vendredi 23 janvier 2009

Moment

Mon frère est mort.

Mon frère est mort. Triste et gris. Je suis aujourd’hui devant sa tombe et malgré les années, malgré ce passé que nous avons partagé, malgré cette éducation commune que nous avons eu, cette adolescence qu’on croyait nous avoir soudé l’un à l’autre, sur la fin rien ne nous rattachait plus. Il est parti seul, agri, pétri de peur et de haine. Mais le plus dure n’est pas qu’il ne soit plus là. Car si je ne suis pas allé jusqu’à le détester, c’était mon frère quand même, je dois avouer que le jour où le téléphone a sonné et qu’on m’a annoncé sa mort, j’ai été soulagé. Soulagé pour lui parce qu’au fond, au-delà de sa méchanceté qu’il cultivait comme un champs de ronce pour essayer de se protéger, il était malheureux. Malheureux de ne plus avoir vingt ans. Malheureux de n’avoir pas pu vivre la vie qu’il aurait voulu. Malheureux d’arriver au bout d’une vie qu’il n’avait fait que suivre sans jamais vraiment cherché à la comprendre. Malheureux tout simplement d’avoir vécu et d’avoir désormais plus de passé de que d’avenir. Malheureux d’être encombré de souvenirs et à sec de projets à venir.

Ça avait commencé vers l’âge de cinquante ans. A ce moment-là, il s’est cassé une jambe, bêtement. Une chute d’une échelle sur laquelle il était pourtant monté cent fois. Il en a gardé un léger boitillement et une profonde humiliation. Il n’était plus incassable. Après ça, on a eu beau lui répéter que ça pouvait arriver à tout le monde, à n’importe quel âge, il a commencé à asséner en rigolant trop fort des phrases du genre: « ça y est, c’est le début de la fin ! La prochaine étape c’est le cercueil ! » Nous on rigolait aussi, un peu gêné. On lui disait d’arrêter de dire des conneries, que c’était pas drôle et puis on essayait de parler d’autre chose. Mais ses remarques laissaient comme un goût de terre dans la bouche. D’autant qu’il insistait.

A l’aube de la retraite, ça a empiré. Il ne faisait plus ses remarques en rigolant trop fort. Il les faisait en soufflant, pour qu’on le plaigne. Tout le temps. Comme si en le plaignant on allait pouvoir lui rendre ce qu’il avait laissé filer. Et puis sa femme est morte. Son dernier fils a été muté ailleurs. Il s’est retrouvé seul et n’a rien fait pour ne plus l’être. Au contraire. Il s’infligeait une solitude fielleuse à ressasser ses moments de malheurs comme autant de bonnes raisons de ne plus rester en vie. Mais la vie elle, s’accrochait à lui comme une sangsue vorace. Il avait le cœur le solide et l’esprit vif. Alors il est resté sur le bas-côté à se regarder mourir en geignant. L’histoire a duré encore dix ans. Dix longues années au cours desquelles il aurait pu faire tant de choses mais a préféré rester chez lui à ronger les sombres décombres de son passé, sans pouvoir se dire que chaque matin, un nouveau soleil se levait.

Le plus dure lorsque je regarde tout ça, n’est pas qu’il soit mort. Le plus dure, c’est que je n’ai rien pu faire. Je n’ai pu que le regarder couler, seul.

 

jeudi 22 janvier 2009

Poème

Habitudes

Il lui prit la main

Il lui prit les seins

Laissant sur sa peau

Sa vie de minot.


Il l’aima c’est sûr

Du moins c’est qu’il dit

L’or de leur rupture

Mangé par l’ennui.

 

Ce n’est pas l’amour

Qui brisa leur rêve

Mais le poids des jours

Qui en fut le glaive.

mardi 20 janvier 2009

Conversation.

Visite crispée.

« - Alors ?

« - Ben alors quoi ?

« - Ben t’en penses quoi ?

« - Ouais c’est pas mal…Mais euh…je le voyais pas comme ça en fait.

« - Quoi tu le voyais pas comme ça.Quand je te l’ai décris hier tu m’as dit que tu le visualisais hyper bien, faudrait savoir.

« - Oui mais entre un dessin sur la table de la cuisine et la réalité de l’appart y’a une marge tu vois. Les couleurs par exemple. Tu m’avais pas dis que la cuisine était jaune.

« - Jaune ?! Oui bon enfin dans les tons jaunes quoi, on en est pas loin quand même. 

« - Parce que t’appelles ça jaune toi ? Pour moi c’est coquille d’œuf, au mieux blanc crème. Mais c’est pas jaune, là tu rêves.

« - Bon d’accord, c’est pas jaune.

« - Et l’espèce de frise horrible qui fait tout le tour du salon, tu m’en avais pas parlé non plus.

« - ça change rien à sa disposition quand même. Frise ou pas frise il reste exposé plein sud. Et puis le plus important c’est le parquet avec la cheminée non ?

« - Hum…mais moi cette frise elle m’agresse. Ça change tout.

« - Ah elle t’agresse cette frise ? ! Non tu fais vraiment du mauvais esprit là. Enfin c’est toujours bon à savoir pour la prochaine fois. Avant de te faire venir je ferai un reportage photos qu’est ce que t’en dis ? Comme ça si y’a des trucs qui « t’agressent » ça évitera qu’on se déplace pour rien. Et qu’accessoirement tu me fasses perdre mon temps.

« - Oh c’est bon. T’es pas obligé de le prendre comme ça non plus. Je te donne mon ressenti c’est tout.

« - Ton ressenti ça fait un mois qu’on se le traîne alors t’es gentille mais là ça commence à me gonfler. Tu veux qu’on emménage ensemble oui ou merde ?

« - Oh monsieur monte sur ses grands chevaux. Faut pas s’énerver comme ça pour une histoire d’appart ça vaut pas le coup. Moi je veux bien qu’on emménage ensemble mais pas n’importe où c’est tout. Enfin si toi ça te dérange pas d’habiter dans un gourbi c’est toi que ça regarde.

« - Ffffffffffff. Bon j’en ai marre moi je rentre. Excusez-nous de vous avoir dérangé monsieur, je vous rappellerai demain pour vous dire ce qu’il en est de notre choix.

« - Attend on va pas partir comme ça. J’ai même pas vu la salle de bain. »

 

jeudi 15 janvier 2009

Moment

Incendie

Son téléphone a sonné. Il a d’abord regardé d’un œil agacé à qui il allait devoir faire puis en se passant la main sur le visage comme s’il émargeait de l’eau, il a décroché. Je ne crois pas qu’il ait dit « Bonjour. » ou même « Allo ». Je crois me souvenir qu’il a juste balancé un « oui » un peu sec et distant. Puis les échanges ont commencé. Calmes. Tendus. Il parlait doucement, les yeux plantés fixement dans le sol, le front plissé. Ce qui trahissait le plus sa nervosité était son genou qui battait sans cesse un rythme infernal. Je remarquais aussi très vite qu’il se mangeait l’intérieur de la lèvre avec application. Sans entendre la teneur de ses propos je distinguais néanmoins le timbre de sa voix. Sourd, susurrant des morceaux de phrases acides. Des phrases nettes qui inspiraient peu la réplique. La conversation dura ainsi de longues minutes, charriant son lot de mauvaise fois ouvertement assumée et de mensonges consciencieusement cachés. Chacun campait visiblement sur ses positions alimentant par ses silences et ses attaques de plus en plus radicales, le foyer d’une incompréhension dévastatrice. Puis il y eut un mot de trop. Le mot de trop. Celui qu’on jette à la figure de l’adversaire en sachant très bien qu’il ne renferme rien de vrai mais que son effet n’en sera que décuplé ; celui qui fait monter les flammes de la colère à l’assaut du fort de la raison afin de balayer ce dernier obstacle et laisser le champ libre à la haine aveugle et beuglante.

Dans la seconde qui suivit, ses gestes se mirent à grandir, se firent plus secs aussi. Comme s’il tentait encore de retenir ses coups. Mais le ton qui jusque-là était resté bas et confidentiel, enfla de façon démentiel, crépitant de menaces. Le feu gagnait le corps. Ce qui jusque-là était resté sous contrôle, mis sous le boisseau de la réflexion et de la bonne tenue était entrain de céder, envahi par un avide sentiment de vengeance, dévoré par l’envie d’en découdre. Ce qui n’était au début qu’une conversation fatigante, une guerre d’usure, était maintenant un conflit ouvert aux quatre vents, envenimé par la broussaille d’un passé dont chacun tentait de tirer profit.

Emporter par sa verve il se leva et commença à faire les cents pas. Les petites attaques millimétrées, distillées avec fiel quelques minutes plutôt laissaient place désormais à de gigantesques gesticulations foisonnantes. Rien ne semblait plus pouvoir contrôler le brasier, d’autant que le camp d’en face paraissait prendre un malin plaisir à souffler ardemment sur les braises. 

mercredi 14 janvier 2009

Moment

Charnel

J’ai…j’ai quelque chose de charnel avec ce dessin ;quelque chose qui va au-delà du simple plaisir de le regarder. J’ai envi de le toucher. Ou plutôt non, de l’effleurer. Comme je le ferai de la peau d’une femme qui viendrait de me séduire. Ce moment où pour la première fois, tu pénètres son intimité première, où tu sens vibrer sa personne toute entière. C’est quelque chose de cet ordre là que j’ai avec ce dessin. Le toucher. Physique. Mais pas seulement. S’il excite ainsi mon imagination, c’est aussi parce que sa composition me parle. Je veux dire…à la manière dont une partition parlerait à un musicien. Toi si tu te retrouves devant et que tu ne connais rien à la musique, tu ne vois qu’une feuille avec des notes posées mais qui ne veulent rien dire. Au mieux connaîtras-tu le compositeur et alors tu pourras avoir une vague idée du style de musique qui se cache derrière cette mystérieuse écriture. Mais ce ne sera à jamais qu’une intuition. Alors que le musicien lui, verra la musique. Il l’entendra courir le long des portées. Il en mesurera la difficulté et sera capable d’en apprécier la mélodie. Peut-être même sera-t-il capable de savoir quel genre d’interprétation il aurait aimer en donner.

J’ai le même rapport avec ce dessin. Je suis capable de voir quel matériel a utilisé le dessinateur pour en arriver là, avec quel genre de technique il a fait sa mise en couleur ; je suis capable de deviner les traits et les repentirs qu’il a tenté de cacher. Je peux apprécier l’entière difficulté du travail. Mais surtout ce qui me donne cette relation si profonde avec lui, c’est ce côté hypnotique que je trouve au-delà même de  l’exécution. Cette mer qui vient s’échouer aux pieds des montagnes perdues en plein désert, tout cet espace concentré dans un simple rectangle avec une telle amplitude...On sent la chaleur accablante modulée par le souffle de l’océan bruyant. Le sujet pourtant n’est pas très original. Un paysage minéral, montré de la mer. Il n’y a ni vie ni recherche d’une difficulté quelconque. Peut-être est-ce le choix des couleurs ?

Je n’ai jamais été dans un endroit pareil pourtant. Je n’ai pas de souvenirs qui y soient accrochés, pas la moindre nostalgie à bercer à travers lui. Non. Je n’ai même jamais rêvé de me rendre dans un tel endroit. Rien de tout cela pourrait expliquer cet attachement soudain que j’ai ressenti en voyant ce dessin. Il m’a juste frappé dans ce que j’ai de plus profond, de plus personnel. Dans ce que je cache aux autres. C’est comme ça. J’ai arrêté de chercher à comprendre pourquoi maintenant. Je me contente de la regarder et d’en profiter. 

vendredi 9 janvier 2009

Conversation.

Responsabilités

« - Tiens ! Ils ont un rayon pour les putes ici maintenant ?

« - Oh ben quand même !? C’est juste un peu sexy y’a pas de quoi s’offusquer comme ça !

« - Pas de quoi s’offusquer comme ça ? Non mais t’as vue cette jupe Sainte Marie ? On peut même pas dire qu’elle est transparente tellement on voit à travers. C’est pas une jupe c’est un scanner pour sous-vêtements.

« - Oh ça y est la maman poule sort ses griffes pour défendre sa fifille adorée.

« - C’est pas parce que je fais attention à ce que je vais faire comme cadeau à ma fille que je suis maman poule. Elle est son mon unique responsabilité maintenant je te rappelle. Depuis que son père est partie c’est moi qui gère son éducation. Alors il ne s’agit pas de faire n’importe quoi.

« - D’accord mais enfin t’es pas obligée non plus de la cloîtrer dans un rôle de petite fille modèle sous prétexte que c’est toi qui en a la responsabilité.

« - Je ne cherche pas à en faire une petite fille modèle. Je cherche juste à ne pas faire en sorte qu’elle puisse me reprocher plus tard de n’avoir rien fait pour elle. Je veux juste qu’elle sente qu’au moins un de ses deux parents s’intéresse à elle pour ne pas qu’une fois grande, elle me reproche de l’avoir laissé se faire toute seule. Tu sais c’est peut-être pas facile pour moi depuis qu’il est partie mais moi je sais beaucoup de choses de la vie maintenant. Je sais que je peux rencontrer quelqu’un d’autre et que tout peut recommencer. Elle, elle a tout à découvrir. Tout. Et il ne s’agit qu’elle s’engouffre dans la vie avec un look qui lasserait à penser qu’elle est à vendre si tu vois ce que je veux dire. Il faut qu’elle reste maître de la situation, qu’elle prenne son temps. C’est important.

« - Parce que quand on avait quinze ans c’est ce que tu cherchais à faire peut-être ?

« - Quand j’avais quinze ans mon père était encore avec ma mère et c’était quelqu’un que j’écoutais et qui savait me dire ce que je pouvais faire ou non. Sans pour autant me commander.

« - Tu idéalises trop ton père ma vieille. Moi je me rappelle de soirées entières qu’on passait à le détruire parce qu’il ne t’avait pas donné l’autorisation de sortir plus tard que deux heure du matin.

« - Oui mais si à l’époque ça me plaisait pas je sais maintenant que c’était pour me rendre service.

« - Arrrrête avec ton discours passéiste. Je me suis élevée toute seule et je ne suis pour autant une paumée de la vie. Tu racontes vraiment n’importe quoi.

« - Je ne raconte pas n’importe quoi. Et je sais parfaitement que tu as très bien vécu avec des parents divorcés. Mais toi c’est différent, tu es euhhhh… bon enfin c’est pas pareil. Moi j’essaie surtout de me rassurer et de me dire que je vais devoir faire toute seule ce que mes parentes ont fait à deux. Et c’est pas facile crois-moi. »

jeudi 8 janvier 2009

Petite phrase

Dire qu'à une certaine époque, on vous empalait si vous étiez pieux. 

mercredi 7 janvier 2009

Portrait

Apparences

Il m’a vraiment paru étrange ce gars d’abord. Je sais pas pourquoi, vraiment…sa tête, y’avait rien à faire, elle ne me revenait pas. Cet espèce de regard de biais là…et puis le fait d’être toujours mal rasé, les cheveux en bataille ; on aurait dit qu’il sortait du lit pour venir directement au boulot sans se préparer. Il ne faisait pas sale mais ce côté négligé ça m’incommodait. Et cette clope qu’il avait toujours au coin des lèvres dés qu’il était dehors. Y’a des gens ils fument mais il ne gardent pas leur mégot éternellement coincé comme si c’était un chewing-gum. En plus je ne sais si t’avais remarqué mais c’était un des rares qui bossait à l’étage et qui ne disait jamais mais alors jamais bonjour. Il arrivait le matin, hop il filait à son bureau, il faisait son boulot et à dix-huit heure claquante, il disparaissait. Un vrai automate. T’as qu’à imaginé ma tête quand on m’a dit qu’il allait venir s’installer dans mon bureau. J’avais les boules ! Rah c’est rien de le dire.

Au début ça a été horrible. J’osai pas lui parler alors du coup on passait toute la journée sans se dire un mot. Lui ça avait pas l’air de le déranger plus que ça. Moi j’étais mal mais j’étais mal. Et puis bon puis il a bien fallu qu’on discute de deux trois trucs qu’on avait à faire en commun. Les dossiers ils se font pas tout seul. La première chose qui m’a surpris c’est sa voix. Elle était calme et posée. J’irai pas jusqu’à dire sexy mais tu vois…chaude, grave. Une voix de mec quoi. Quelque part je crois que c’est ce qui m’a mis en confiance. Un type avec une voix pareille ne pouvait pas être totalement crétin et inintéressant. C’est sûr qu’on peut pas dire non plus qu’à compté du moment où on a commencé à se parler il c’est emballé dans de grandes envolées verbales. Mais au moins il me disait bonjour en arrivant le matin, parfois il faisait un commentaire tout haut. C’était déjà beaucoup pour lui. Une fois ou deux on a eu une conversation à peu prés complète. Enfin je veux dire euh…au delà de « tu vas bien ? T’as fait ce truc qu’on devait faire ? T’as compris comment marche cette application ? etc » J’ai appris à ce moment-là qu’il était musicien et qu’il était là parce que bien sûr la musique sa rapporte pas. Il a dit ça avec sa voix tranquille comme si ça n’était pas bien grave. Pas blasé. Juste…honnête.

Mais ça n’est jamais aller plus non plus. La seule autre chose d’appréciable chez lui en dehors de sa voix c’était que tu pouvais lui faire une confiance aveugle lorsqu’il c’était engagé à faire un truc. Moi je suis plutôt du genre à vouloir tout contrôler mais c’est vrai que des fois j’étais bien obligé de lui déléguer des dossiers si je voulais avancer sur des choses plus importantes. Et à chaque fois que je lui ai demandé de faire un truc, c’était plié en temps et en heure et y’avait pas besoin d’y revenir crois-moi.

Et cette année ? Oh m’en parle pas ! L’horreur. Ils m’ont collé l’espèce de timbré du premier, celui qui organise les fêtes du CE et qui est pote avec tout le monde. Je commence à regretter mon silencieux.

mardi 6 janvier 2009

Conversation.

Intimité

« - Et là il s’est réveillé en pleine nuit, quasi en sursaut et il a dit « Elle est partie, elle est partie » presque en sanglotant. C’était vraiment étrange. Il faisait noir, complètement noir. Et moi je n’ai même pas eu besoin de me réveiller. C’était comme si j’attendais sereinement à côté de lui.

« - Et alors qu’est ce que t’as fait quand tu l’as vu comme ça ?

« - Je l’ai pris dans mes bras. Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai serré tout doucement, comme quand je me levai pour consoler les enfants lorsque l’un d’eux avait fait un cauchemar. Et puis je lui ai caressé le dos. Je me demande même si je ne suis pas mise à chantonner. Au début je crois qu’il était tellement paniqué qu’il ne devait même pas sentir que j’étais contre lui. Il tremblait et tous ses muscles étaient contractés. Il était parcouru de tressaillements comme si il avait soudain, pris un coup de froid. Il a essayé de dire quelque chose mais les mots se sont chevauchés et ont fini par se noyer à la sortie de sa bouche. Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire. Et puis il s’est calmé. Petit à petit. Sans bruits. Je l’ai d’abord senti à sa peau. Elle est devenue chaude et moite. On est resté comme ça je ne sais pas combien de temps. Ce que je sais en revanche c’est que j’ai eu plusieurs fois le sentiment de nous revoir trente ans en arrière… la tristesse en plus. On se connaît depuis si longtemps. On se voit tous les jours. Les seuls moments où l’on se devine sont ceux de la nuit mais ils ne sont plus si courants.

Alors se retrouver comme ça, en plein milieu de la nuit, après cette conversation que nous avions eu sur l’état de délabrement de notre couple la veille, ça m’a fait bizarre. Bien sûr que je l’aimais encore avant qu’il ne monte au créneau et qu’il ne me dise que pour lui tout était entrain de vaciller. Bien sûr que moi aussi j’ai eu des moments de doute mais jamais au point de me dire que j’avais envi de le quitter…Ou alors peut être que je n’ai pas eu le courage de me l’avouer comme lui a pu le faire à ce moment-là va savoir.

Mais lorsque je l’ai entendu surgir de son sommeil en disant « elle est partie elle est partie » j’ai tout de suite su que c’était de moi dont il parlait. Il ne pouvait en être autrement. Maintenant même si nous allons devoir nous reconstruire parce que quelque chose c’est cassé entre nous, je suis certaine que nous allons pouvoir repartir ensemble vers autre chose. Tu ne crois pas ? »