vendredi 22 février 2008

Poème

Lutte

Assise,
La mort sur
Une tombe mesure
Sans fin
Son emprise.

Debout,
L’homme de vent
Pose un pas devant
Sans fin
Ce fou.

jeudi 21 février 2008

Moment

Là-bas.

C’était une histoire avec un rhinocéros…ou non attend…non c’était un éléphant en fait ! Oui c’est ça ; ça y est je me souviens maintenant. Un éléphant en fête qui faisait de la trompette. Oui enfin façon de parler quoi ! On disait qu’il avait une trompette parce que ça trompe était toute petite. C’était étonnant d’ailleurs de voir un si grand animal avec un si petit appendice. Mais l’avantage énorme qu’il avait sur tous les autres éléphants qui étaient là, c’était qu’avec sa petite trompe, il pouvait sortir des sons si sensationnelles que soudain, chaque objet, chaque chaise, chaque soulier, chaque bras ou chaque assiette, se mettait à swinguer de façon endiablé. Tout tremblait sous l’assaut incessant de cette musique si spontané. C’était comme….c’était comme je ne sais pas moi, si en fait la musique n’était pas de la musique mais une sorte de fluide tu vois…un truc qui avait une existence physique. Une rivière invisible ou un courant électrique incontrôlable. C’était fou ! Je m’en rappelle vraiment très trés bien maintenant.
Mais ce qui était encore plus étonnant, c’était ses yeux. De grands yeux sombres qui te fixaient et t’hypnotisaient même. Ils te captaient complètement une fois plongé dedans. Je me souviens que j’ai eu l’impression très nette d’avoir la chair de poule en les regardants. C’était une sorte de… d’océan liquide ou de porte…non pas de porte…d’océan c’est ça…avec toute la profondeur et l’immensité que ça comporte. Un truc qui t’ouvre des entrées sur l’infini en tous les cas. Physiquement là aussi. Comme le coup de la musique. C’était très…réel au final. Et ces yeux donc, on aurait dit deux toiles sur lesquelles tout que tu aurais posé serait devenu une oeuvre. Une œuvre vraiment. Un truc énorme dont tu peux te nourrir pendant des jours juste en le regardant. Quelque chose qui devient non pas un objet mais un univers, une ouverture. Et puis donc à un moment j’ai plongé dans son regard et je me suis mis à voler. Et quand je volais, j’étais tellement bien que je me suis mis à répandre des couleurs dans mon sillage. Je te jure que c’est vrai ! Des couleurs. J’écartais les bras et hop, le trait devenait plus large. Je resserrais les bras et hop, je faisais un trait tout fin. J’étais devenu un pinceau. Et je sentais les couleurs jaillirent de moi. Je les sentais se répandrent au fur et à mesure de mon avancé dans cet espace. Mais je ne dessinais rien. J’étais la couleur. C’est tout. A un moment, il n’y eut plus rien autour de moi. Plus rien d’autre qu’un espace immense et noir et le trait de couleur que je laissais traîner dans mon sillage. Ça a duré et duré encore. Je ne sais pas combien de temps mais en tous les cas, je ne voulais pas m’arrêter ça c’est sûr.

mercredi 20 février 2008

Poème

Ensemble

Le temps nous est conté
Ma beauté.
Issu de ton regard
Mon miroir
Surgit la malice
Mon Alice
De cette course ivre
Qu’est vivre.

lundi 18 février 2008

Poème

Dernier

Le souffle s'affole
Fuyant en volutes molles
Ce corps qui se continue
Dans l'infini contiguë.

Conte

Hélios et Luna (3)
Or parmi les dieux, il en était un qui n’était pas du tout d’accord avec cette situation. Certes Hélios et Luna avaient enfreins la règle, mais après tout, était il possible que celle-ci resta inviolée jusqu’à la fin des temps ? Ils avaient engendré un nouvel être et alors ? Dans leur monde à eux, les dieux avaient ils eu à en subir un quelconque inconvénient ? Absolument pas. Rien n’avait changé dans leur royaume. Rien n’avait changé si ce n’est que maintenant deux d’entre eux étaient profondément malheureux et que si cela continuait ainsi la petite Tierra elle-même allait en subir les conséquences. Et ça, Horiatus avait de plus en plus de mal à l’accepter.
Discrètement, de temps en temps, il allait jusqu’à la frontière, là où débutait l’immensité noir, et il les regardait tourner au loin. Il ne pouvait pas se lasser de les regarder ainsi tourner dans le vide, au milieu de cette immensité sombre. La situation dura ainsi jusqu’à ce qu’un jour, Horiatus lui-même convoqua un nouveau conseil des dieux. Un peu pris par surprise, la plupart mirent un peu de temps à arriver. Enfin, lorsque tous furent réunis, au milieu du brouhaha des questions pour savoir qui avait bien pu réunir ainsi le conseil, Horiatus prit la parole. :
« - Mes amis, si je vous ais demandé de venir ici aujourd’hui c’est parce que l’heure est grave. Deux d’entre nous, sont envahis par le malheur et ce par notre faute… »
Le brouhaha reprit de plus bel « Ah bon ?!Deux ? Mais qui ? Mais comment ?! Mais c’est impensable !! Où ?? »
« - En effet, Hélios et Luna se meurent de ne plus pouvoir se voir. »
Le brouhaha se transforma en tempête. La plus part criaient « Nous avons déjà réglé le problème ! Ils payent leur impudence ! Qu’ils restent là où ils sont ! Dehors les problèmes ! »
Certains commençaient même déjà à se lever pour partir, la plus part discutant bruyamment entre eux, riant de l’audace d’Horiatus de revenir ainsi sur une affaire traité depuis longtemps. Mais loin de se laisser impressionner, Horiatus reprit d’une voix forte :
« - Certes ils ont enfreins la loi. Mais je vous demande de réfléchir une seconde. Depuis qu’ils sont là-bas, qu’ils ont été jetés dans l’immensité noire, qu’est ce qui a changé pour vous ? Rien. Vous habitez toujours tous vos charmants petits coin de paradis, bercés par la chaleur et par le bruit de l’eau qui courre…Mais pour eux ? Pourquoi continuez à leur infliger cette sentence ? »
Se leva alors un des dieux les plus respectés. Il se nommait Fauléïcéne et possédait une carrure qui imposait d’elle même le silence. Il prit la parole et aussitôt, chacun fut extrêmement attentif :
« - Et alors ? Que veux tu que nous fassions Horiatus ? Tu sais très bien que nous ne pouvons pas les réintégrer parmi nous, c’est impossible. Le fait d’avoir engendré une nouvelle vie romprait l’équilibre de notre monde. Ils se sont mis eux même dans cette situation. Nous ne voulons pas leur malheur mais est ce pour autant que nous devons provoquer le notre à tous ? »
Le brouhaha reprit : « Oui c’est vrai ça ! Hein ! Que faire ?! Détruire notre monde pour leur bonheur hein ? »
Horiatus réclama le silence et reprit :
« - Non non évidement que je ne demande pas ça. Mais je suis sûr que si nous autorisions Hélios et Luna à se voir les choses iraient mieux pour eux… »
De nouveau la tempête de protestation se leva. « N’importe quoi ! Sûrement pas. Qui sait ce qu’ils vont encore engendrer cette fois ? Se serait une catastrophe ! »
Horiatus regardait tous ces visages et soudain, un profond désespoir l’envahit. Pas un ne semblait vouloir le soutenir. Pas un ne se souciait du malheur de deux des leurs, tous qu’ils étaient, engoncés dans leur petit confort. Il se sentit alors profondément triste ; triste par tout cet égoïsme qu’on lui jetait à la figure. Mais en revoyant Hélios Tierra et Luna flotter seuls dans le noir, une rage soudaine et incontrôlable monta en lui.
« - Vous ne pensez qu’à vous ! Se mit il à hurler. Vous ne pensez qu’à vous et puisque c’est ainsi, je me retire sur l’île de Kaïmnos et je demande à ce que personne, jamais, ne vienne me voir. » Le silence tomba comme un couperet sur l’assemblée. Comment ? Un dieu, un des leur, choisissez délibérément de vivre seul et de se retirer de leur monde si parfait. Car l’île de Kaïmnos n’était pas une sinécure loin de là. C’était le seul endroit dans le monde des dieux où régnait en permanence, des vents violents et où les courants de la mer étaient si puissants, qu’ils rendaient son approche extrêmement difficile. Et voilà qu’Horiatus choisissez d’aller y vivre, seul. Joignant le geste à la parole, ce dernier commença donc à s’éloigner sans se retourner.
Fauléïcéne se leva alors de nouveau et l’interpella :
« - Attend ! Ne pars pas comme ça. Je sais que tu es capable de partir pour cette île terrible et que tu es capable d’y rester enfermé à jamais sans faiblir. Mais je sais aussi que tu y seras malheureux. Et que ton malheur provoquera la révolte de ceux qui t’apprécient. Alors ce conseil se réunira et se déchirera une fois de plus. Reste Horiatus, s’il te plait. » Puis il se tourna vers le reste de l’assemblée et continua :
« - Car il est peut être là le déséquilibre que nous redoutions tant. Nous refusons de voir qu’il est possible qu’une autre solution de bonheur soit possible. Que perdrions nous à autoriser Hélios et Luna à se voir. Après tout, l’immensité noire n’est qu’une bordure de notre monde. Et en y réfléchissant bien, j’ai peut être une idée qui pourrait nous convenir à tous. »
Le conseil débattit longtemps une fois que Fauléïcenne eut exposé son idée. Il y eut des pours, il y eut des contres mais étrangement, le climat c’était apaisé. La proposition qu’il avait faite était certes radicale, mais revêtait l’énorme avantage d’offrir à tous, la possibilité de continuer à évoluer et à vivre selon ses propres désirs.
Une fois que la proposition fut adoptée, se fut Horiatus qui fut chargé de partir afin de porter la nouvelle à Hélios Luna et la petite Tierra.
Lorsqu’il arriva auprès d’eux, Hélios avait les traits creusés et brillait d’une pâle lumière blafarde. Luna elle, était presque devenue transparente. Quand à Tierra, la petite Tierra qui était à l’origine de toute cette histoire, elle était recouverte quasiment en permanence d’une étrange halo de brume blanchâtre. Et au lieu du petit être vivant et dynamique qu’avait connu Horiatus, c’était une petite sphère cotonneuse qui se trouvait maintenant entre ses deux parents.
Il les prit chacun son tour dans ses bras et leur dit d’une voix chaleureuse que les chose allaient enfin changer pour eux. Le conseil allait rompre le charme qui les empêcher de se voir. Certes ils ne pourraient pas se toucher mais désormais, toutes les nuits, Hélios aurait la possibilité de venir voir sa fille et sa femme et se de la façon dont il le désirait. Et idem pour Luna. Elle pourrait de temps à autre, venir voir Hélios et la petite Luna en plein jour. De même, promesse leur était faite que plus personne n’interviendrait dans leur destiné.
Puis il les serra une dernière fois dans ses bras et retourna d’où il venait. Eux continuaient de flotter, le coeur gonflé de ces nouvelles. C’était le moment où Luna devait prendre le relais de la garde de la petite. Son coeur battait à tout rompre car elle allait enfin revoir Hélios. Elle se fit belle et même pour la première fois depuis qu’ils avaient été banni dans l’immensité noire, elle se gonfla en entier. Elle ferma les yeux un instant. Tierra semblait revivre à son contact. La brume se déchirait. Elle reprenait de ses couleurs. Et puis…mais oui, elle ne rêvait pas, on aurait dit qu’elle scintillait même parfois. Elle la regarda plus en détail. Par intermittence, de petits flash incandescents apparaissaient tout autour d’elle. Elle regarda alors tout autour d’elle et n’en crut pas ses yeux. L’immensité noire, cette immensité si angoissante qui l’entourait jusqu’à maintenant, semblait soudain percée de minuscules points brillants. C’était, comme si des milliards et des milliards de petits morceaux d’Hélios éclairait soudain leur nuit d’habitude si froide :
« - Hélios ? Demanda-t-elle d’une voix timide. C’est bien toi. » Une voix lointaine lui répondit.
« - Oui Luna, c’est moi. Et il en sera ainsi chaque fois que se sera ton tour de garder un oeil sur Tierra. Chaque petit point lumineux est une partie de moi et je me reconstituerais chaque matin pour pouvoir veiller sur elle tout le jour durant. Nous ne seront plus jamais séparé mon amour.
« - Et les scintillements que j’ai vu tout autour d’elle tout à l’heure ? Est-ce que j’ai rêvé ou bien était-ce toi aussi ?
« - C’était moi qui lui ait envoyé quelques étoiles filantes pour la distraire un peu. »
Désormais, nuits et jours s’enchaînèrent autour de Tierra avec une énergie nouvelle sans jamais discontinuer. Dans le ciel, Hélios et Luna veillaient sur leur fille avec une bienveillance qui ne faiblissait jamais. Se frôlant sans jamais se toucher, entourés par l’espace infini, il arrivait pourtant quelque fois, alors que la petite dormait du plus profond de son sommeil, que Luna s’échappa, ne laissant plus que les étoiles veiller sur elle. Et personne encore à ce jour, ne sait dire où se rend la lune, l’or de ces nuits d’absence.

vendredi 15 février 2008

Conte

Hélios et Luna (2)
Il y eut d’abord ceux qui tombèrent sous le charme, comme hypnotisés par le petit être. Sa fragilité, ses sourires francs, ses mimiques sincères et son regard claire, eurent tôt fait de les conquérir. Ils y voyaient là non seulement un enfant-dieu, mais aussi et surtout, un dieu en devenir. Et quelque au fond d’eux, changeait à cette évocation. Ce petit dieu allait grandir, se développer et très certainement amener avec lui quelque chose de nouveau. La vie et son arrivée, allait irrémédiablement changer les choses.
Mais il y avait aussi un autre camp. Un camps beaucoup, beaucoup plus nombreux celui là. Un camp qui n’entendait pas du tout de cette oreille, la façon dont était en train de se dérouler les choses. Pour eux, la règle, la seule et unique règle qui prévalait dans le monde des dieux, le seul interdit qui leur était imposé, avait été transgressé. Et pour cette raison unique il était inutile de chercher à savoir quoi que ce soit de plus. Ils hurlèrent au crime et firent immédiatement appelle au conseil des dieux pour juger cette inadmissible affaire qui risquait à coup sûr, de remettre en cause tout l’équilibre de leur monde si parfait. Et ce fut eux qui finirent par avoir gain de cause.
Se tint donc le conseil des dieux, rigide et solennel. Hélios et Luna se présentèrent, main dans la main à l’entrée du bâtiment, la petite Tierra blottie dans les bras de son père. Luna, d’une blancheur de lait, ne voulait pas qu’on les sépare. Elle était prête à tout pour qu’ils restent ensemble. Hélios, le regard dure et le souffle court, tentait de garder son calme. Son tempérament de feu avait tendance à lui faire monter à la tête des accès de violence. Mais il savait qu’aujourd’hui, face au conseil, ce genre de comportement serait suicidaire. Il fallait qu’il se contrôle. Pourtant il avait tellement envi de hurler. De hurler à la face de tous ces dieux qui se disaient si sages, qu’ils n’avaient rien fait de mal. Qu’au contraire si aujourd’hui Tierra était là, c’était bien la preuve que leur amour avec Luna était réel et qu’ils ne pouvaient pas être sanctionnés pour ça ; c’était impossible. Ils ne parlèrent pas beaucoup en attendant que le conseil ne débute. Hélios fit tout pour se montrer rassurant et Luna fit tout pour se montrer confiante. Mais l’un et l’autre sentaient bien qu’au fond d’eux, une peur sourde commençait à poindre. Ils attendirent. Enfin, le messager des dieux vint les chercher. La décision du conseil, allait leur être rendu et ils devraient s’y conformer.
Et voilà ce qui fut décidé. Comme ils avaient engendré un être nouveau alors que c’était strictement interdit, ils seraient tous les trois bannis du monde des dieux. Pour cela, on allait les jeter à tout jamais dans l’immensité noire. Cette immensité était un endroit situé aux confins du monde des dieux. Il y avait un trou qui permettait de l’atteindre et là, il n’y avait plus rien. Jamais personne n’avait été condamné de la sorte, mais ni Hélios ni Luna ne laissèrent échapper la moindre émotion face aux autres. Ils attendaient de savoir si oui ou non, ils pouvaient rester ensemble car c’était à leurs yeux ce qui comptait le plus. Cette dernière faveur leur fut accordée à une seule condition ; qu’Hélios et Luna ne se revoient plus jamais. Une fois plongé dans l’immensité noire, il fut décidé qu’ils devraient tourner autour de la petite Tierra de façon à la protéger et à s’occuper d’elle, mais qu’ils ne devraient jamais se revoir et garder toujours entre eux leur enfant. Tel était le prix à payer pour leur faute.
Ils furent donc conduits tous les trois au bord du trou. Une fois là, Hélios embrassa Luna puis il prit sa femme et sa fille dans les bras et tout en les serrant contre lui, sauta dans le vide. Ils ne tombèrent pas à proprement parler. Mais disons qu’ils se mirent à flotter dans le vide, entouré par le noir. Lorsque Hélios rouvrit les yeux, il put voir devant lui Tierra. Elle avait le visage tourné dans sa direction et lui souriait. Et il devina que quelque part derrière, Luna attendait. Son coeur se serra, mais en voyant le sourire radieux de sa fille, il se reprit.
Au début, ils se mirent donc en devoir d’appliquer ce qui avait été décidé par le conseil. Que pouvaient-ils faire d’autre de toute façon ? Pendant la moitié de la journée, Hélios s’occupait de Tierra. Il la réchauffait de son ardeur rayonnante, la faisant tourner dans l’espace pour pouvoir l’admirer et la voir sous tous les angles. Et il la trouvait belle. Terriblement belle. Cette petite bulle rayonnante sur ce fond noir immense, lui rappelait la couleur des yeux de sa mère. Sa mère… Hélios ne cessait d’y penser. Certes il pouvait voir Tierra, s’occuper d’elle, la voir grandir, la faire rire. Mais Luna ? Que devenait elle ? Elle si belle avec sa peau laiteuse et tendre. Elle si forte qui avait accepté la sentence sans verser une larme. Parfois il pensait si fort à elle qu’il ne contrôlait plus son ardeur et que la petite Tierra se mettait à pleurer sous l’effet de la chaleur propagée par son père. Immédiatement Hélios revenait à la réalité, relançant la course fluide et rassurante de la petite, mais un goût amer lui restait dans la bouche.
Luna. Dire qu’ils ne pouvaient même plus se croiser. Tout juste se devinaient ils. Car lorsque la petite commençait à fatiguer, lorsque les prémices du sommeil se faisait sentir, Hélios se retirait pour laisser la place à sa femme qui veillait sur le sommeil de leur fille. Luna elle aussi était fière d’elle. Elle lui chantait des berceuses pour l’endormir, elle lui soufflait des rêves et tenait éloigné les cauchemars. Mais Hélios ? Que pouvait devenir Hélios ? L’or de ses longues nuit de veille, il lui arrivait parfois de tellement penser à lui, qu’elle en oubliait presque Tierra. Un jour, elle la rattrapa alors qu’elle n’était déjà plus qu’un tout petit point minuscule perdu dans l’immensité du noir.
Le temps passa ainsi. La petite grandit, se fortifia, mais ses deux parents même si ils faisaient de leur mieux pour s’occuper d’elle, avaient de plus en plus de mal à cacher leur tristesse. Ils restaient absents pendant de longues journées, cachés derrière un rideau de nuages épais pour ne pas que Tierra voit leur chagrin.

lundi 11 février 2008

Conte

Hélios et Luna (1)

Bien avant que la vie comme nous la connaissons n’apparaisse dans l’univers, bien avant même que celle-ci ne soit un projet ou bien même une ébauche d’idée, vivaient les dieux. Ils habitaient dans un monde dans lequel il faisait toujours bon, la végétation était luxuriante et où la nature subvenait à tous leurs besoins. Ils coulaient là une existence tranquille, bercée par la lenteur de cette perfection permanente. Rien n’était particulièrement interdit et les règles n’étaient pas écrites mais pensées. Il n’y avait qu’une seule règle qui ne devait en aucun cas être transgressée. Une seule. Aucun dieux ne devait engendrer avec une déesse un autre être vivant, quel qu’il soit. L’équilibre qui avait été créé était si parfait que la venue d’un nouvel être, risquait de troubler à tout jamais cette quiétude perpétuelle et c’est pour cette raison que cette simple et unique règle avait été édictée. C’est au beau milieu de ce paradis, que débute notre histoire.


Sur une île perdue en plein milieu de la mer, vivait une petite communauté de dieux. Loin de tout, ils se plaisaient à passer leurs journées à pêcher, danser, sauter dans l’eau et discuter jusque tard dans la nuit. Ici, tout était luxe, calme et volupté. Or parmi tous ces dieux, vivaient Hélios et Luna. Ils se connaissaient depuis toujours et entretenaient des relations très proches. Avec le temps, tout le monde c’était habitué à les voir ensemble et personne n’était choqué de les apercevoir parfois, se tenant la main, ou se serrant dans les bras. Et puis d’abord, d’autres dieux le faisaient déjà entre eux et d’autre part, si ils étaient heureux ainsi, que pouvait on bien leur opposer ?
De toute façon, eux ne se posaient absolument aucunes questions à ce sujet. Pour eux se retrouver ainsi tous les deux était une évidence. Et l’un comme l’autre avait l’impression profonde et permanente que le meilleur était toujours à venir.
Le temps passa ainsi. Enlacés l’un à l’autre, Hélios et Luna développèrent et approfondirent leur attachement sous le soleil de cette île isolée. Un jour qu’ils étaient tous les deux assis sur un rocher entrain de regarder la mer, Hélios demanda à Luna :
« - Dis moi, est ce que si tu pouvais changer quelque chose à notre vie, enfin disons, si on te donnait le pouvoir de changer quelque chose est ce que tu le ferais ou bien est ce que tu garderais tout à l’identique ? » La déesse, tourna la tête vers Hélios, plongea son regard dans le sien et lui répondit :
« - Qu’entends tu par là ? Nous avons tout ici. Pourquoi voudrais tu que « je » change quelque chose ? » Elle avait insisté sur le mot « je », avait marqué une petite pause puis avait reprit toujours en regardant le dieu fixement : « - Et puis, il faudrait que nous soyons plusieurs à vouloir changer quelque chose. Si il n’y a que moi pour décider, ce n’est pas drôle.
« - Allons. Tu vois bien ce que je veux dire. On a tous envi de changer quelque chose à moment ou à un autre ?
« - Ah bon ? Tu aurais envi de changer quelque chose à ce paradis toi ? » Dit elle en étendant ses bras pour embrasser les alentours.
« - Non. Pas nécessairement ce paradis là. Mais peut être bien celui que nous avons à l’intérieur et qui fait que nous nous aimons tant. » Mais, ayant soudain le sentiment d’en avoir trop dit face au silence de sa compagne, il partit à rire et se jeta à l’eau dans une bruyante éclaboussure. Du haut du rocher, Luna se leva lentement, s’étira les yeux fermés face au soleil et d’un plongeon tout en grâce, rejoignit Hélios. De sa nage souple et ondulante, elle se rapprocha de lui, le serra dans ses bras et lui murmura à l’oreille :
« - Moi aussi je serais prête à ce que les choses changent si nous le voulons tous les deux. »
Ce soir là, ils ne rentrèrent pas comme d’habitude rejoindre les autres autour du grand feu qui animait tous les soirs le centre de leur petite communauté. Ils préférèrent monter main dans la main, jusqu’au sommet de la plus haute colline de l’île. Et dans cette nuit de paradis, ils transposèrent alors leurs envies dans la réalité créant tout doucement, dans le berceau de la nuit, du nouveau.

Durant les semaines qui suivirent, les deux amants s’éloignèrent petit à petit de la vie des autres pour passer encore plus de temps qu’auparavant ensemble. Les jours s’enchaînaient les uns aux autres, comme à la normale. Mais lorsqu’ils croisaient un autre dieu, ils le saluaient gentiment, discutaient avec lui, riaient…puis reprenaient leur route, tous les deux. Ils ne savaient pas pourquoi, mais depuis cette fameuse nuit passée en haut de la colline, ils sentaient que quelque chose de profond avait changé.
Ce n’est qu’au bout de quelques temps, qu’ils s’aperçurent à quel point ce fameux changement était important. Le ventre de Luna c’était mis à s’arrondir. Discrètement d’abord, puis plus franchement ensuite. Mais sans douleur, tout en rondeur. Très vite ils durent se rendre à l’évidence. Quelque chose était entrain de se passer dans ce ventre là. Puis se furent les autres dieux qui se mirent à poser des questions. Et très vite, le bruit se répandit dans l’île qu’un changement était arrivé. Il faut dire que des changements justement, il y en avait tellement peu d’une manière générale, que dés qu’il en survenait un, la nouvelle se répandait comme une traînée de poudre.
Ce qui commença à inquiéter le couple, c’est lorsque commencèrent à venir les voir, des dieux d’autres îles. Ils avaient le sentiment d’être devenu soudain l’objet d’une attention un peu trop accrue et cela les mettait particulièrement mal à l’aise. Car après tout, ils n’avaient rien fait de mal.
Le temps passa. Les visites s’espacèrent. Hélios et Luna se mélangèrent de moins en moins aux autres. Ils voulaient être tranquilles, laisser dire et ne plus écouter ce que racontaient les mauvaises langues. Ils voulaient être seuls. D’autant que dans le ventre de Luna, de nouveaux événements se dessinaient. Comme si quelque chose bougeait en elle. Comme si une vie était en train de grandir et de faire sa place. Plus ça aller et plus elle grossissait. Moins elle pouvait bouger. L’un et l’autre se demandait combien de temps cette situation allait durer. Mais à aucun moment ils ne paniquèrent ou se sentirent inquiets. Au contraire. Une grande sérénité les envahissait un peu plus chaque jour.
Et puis une nuit, alors qu’ils dormaient tous les deux l’un contre l’autre, Luna réveilla Hélios. Quelque chose se passait en elle. Quelque chose de fort, d’intense, d’incontournable. Ils passèrent ainsi la nuit à regarder, à toucher, à tenter de comprendre. Dans son ventre cela bougeait, bougeait et bougeait encore. Tant et si bien que lorsque vint l’aube, du ventre rond de Luna, sortit une toute petite déesse. Et immédiatement ses deux parents furent émerveillés par sa beauté. Ils restèrent là à la regarder, se demandant bien comment il pouvait être interdit dans ce monde, d’engendrer de telles merveilles, tant celle qu’ils avaient sous les yeux était magnifique. Comme ils n’avaient jamais rien vue d’aussi beau et d’aussi fragile, ils la nommèrent Tierra, du nom de la plus belle île du monde des dieux.
Cependant, ils avaient beau être subjugué par sa beauté, ils savaient très bien que la rigidité de la règle qui interdisait de créer un nouvel être vivant, ne leur serait pas épargnée. Comme elle n’avait jamais été enfreinte, ils ne savaient à quoi ils étaient exposés. Préférant éviter le pire, ils se firent tout d’abord très discrets et cherchèrent même un moyen de fuir. Mais si le monde des dieux était vaste, il n’était pas infini et cette fuite finirait toujours pas avoir ses limites. Ils décidèrent plutôt de ne rien dire à personne et tentèrent de tenir cachée Tierra le plus longtemps possible. Ce fut peine perdue. Rapidement, les autres dieux s’étonnèrent de ne plus les voir du tout et cherchèrent donc à savoir. Et lorsque la vérité fut mise au grand jour, les réactions ne se firent pas attendre.