mardi 21 avril 2009

Cinq fois...

Dialogues de sourds

« - Le vélo blanc ! Mais non mais…mais depuis le début on dit le blanc pourquoi tu dis le vert maintenant ? … mais c’est celui qu’il veut le blanc on s’en fout que le vert il soit mieux pour le même prix lui c’est le blanc qui lui fait plaisir…Non mais c’est un cadeau pour lui pas pour toi je te rappelle Juliette….Mais tu fais chier à la fin, pourquoi faut toujours que tu reviennes sur ce que tout le monde a décidé avant. On était tous d’accord hier pour le blanc…. C’est l’anniversaire de papa, maman ça fait des mois qu’elle enquête pour savoir quel vélo lui ferait le plus plaisir. Elle est sûre que c’est celui-là alors on prend celui-là point barre. Tu nous emmerdes maintenant à tout vouloir changer à la dernière minute….mais on t’empêche pas de dire ce que tu penses Juliette….Oh et puis merde à la fin fait ce que tu veux ! »

François raccrocha au bord de l’exaspération. Une fois de plus sa sœur avait réussi à le mettre hors de lui. C’était toujours pareil avec elle et avec les membres de sa famille en général d’ailleurs. C’était à croire qu’il était le seul à être doté d’une mémoire. Tous les autres remettaient en permanence ce qui avait été décidé auparavant, balayant de leur inconstance tous les projets établis.

« - Oui maman…Oui j’ai eu Juliette oui…mais non mais c’est pas ça mais c’est lourd à la fin, on décide un truc, on se met tous d’accord et déjà c’est pas facile et elle elle arrive et à la dernière minute elle change tout…quoi ? Non mais attend mais je rêve là ! Bientôt ça va être ma faute…Oh et puis après tout faite comme vous voulez ça m’est bien égale. L’essentiel c’est quand même que papa soit content non ?...Oui sinon ça va merci…mais non maman je suis pas tendu j’ai du boulot par dessus la tête et ça me gonfle qu’on revienne sur ce qu’on a déjà dit c’est tout. Tu vois là ça fait dix minutes que je perds entre Juliette et toi pour régler un truc qui était calé depuis deux semaines…mais non maman ça m’ennuie pas te parler…bon écoute on se voit week-end d’accord ? Faut que j’y aille là. »

Après avoir raccroché, François posa son portable le plus calmement possible sur son bureau, alla jusqu’à la porte sans faire de bruit, la ferma tout doucement pour être bien sûr que personne ne l’entende et se plia ensuite en deux pour hurler sans bruit, la bouche grande ouverte et la haine bien présente. Il mit toute sa rage dans ce hurlement silencieux qui lui déforma le visage en une grimace immonde. C’est à cet instant que Cathy la secrétaire de direction entra dans son bureau sans frapper.

« - Oh pardon ! ça va pas François t’as un problème ?

« - Non non c’est bon tout baigne, dit-il en se relevant subitement tout en faisant semblant de remettre sa cravate en place. Tu pourrais frapper la prochaine fois.

« - Mr Francin est au téléphone, répondit elle en ignorant ce qu’il venait de lui dire. J’essaie de te le passer depuis tout à l’heure mais ça sonne toujours occupé sur ton portable. Je croyais que tu étais sorti. Enfin maintenant comme je sais que tu es là, la prochaine fois qu’il rappelle je te le passerai sur ta ligne fixe.

« - Oui c’est ça. Tu voulais autre chose ?

« - Le dossier rose qui est posé sur le coin de ton bureau. Merci. A tout à l’heure. On mange ensemble ?

« - Non je…j’ai un truc à faire à midi là c’est pas possible.

« - Ah oui ? Un truc à faire avec des nichons et un tailleur ? » François prit une grande respiration, se prit la tête dans les mains et sans s’énerver mais à deux doigts d’exploser quand même répondit :

« - Non Cathy. Un truc à faire que je dois faire tout seul. Sans nichons et sans tailleur.

« - Ah tiens ? Parce qu’il y a une certaine Séraphine qui t’as laissé un message pour savoir si vous mangiez toujours ensemble ce midi ?

« - C’est une collaboratrice d’un autre cabinet, ça te va là ?

« - Oui. Mais elle a des nichons et un tailleur.

« - Comme toutes femmes avec qui je bosse !!!!!! Qu’est ce que ça peut te faire putain ?

« - ça peut me faire que c’est avec elle que tu manges à midi et pas avec moi alors que t’avais dis que c’était avec moi.

« - Eh ben on mangera demain ensemble d’accord ?

« - J’ai le choix ?

« - Pas vraiment. »

Elle partit en claquant la porte. Sa relation avec Cathy avait été jusque-là surtout d’ordre sexuel. Enfin du moins pour lui. Mais apparemment, un certain malentendu était entrain de s’instaurer entre eux. Pourtant elle comme lui avait été d’accord dés le début. Aucun ne cherchait une situation stable et l’idée de coucher de temps à autre ensemble suffisait à les satisfaire. Mais les choses ne semblaient plus si claire.

Après le repas son portable sonna de nouveau. Cette fois c’était sa grand-mère qui voulait lui parler. Il décida de ne pas répondre et replongea toute son attention dans son dossier comme si de rien n’était. Il n’écouta le message qu’une bonne heure plus tard. Et il sentit rapidement de nouveau monter en lui cet étrange sentiment d’être le seul à avoir compris ce qui avait été dit :

« - Oui François c’est Mamy. Je t’appelle pour l’anniversaire de ton père ce week-end. Je lui ai trouvé un jolie chapeau de paille dans un magasin de décoration et de jardinage. Comme il jardine beaucoup en ce moment je suis sûre que ça lui fera plaisir. Et puis je lui ai pris une bêche, une pelle et une brouette parce que vraiment la sienne est toute déglinguée ce n’est pas possible qu’il continue comme ça. Par contre comme je n’ai pas pu tout ramener tu imagines bien, j’ai dit au vendeur de me le garder et que tu passerais prendre le tout d’ici à vendredi. Tu peux faire ça pour ta mamy mon petit chéri ? Aller je t’embrasse. A dimanche. »

Non seulement François revoyait parfaitement la discussion que son père avait eu avec sa grand-mère dans laquelle il disait qu’il adorait ses vieux outils et que pour rien au monde il n’en changerait mais en plus, François avait convenu en la ramenant chez elle la dernière fois qu’elle participe au prix du vélo puisque ce dernier était hors de prix. Enfin du moins c’était ce que lui avait compris à l’issue de la conversation. Et voilà qu’elle venait de lui annoncer qu’elle avait fait cavalier seul sur toute la ligne et que par conséquent sa participation dans le vélo risquait d’être annulée vue le prix qu’elle venait de mettre dans l’outillage. François passa sur le planning qu’il allait devoir gérer pour aller chercher dieu sait où la brouette et tout le bazar qui l’accompagnait :

« - Allo mamy ?

« - Coucou mon petit François. Comment ça va ?

« - Bien bien.

« - T’as eu mon message ?

« - Ben oui c’est pour ça que je t’appelle.

« - Tu peux aller chercher mes affaires alors ça ne te dérange pas ?

« - Non mais mamy, je croyais que tu participais au cadeau avec Juliette maman et moi ? Tu sais pour l’histoire du vélo…

« - Ah oui le vélo….Oh ben je l’ai complètement oublié moi ce vélo. Mais c’est pas grave hein ?! Comme ça il aura plein de cadeaux. C’est ses cinquante ans quand même, faut pas l’oublier.

« - ça, ça risque pas crois moi.

« - Eh ben tant mieux. Allez à dimanche mon chéri. »

vendredi 17 avril 2009

Quatre fois...

Voleurs d'un soir.

« - Le vélo blanc ou le vélo vert ?

« - Je sais pas je m’en fout ! Prends n’importe lequel. Tu crois qu’on est là pour faire un débat sur la couleur ou quoi ? On est là pour chourer un vélo ducon.

« - Oh éh ça va Al Capone. Je te rappelle que si t’avais pas pété le tien comme un con pour faire le malin devant cette gonzesse on en serait pas là alors vas-y mollo hein !! »

Le ton était monté d’un cran depuis qu’ils avaient pénétré dans le jardin de ce pavillon de banlieue.

En passant dans la rue, ils avaient vu la porte du garage mal fermée et avaient aussitôt saisi la bonne opportunité.

« - Bon tu te magnes le cul ou quoi ? On va pas y passer la nuit.

« - Attends ? Juste deux secondes je regarde lequel est le plus léger.

« - Quoi ?

« - Je regarde lequel des deux est le plus léger pour le faire passer par dessus le portail.

« - Ben grouille toi…. Oh putain y’a des phares y’a des phares ! Planque toi ! »

Fred rabattit la porte du garage le plus discrètement possible vers lui, ne laissant qu’une ouverture minuscule pour regarder dehors. Par la seule raie de lumière qui coupait encore la noirceur du garage, il scruta les mouvements de la voiture.

« - Oh meeerde elle se gare juste là.

« - Tu crois que c’est les proprios.

« - Qu’est ce que j’en sais !? Tu crois que j’habite le quartier ou quoi ? Attends ! Attends attends !! Merde ils se dirigent vers le portail. » Fred referma le dernier centimètre encore ouvert et dans un élan furtif entraîna Jean vers le fond. S’agrippant à son bras, il l’obligea à s’accroupir dans un coin, juste derrière une brouette qui traînait là :

« - Viens ! on va se planquer là au cas où ils rappliquent. 

« - Putain tu m’auras tout fais ce soir » protesta Jean en s’accroupissant.

Dehors une voix féminine demanda :

« - Tu as fermé le garage ? Fabien est allé poser son vélo tout à l’heure mais je n’ai pas vérifié s’il l’avait bien refermé à clef ?

« - Oh ma puce on s’en fout qu’il soit fermé ou pas, y’a jamais personne ici.

« - Va vérifier s’il te plait.

« - Bon d’accord. Allez vas-y rentre, je vais voir. »

Les pas de l’homme crissant sur les graviers se rapprochèrent. Il ouvrit la porte en grand, regarda en arrière vers sa femme et demanda à la cantonade suffisamment fort pour qu’elle l’entende :

« - Y’a quelqu’un ?! » Tassés derrière leur brouette, Fred et Jean ne bougeaient pas d’un millimètre. S’ils avaient pu à ce moment précis rentrer dans le béton et l’un et l’autre l’auraient fait sans hésiter. Dehors ils entendirent clairement la femme pouffer de rire en disant :

« - Oh mais t’es nuuul. Allez ferme cette porte et viens. » Le bruit de la poignée grinça, suivi dans le même élan de celui de la clef dans la serrure. Puis les pas s’éloignèrent.

Malgré le départ des propriétaires ni Fred ni Jean n’osèrent bouger avant un long, long moment et ils restèrent comme ça prostré dans le noir sans se regarder jusqu’à ce que Fred finisse par se relever doucement en chuchotant :

« - Tu crois que c’est bon ? On peut y aller ? »

« - Toute façon on va pas aller bien loin maintenant qu’on est enfermé comme deux cons. » ronchonna Jean en s’étirant.

« - On peut quand même sortir par la fenêtre non ?

« - J’espère. Parce que de là à ce qu’elle soit coincée y’a qu’un pas vu comme c’est parti. » Ce disant, Jean s’assit sur un bidon tout en se frottant les mains pour tenter d’enlever la poussière. Fred lui, se dirigea d’un pas résolu vers la fenêtre qui laissait à peine passer une lumière granuleuse et poussiéreuse.

« - Oh putain mais c’est des mygales qui nichent ici c’est pas possible toutes ces toiles d’araignées. Ah c’est dégueulasse !

- Ben si tu t’étais abstenu de faire le con tout à l’heure on se serait évité toutes ces emmerdes je te signale.

- Ah ça y’est j’ai la poignée. Allllllez vient saloperie de fe-neêêêêtre. » invoqua Fred les dents serrées. Elle finit par céder en s’ouvrant d’un coup. Enfin du moins l’un des deux battants s’ouvrit d’un coup.

« - Je crois que l’autre est bloqué.

« - Fait voir ? Ah ouais t’as raison. C’est la rouille qui a tout bouffé le système d’ouverture. » observa Jean un peu dépité.

« - Bon ben on va pas rester à sécher là pendant des heures. Maintenant qu’on est sûr de ne pas pouvoir faire passer le vélo par la fenêtre y’a plus qu’à se tirer. » et joignant le geste à la parole, Fred prit appui sur le rebord et d’un bond, s’extirpa vers l’extérieur. Jean le suivit aussitôt en prenant bien soin de ne pas abîmer ses vêtements dans l’opération. Mais alors qu’il était entrain d’enjamber la fenêtre, son regard se figea en direction du portail.

« - B…bouge pas Fred. Surtout bouge pas.

« - Qu’est ce qu’y à ? Les flics ?

« - Non. Y’a un clebs qui nous regarde et qu’a pas l’air commode. »

Tout doucement, Fred pivota sur lui-même pour regarder derrière lui. A une trentaine de mètres, un espèce de bouldogue baveux les observait l’air sévère. L’espace d’une seconde tout le monde se toisa, immobile et tendu. Puis fusant comme une flèche, le chien se mit à courir en direction des deux intrus qui n’avaient rien à faire sur son territoire à une heure pareille. Électrisé par la peur, Jean bondit hors de la fenêtre comme un diable d’une boîte et se lança à la poursuite de son ami qui se révéla être un coureur incroyablement efficace et difficile à rattraper.

« - Putain mais il sort d’où ce chien ? » hurla t il plein de panique.

« - J’en sais rien ! Coure bordel coure !! »

Ils arrivèrent hors d’haleine à une haie de tuyas dans laquelle ils s’enfoncèrent sans se poser la moindre question. Du grillage qu’ils rencontrèrent juste derrière, Fred garda un souvenir double. Tout d’abord celui d’une joie énorme une fois qu’il fut de l’autre côté. Il lui fut d’ailleurs impossible de savoir comment il réussit à passer ce grillage aussi vite mais la peur révèle parfois des dextérités cachées. Le deuxième souvenir est celui de la tête de Jean. Il n’avait pas réussi à rattraper son léger temps de retard. En arrivant face au grillage, il avait commencé à le grimper pour s’échapper lui aussi. Mais à mi-hauteur, son visage s’était crispé. Fred avait pu voir alors le chien agrippé au bas du pantalon de son ami. Il voulut se mettre à crier autant pour essayer d’effrayer l’animal que pour se soulager. Mais il fut devancé par le bruit du déchirement du tissu. Un coup sec d’abord. Puis un second beaucoup plus long. Jean bascula d’un coup en avant s’écrasant lourdement la tête dans le parterre de fleurs. Derrière la barrière, le chien quasi hystérique aboyait à tout va, un énorme lambeau de pantalon entre les dents.

Clopin-clopant, il quittèrent le second jardin dans lequel ils étaient tombés. Une fois dans la rue Jean commença à pester contre le chien qui lui avait arraché le pantalon découpant celui-ci jusqu’à mi-cuisse, contre le grillage qui lui avait griffé l’un de ses avant-bras et le ventre, contre ce putain de parterre de fleurs de merde et contre son pote qui décidément était trop con.

« - Te plaints pas. » Répliqua Fred un brin narquois.

« - Te plains pas te plains pas. Je t’accompagne et regarde. Un fute en moins, ma chemise déchirée, je suis tout griffé, j’ai failli me faire bouffer par un crétin de clébard sorti tout droit de l’enfer, juste après avoir failli me faire gauler par le proprio à qui on était entrain de chourer un vélo ; tout ça parce que cet imbécile de Fred multiplie les idées à la con depuis le début de la soirée. Tout ce qui sort de ta bouche m’attire des emmerdes. Tu trouves que j’ai pas de raison de me plaindre ?

« - Ben non. Il pourrait pleuvoir. »

jeudi 16 avril 2009

J'irai mourir au Kalahari.

Sociologie aquatique.

J’ai eu l’occasion à maintes reprises l’or de mes avachissements estivaux le long de points d’eau, de constater à quel point sévissait avec systématisme et récurrence, et ce quel que soit le point de la planète, un genre humain bien particulier l’Homo Platus.

Selon toutes mes observations chacune aussi aléatoires que précise, je peux désormais affirmer sans trembler que ce genre là regroupe quelques caractéristiques bien particulières : Il est généralement, masculin et prolifère l’été, le long des cours d’eau, des piscines, des étangs des mers et des océans ou de toute autre destination aquatique. Souvent jeune, il peut se diviser en deux grandes sous-catégories. L’Homo Platus Ridiculus et l’Homo Platus Abrutius.

Le premier, l’Homo Platus Ridiculus, est plutôt du genre timide. Malingre et souvent mal dans sa peau qu’il a d’ailleurs fort blanche, il voit dans le plongeon, pour on ne sait quelle raison, une sorte de quintessence héroïque, le summum de l’homme accompli. Et par un raisonnement dont lui seul a le secret, il imagine sûrement que cette prouesse physique est le moyen infaillible de séduire l’être désirée. Alors sous l’impulsion molle d’une logique qui lui est propre, il passe tout d’abord plusieurs heures à observer la meilleure façon de pénétrer dans l’onde sans éclaboussures mais avec classe et allure. Cette phase parfois longue, il serait bon souvent, qu’il la prolonge indéfiniment. Car le passage à la phase active de son plan est souvent l’accomplissement même du ridicule.  

Prit soudain d’un spasme électrique, il se jette droit devant lui, certain que les courbes de son corps chétif et blafard, suivront le cheminement de ses répétitions mentales. Mais la réalité brutale, reprend le dessus à cet instant fatal. S’écrasant comme une merde sur le dessus de l’eau plate, il subit la cuisante humiliation de constater que le plongeon n’est ni une abstraction ni même affaire de détermination mais qu’il se joue à l’entraînement et tout d’abord calmement afin d’éviter la cinglante gifle de l’eau sur son honneur public et sa peau désormais rougeoyante. Et si le manque d’entraînement est flagrant, la bêtise innocente est souvent la seule excuse valable.  

Mais maîtriser en amont cette circonvolution physique estivale ne suffit pas à éviter le ridicule. Trop en faire peut tout autant entraîner le quidam sur les chemins de l’opprobre public. Or l’Homo Platus Abrutius excelle dans cette catégorie. Ainsi ai-je pu voir à plusieurs reprises et pour mon plus grand plaisir, l’onde tarter en direct, le flagorneur brillant. D’un tout autre acabit que le précèdent, il est en général et tout en muscle et pédant. Sûr de séduire celle qu’il désire, il se jette nonchalamment à l’eau, traversant sans efforts et presque sans bruits la surface, sur laquelle le soleil luit. Mais il n’est souvent pas le seul à maîtriser l’art de la disparition sous-marine et pour se rendre plus voyant, il doit prendre des risques et se faire distrayant. Mais à trop sortir de ce qu’il sait faire sans effort il se hisse vers des sommets que lui même abhorre. Et finalement ce n’est pas parce qu’on rie fort que l’on n’a pas mal. Le bruit de la claque est souvent d’autant plus retentissant que, prenant de l’élan, l’abruti est monté haut dans le ciel, avant de s’écraser de tout son dos, voir de toute sa face, bien à plat comme une limande.

Moralité, l’excès de confiance lié à l’excès de zèle peut parfois s’avérer tout aussi fatal que leur manque.

mercredi 15 avril 2009

J'irai mourir au Kalahari.

Trois ans.

« - Whouaaa ! super t’as trouvé du boulot. Putain après trois ans s’est génial.

« - ça fait pas trois ans que je cherche du boulot. ça fait trois ans que je sais ce que je veux faire et que j’attends qu’il y ait une place qui se libère c’est différent.

« - Oui ben quand même. Ça fait trois ans que t’as pas bossé et là ça y est. Tu commences quand ?

« - Au début du mois prochain.

« - Impeccable. T’as le temps d’en profiter encore un peu comme ça. C’est un CDI ?

« - Encore heureux.

« - Ben tout s’arrange c’est super.

« - Ouais tout s’arrange. J’ai plus qu’à me laisser glisser tranquillement jusqu’à la retraite. Je me collerai peut-être une petite dépression vers cinquante ans histoire de pas non plus faire dans le trop lisse. A moins que j’ai quitté ma femme quelques années avant. Ça compenserait. Et puis après je me la coulerai douce à la retraite en attendant de mourir. Ah ! C’est rassurant les CDI tu trouves pas ?

« - Ben ça te fais du bien de trouver du boulot toi. T’aurai préféré rester au chômage toute ta vie peut être ?

« - Je ne sais pas. En tous les cas ce que je sais c’est que le boulot c’est pas ce qui fait la vie. Ça évite d’avoir à se regarder toute la journée ça c’est sûr mais pour le reste, je te le dis, elle n’est pas là la vie. Le boulot c’est une activité rien de plus. Une distraction, une bouée de sauvetage, une raison d’être ou une façon de vivre...Mais ça n’est pas la vie.

Je t’assure qu’en trois ans d’attente j’en ai passé des jours à me regarder au fond, à me questionner, à me demander qu’est ce que tout ça pouvait bien signifier. Pourquoi lui plus que moi avait un boulot ? Pourquoi moi plus que lui j’avais un logement et une vie stable ? Des jours à me demander à quoi pouvait bien servir tout ce cirque. Aller faire la queue à l’agence pour l’emploi, aller aux entretiens, pleurnicher comme un gosse pour avoir des indemnités… Tout ça était tellement stupide que finalement j’en ai pris mon parti. J’ai appris la patience et avec la patience, l’humilité. Tu le crois ça ? Je me revois encore y’a trois ans, arriver remonté comme une pendule sur le marché du travail, plein de mes diplômes, de ma petite expérience et de mes illusions. C’est celles-là qui en ont pris le plus plein la gueule. Mes illusions. J’ai réalisé petit à petit qu’elles étaient celles d’un enfant et que j’évoluais désormais dans un monde d’adulte. Et chez les adultes y’a peu de places pour les illusions. Elles se fracassent contre le réalisme comme du cristal sur une dalle.

« - Si ça t’as pas rendu dépressif le chômage ça t’as au moins rendu philosophe. Heureusement que t’es pas resté plus longtemps sur la touche t’aurai fini mystique.

« - ça m’a pas rendu philosophe. Ça m’a rendu réaliste je viens de te le dire. 

« - Hum. Moi je croyais qu’on était venu boire des coups pour fêter ton retour aux affaires.

« - J’en suis jamais parti des affaires. J’ai juste pris un petit chemin de traverses pendant quelques temps. »

 

vendredi 3 avril 2009

Trois fois...

Antiquité

Le vélo blanc crasseux qu’il venait de s’acheter était une horreur abominable. Sa roue arrière voilée émettait un grincement sinistre. Ses freins étaient cassés à l’avant et à l’arrière du fait du voilage, ils ne remplissaient que partiellement leur office.

« - C’est une antiquité » c’était justifié le vendeur sur le marché aux puces où Pierre l’avait dégauté.

« - Non c’est une merde, avait-il rétorqué en tendant les cinq euros que le forain lui demandait. Mais ça tombe bien c’est exactement ce que je cherche. »

Une antiquité. Pourquoi pas une pièce de musée tant qu’à faire ? Ce qui était vieux et exposé sur un marché n’était pas forcément une pièce rare. Ce qui avait subi les assauts du temps et c’était patiné à son contact n’avait pas toujours pris de la valeur à cette occasion. Bien au contraire. Et ce vélo là en était la preuve. Il avait vieilli, prit des coups, c’était tordu sous le poids de la vie et était devenu au final, moche et sans valeur. Et c’était exactement ce que recherchait Pierre.

Son chouette vélo qu’il avait descendu de Paris pour les vacances, lui avait été volé quasiment dés son arrivée sur la côte. Deux jours qu’il était là et à la première soirée dehors, on le lui avait chouré. Sur le coup ça lui avait foutu les boules à mort. Un vélo tout neuf, sans une rayure. Un vélo qu’on lui avait offert il y avait à peine trois mois. C’était tout juste s’il avait eu le temps de s’y habituer. Il faisait bien attention de ne pas rouler dans le sable avec. Il le rentrait dans le couloir de l’appartement pour ne pas le laisser dehors. Il ne le prêtait pas et avait même refusé de transporter Marc sur son porte-bagage.

« - Quoi ? s’était insurgé ce dernier quand il lui avait exposé son refus. Je peux même pas m’asseoir sur ton porte bagage. Mais je mets ma serviette sous mes fesses...

« - C’est pas question de ça. Mais t’as vu combien tu pèses ? Tu vas voiler ma roue. Et puis t’es pas si loin que ça. Un peu de marche ça te fera pas de mal. » et il avait planté son pote sur place.

Les premiers mètres avec ce vieux clou entre les jambes furent un peu fastidieux. La roue arrière frottait de temps à autre sur le garde boue, ce qui fait qu’il était difficile de prendre de la vitesse. De toute façon comme on ne pouvait pas freiner, ce n’était pas conseiller de rouler à une allure ne serait ce que normale. Non. Il fallait rouler lentement, tranquillement. Rouler comme si le rythme lui même était en vacance.

La selle par contre était super confortable. C’était une vieille selle qui c’était affaissée sans bruit, façonnée par le poids des dizaines de paires de fesses qui s’étaient assises sur elle. Comme le vélo était un poil trop petit pour lui, Philippe avait le sentiment d’être posé plus qu’assis dessus. Le dos arrondi, les genoux remontant un peu plus que la normale, il avançait avec cette drôle d’allure à un rythme que rien ne semblait pouvoir emballer.

Une fois juché sur son drôle de destrier, il lui passa par la tête d’aller se tenter un petit bain matinal. Il était encore tôt, les familles ne seraient pas encore là. Ces amis qu’il devait rejoindre pour boire le café sur la terrasse d’un de leur bar fétiche, ne lui en voudraient certainement pas de l’attendre un peu.

Arrivé sur le parking à vélos, il réalisa qu’il n’avait pas de cadenas. Les baigneurs étaient encore peu nombreux à cette heure-ci  et il était difficile de ce cacher entre deux vélos. Il remarqua alors que sur un des poteaux, un vieux cadenas rouillé pendait là, abandonné. La serrure rongée par le sel avait fini par rendre l’âme, scellant son destin à ce poteau. Pierre s’approcha. Pour se donner bonne conscience, il sortit un trousseau de clefs, fit semblant d’ouvrir la serrure et tout en manipulant le cadenas, l’enroula simplement autour de la potence de son vieux vélo. Il recula d’un pas pour mieux en apprécier l’effet. C’était parfait. On avait vraiment l’impression qu’il était attaché. «  Et puis de toute façon, même si jamais on me le vole, je vais presque aussi vite à pied et je l’ai payé que cinq euros. Ce ne sera pas une bien grosse perte. » Et sur ce constat quasi indifférent sur ce qui pouvait advenir de cette bicyclette, il prit la direction de la plage.

Comme il le soupçonnait, il n’y avait quasiment personne. Le vent se traînait mollement, striant sans y croire la surface miroitante de l’océan. La respiration calme de la mer s’échouant et chuintant sans trêve sur la grève, offrait le spectacle de la sérénité pleine et entière. Sans se donner le temps de réfléchir, Philippe ôta son tee-shirt, camoufla son portefeuille et ses clef à l’intérieur, laissa ses tongs et d’un pas décidé, s’avança vers l’eau. A mi-cuisse il eut un léger instant d’hésitation. La fraîcheur soudaine lui jeta un frisson le long de la colonne. Mais il prit ça comme un encouragement et plongea d’un coup sans réfléchir plus longtemps.

L’eau glissait le long de son corps. Des bruits sourds et aquatiques l’environnèrent, protecteurs. Il aspira une petite quantité d’eau salée dans sa bouche. Les brasses s’enchaînèrent aux brasses. Il sentait qu’il pouvait aller plus loin, encore plus loin, encore un peu plus loin. Puis l’air vint à manquer. Il cessa de nager et se laissa remonter sans efforts. Il perça la surface en crachant l’eau de sa bouche. Avant d’ouvrir les yeux il se passa la main sur le visage. Tout était calme. Il flottait, les yeux fermés, les bras tendus, allongé sur le dos. De temps à autre, son oreille refaisait surface, captant des bruits durs, avant de replonger sous la surface. Il resta comme ça longtemps. Puis de petits tressaillements de froid commencèrent à le parcourir. Il rentra sur le bord. Comme il n’avait pas pris de serviette, il se laissa sécher au soleil grandissant.

De retour au parking à vélo, il retrouva le sien qui l’attendait, fidèle et cabossé. Il l’enfourcha sans avoir à sortir la moindre clef et de son rythme nonchalant, prit la direction du café. Pour la première fois depuis qu’il était là, il avait la sensation d’être vraiment en vacance. En arrivant face au café il retrouva une partie de la bande entrain de discuter de la soirée de la veille, préparant déjà celle du soir à venir.

« - Whoua ! t’as fait des affaires toi ce matin ! » le chambra Céline en le voyant sur sa nouvelle acquisition.

«- Attends c’est une véritable antiquité ! lança-t-il moqueur.

« - Ah bon qu’est ce qu’il fait dire ça ? La rouille sur le cadre ou les pneus craquelés ?

« - Le fait que lorsque t’es posé dessus, tu sens le poids des vacances t’assaillir de sa puissance molle. » Tout le monde partit à rire.

jeudi 2 avril 2009

Le bateau d'Oleg (4)

Avec le printemps, arrivèrent les poutres par la route enfin praticable. Tout le travail accompli au cours de l’hiver prit forme presque d’un seul coup. Ce fut à ce moment là que je réalisais à quel point Oleg avait été fort. En ne laissant jamais la mauvaise humeur et l’abattement nous envahir, nous avions avancé par petits pas, sans nous en rendre compte. Mais maintenant que l’ossature du bateau était positionnée dans le hangar, tout ce que nous avions fait venait s’assembler autour dans un grand élan de joie. Bizarrement, ce ne fut pas à ce moment-là qu’Oleg fut le plus présent. Tout le monde chantait et riait mais lui était enfermé dans son baraquement, sifflotant dans son coin, tranquillement.

Dans le hangar, le bateau grandissait. Son inauguration fut joyeuse. Il s’enfonça d’abord doucement dans les flots avant de se stabiliser à la surface, attendant calmement qu’on le charge, imposant et fier. Si tout le monde hurla de joie lorsqu’on le vit enfin flotter, Oleg lui, resta d’un calme olympien. Il était heureux ça c’est sûr. Son sourire ne le quittait jamais. Mais il n’avait pas besoin d’amener d’énergie. Les choses se faisaient maintenant toute seule.

Le bateau fut chargé et cette opération prit des jours. On sentait qu’à l’approche du départ, l’excitation gagnait à nouveau Oleg. De nouveaux défis allaient s’offrir à nous.

« - Ahaahahahah demain c’est le départ, nous dit-il alors que la nuit était tombée et que nous dînions chez lui. Je suis impatient je ne vous le cache pas. C’est qu’on commençait presque à s’ennuyer ici hein l’architecte ? » Il allait entamer une longue explication lorsque des cris l’interrompirent.

« - Au feu ! Au feu ! » hurlait-on dehors. En sortant, nous découvrîmes les gens courant dans tous les sens, comme pris de folie. Je tournais la tête vers la mer. Et là, je vis de grandes flammes qui s’échappaient du bateau. Il était entrain de brûler. Tout le monde se précipitait vers la grève. Certains pleuraient, d’autres regardaient sans y croire leur rêve et le fruit de tant d’efforts partir en fumée. Je ne peux pas dire combien de temps nous sommes restés comme ça mais j’eu l’impression que cela dura des nuits et des nuits.

Et puis soudain, venant de derrière nous, alors que l’abattement et la tristesse étaient à leur comble, éclata un grand rire. Un grand rire que je connaissais très bien. Dans un même élan, tout le monde se retourna. Oleg était campé en haut de la dune, les deux mains passées dans son grand ceinturon de cuir et il riait, de son rire franc et gigantesque. Sur le coup je crus qu’il était devenu fou. Mais non, rien sur son visage ou dans son regard ne semblait indiquer que la folie l’avait gagné, bien au contraire. D’un pas souple et assuré il descendit jusqu’à nous. Au passage, il releva délicatement un matelot qui c’était laissé tombé par terre abattu par la douleur. Il lui murmura quelque chose qui sembla le regaillardir puis d’une voix forte et pleine de défi nous dit :

« - Bon eh bien ! on dirait bien qu’il va nous falloir racheter du bois. Heureusement que les hangars et tout le reste est déjà construit sinon nous aurions encore perdu un temps fou. » et d’une frappe virile dans mon dos il enchaîna :

« - Tu en est l’architecte hein ? Tu ne vas pas abandonner ? 

Un peu pris au dépourvu je lâchais un timide :

« - Oui oui bien sûr. J’en suis.

« - Parfait alors rentrons ! Demain, nous avons du pain sur la planche. On n’abandonne pas ses rêves sur le bord d’une plage n’est-ce pas ? »

mercredi 1 avril 2009

Le bateau d'Oleg (3)

« - Abandonner ? je crus sur le moment que je venais de m’adresser à lui dans une langue qu’il ne connaissait pas. Abandonner ?! Non mais tu ne sens pas bien l’architecte, me dit-il sur un ton très calme les sourcils froncés. Abandonner parce que des poutres en bois n’arrivent pas ? C’est ridicule.

« - Mais enfin Oleg…on ne peut pas continuer à construire ce bateau sans poutres c’est impossible. Et elles n’arriveront qu’après l’hiver maintenant. Et encore ça n’est même pas sûr. J’ai eu un courrier du fournisseur, il est très loin d’avoir réuni toutes pièces dont nous avons besoin. Il va nous falloir des mois et des mois avant de réussir à les réunir au grand complet. Cela va coûter des sommes folles et… il m’interrompit d’un geste.

« - L’argent c’est mon affaire. Ne t’en fait pas pour ça. Ce projet je veux qu’il voit le jour quel qu’en soit le prix matériel à payer. Il faut bien que tu comprennes quelque chose l’architecte. Il se leva et commença à marcher dans toute la pièce en agitant les bras. Je suis fier que ce bateau voit le jour et avance chaque jour un peu plus. Je suis heureux lorsque j’arrive le matin ici et qu’une nouvelle journée commence avec son lot de problèmes à résoudre et de solutions à trouver. Si j’ai voulu me lancer dans un projet aussi gigantesque c’est parce que bien sûr, je serai le roi de la mer mais c’est aussi et surtout parce que chaque jour, chaque minute qui vient, je les passe à construire, faire avancer, réfléchir…Tu comprends ce que je veux dire l’architecte ? Je n’abandonnerai pas non pas parce que je suis têtu et fier, même si il y a un peu de ça aussi. Non. Je n’abandonnerai pas parce que si ce projet devait se finir aujourd’hui, j’en recommencerai un autre immédiatement derrière. C’est ma vie. C’est la vie construire des choses et les faire aller le plus loin que tu puisses les porter, tu ne crois pas ? »

Je fus un petit peu surpris de l’entendre dire ça. Je balbutiai bêtement :

« - Oui euh…sûrement…enfin peut être…je ne sais pas  mais en tous les cas ce que je sais c’est que là pour le moment niveau poutre…

« - Ne t’occupe plus des poutres. Je vais me charger de trouver un autre fournisseur. Attaque le pont. Nous avons assez de bois pour le pont ?

« - Probablement, répondis-je un peu penaud.

« - Très bien alors évalue ce que nous avons pour faire le pont et commence les découpes.

« - Très bien.

« - Et quitte moi cet air triste un peu. » Il vint s’asseoir juste à côté de moi, me posa une main sur le genou et avec un sourire franc rajouta :

« - Imagine le bateau navigant au large, chargé et fier, fendant les flots avec ses belles lignes que tu lui auras dessinées et auxquelles tu auras pensé pendant tant et tant de temps. N’est-ce pas tout simplement magnifique ?

« - Si. Oui. C’est sûr. » Je commençais à me détendre un petit peu. Il ferma les yeux, tendit les bras et sur un ton théâtral, le sourire aux lèvres, il reprit :

« - Ah ! L’air marin, les embruns, les terres nouvelles...Respire. Vas-y l’architecte, respire avec moi ? Il prenait de grandes inspirations bruyantes et c’était maintenant levé. Les tempêtes et les couchés de soleil, les dauphins à l’étrave et les îles mystérieuses. Il rouvrit les yeux et éclatant de rire il conclut. AHAHAHAHA ! C’est avec tout ça qu’il faut travailler l’architecte. Pas avec des histoires de poutres qui n’arrivent pas à l’heure. »

Je refermais la porte derrière moi. Commencer à se lancer dans le pont alors que nous ne savions même pas si la structure même du bateau allait nous arriver un jour me paraissait complètement dément. Mais en même temps, que faire d’autres ? Et puis Oleg possédait ce don unique de vous faire voir que la vie était belle, même lorsque tout semblait sombre.

Les jours passaient et je n’avais toujours pas de nouvelles des poutres. Après les découpes du pont nous nous attaquâmes à ce qui devait constituer les cabines. Puis nous nous lançâmes dans les soutes et les compartiments de celles-ci. Dans les entrepôts d’à côté, les marchandises continuaient d’arriver.

L’hiver passa, maintenu loin par Oleg et ses histoires rocambolesques. A chaque fois que l’un de nous se mettait à douter, le rire tonitruant de celui qui nous avait recruté faisait exploser la mauvaise humeur qui ne devenait plus, rapidement, qu’un mauvais souvenir.