juste en face un monsieur très sérieux s’impatientait, passant sans cesse de sa montre à son portable et ne vit rien d’autre que le fait d’être coincé.

vendredi 11 janvier 2008

Poème


Épitaphe du rêveur

L'enfer
Mais libre.

lundi 7 janvier 2008

Moment

Un livre
Ses yeux se posèrent sur ce livre, attirés à la foi par le titre et la couleur. Il y avait quelque chose de calme dans cette présentation ; quelque chose qui faisait écho à ce qu’elle recherchait. Pourtant, la poésie n’était vraiment pas sa littérature de prédilection. Hermétique et intellectuelle, c’était l’image qu’elle en avait gardé depuis le lycée. Ses études l’avaient poussées par la suite vers des aspects plus techniques de la vie. Poussées. Oui, c’était bien ainsi que cela c’était passé. Elle n’avait pas suivi, ni encore moins poursuivi. Elle n’avait pas intégré non plus. Non. Elle avait été poussée comme un poids.
Les livres, eux, étaient resté dans le domaine des études et la poésie, dans celui des concepts qui permettaient à certain de briller en société. Le français avait gardé cette consonance grise et terne liée à l’obligation de la bonne note pour obtenir le bac. Il n’avait jamais été qu’une matière ; une parmi la flopé de celles qu’on lui avait demandé d’apprendre à défaut de les maîtriser à un âge où on attend de la vie plus qu’un simple gavage théorique. Alors elle avait fait comme tout le monde, elle avait appris, puis répété du mieux qu’elle avait pu et elle avait eu la note qui correspondait soit disant à son niveau.
Aujourd’hui elle avait quarante ans, elle était installée dans la vie, mais dans la continuité incessante des habitudes de son quotidien, elle sentait qu’il lui manquait quelque chose. Ça n’était pas lié à l’amour ou à des doutes sur son couple. Il n’y avait pas de désir de remise en question ou de d’interrogation sur elle-même. Non. C’était autre chose. Un désir de découverte qui croissait et grandissait. Certains courent le monde pour combler ce vide. Elle n’en avait ni l’envie ni les moyens. Elle voulait juste se pencher sur les autres. Et elle avait pensé que les livres pourraient peut être l’aider. Mais lorsqu’on ne connaît rien à un domaine, s’y plonger fait toujours un peu peur. Elle avait commencé à fréquenter des bibliothèques, errant dans le rayonnage au hasard de promenades pleines d’attentes. Par quoi débuter ? Cet univers semblait tellement gigantesque…et en même temps, c’était ce qui semblait l’attirer le plus. Cet infini des possibilités la rassurait. Non elle n’avait pas fait le tour de la vie. Il restait encore tellement à découvrir. Le tout était de savoir comment entrer dans cet océan sans se noyer. Elle avait commencé par prendre de petites barques futiles et faire du cabotinage le long des côtes de l’écrit. Des livres simples, universels, rassurants. Des livres qu’on lit par beau temps et que tout le monde connaît. Ça permet d’en discuter sans passer pour un fou. Puis l’étendu de ses périples avait grandit avec l’affirmation de ses goûts.
Un mélange d’ouvrages classiques agrémentés de quelques livres techniques liés à son domaine professionnel, lui avaient donné des bases et ouvert des horizons. La littérature s’offrait à elle non plus comme un obscur objet d’apprentissage, mais plus comme une succession d’univers dans lesquels il lui était possible de trouver tout, ou presque.
Mais aujourd’hui, elle se sentait l’envie de partir plus loin, de quitter la rassurante terre de vue pour s’aventurer ailleurs, seule.

vendredi 4 janvier 2008

Poème

Violence en page

Lire en transe ;
Perçant les abîmes
Soudain si denses
De tant de violence
Les semences malignes
D’images indignes
Démangent mon âme
De hurler aux armes.

jeudi 3 janvier 2008

Moment

Avant

Il emplit ses poumons d’air frais ; une grande bouffée glacée qu’il sentit s’enfoncer en lui jusqu’au plus profond de ses poumons. Emmitouflé dans son bonnet et sa grosse parka, il s’amusa tout en expirant lentement, à tenter de fabriquer devant son visage, une série de petits nuages. Cela lui rappela ses années de cigarettes, lorsqu’à la fois par habitude et par jeux, il faisait des ronds dans l’air. Activité futile et jubilatoire, il avait finit par devenir expert en la matière. Il faut dire qu’à cette époque là, fumer avait été pour lui bien plus qu’une habitude.
Debout dés cinq heure du matin, il enchaînait les chantiers de travaux publics. Sa spécialité et son expérience lui avaient permis à la longue de devenir une des références dans la région. Mais ceci avait eu un prix. Enormément de travail avait entraîné énormément de pressions et comme le temps n’est pas compressible et qu’il adorait ce qu’il faisait, il avait rapidement fait le choix de partir tôt, rentrer tard, écourter ses week-end et rallonger ses semaines. La cigarette dans tout ça, était son temps mort. Un moment à lui, qu’il s’accordait pour se poser. Peut être une façon dire « Stop ! ».
Une chose était sûre, parmi le flot de fumée incessant qui l’avait accompagné durant toutes ces années, il y en avait qu’il avait préféré à d’autres. Celles des matins d’hivers notamment, celles des matins comme celui-ci. Ces matins où il partait dans la nuit, au moment où le noir tire sur le bleu profond. Ses phares balayaient les champs couverts de givres, illuminant les corps squelettiques des arbres nus. Bizarrement, ça n’était jamais lorsqu’il était dans sa voiture qu’il commençait à fumer. Non. Il préférait attendre d’être dehors, saisi par le froid. Il allumait alors son petit foyer d’un coup de briquet sec et direct et tout en se dirigeant vers les gars qui étaient là à l’attendre, il tirait de longues bouffées chaudes. On se serrait la main, on se faisait des remarques banales, un peu le point sur ce qu’il y avait à faire. Le dernier mégot éteint était le signal du commencement des activités. Rituel délicieusement huilé.
Et puis il y a eu les complications, le coeur qui s’emballe, la volonté de ne pas voir, sa femme qui lui dit qu’il faudrait qu’il se calme peut être un peu mais lui qui ne voyait pas pourquoi ni comment il pourrait faire. Il avança comme ça jusqu’à son infarctus. Urgences, opération, pontage. Il avait frôlé la mort sans en garder le moindre souvenir. Il c’était réveillé à l’hôpital, réparé. Mais tout ça pour lui résonnait surtout comme le glas d’une vie qu’il ne connaîtrait plus jamais. Il avait du arrêter les chantiers et la cigarette. Tout en même temps.
Et aujourd’hui, dans l’air du matin glacé, il faisait des nuages légers et inodores, souples et aériens. Fades.