lundi 28 avril 2008

Moment

Rupture

Je me mis à courir. C’était stupide mais à ce moment là c’est la seule chose qui me passa par la tête. Courir. Mes pas étaient lourds et l’air brûlant entrait avec brutalité dans mes poumons surchauffés. Ma tête me faisait mal. Je ne savais pas où aller. Je suivis mes foulées désordonnées, aveuglée par la douleur, suivant mes jambes folles et tremblantes. Très vite je me mis à transpirer, mon jean me colla à la peau. La sensation de porter une armure s’installa. Mais je continuais ma course absurde, droit devant moi. Comment, comment avait elle pu me faire ça à moi ? Me faire ça alors qu’elle avait été la première à qui je m’étais confiée, la première à qui j’avais avoué, la première avec qui j’avais osé, la première avec qui j’avais connu le plaisir après ces longues années d’hésitations ? Comment avais je pu ainsi me tromper ? Ça n’était pas possible. Et pourtant en pénétrant dans l’appartement, c’était bien avec une autre que je l’avais trouvée ; avec une autre femme que moi. Plus âgée, plus mûre. Plus vieille. Nues. Complètement nues.
La sensation d’étouffer me serrait de plus la gorge en revoyant cette seule et unique image. Ma course, de force, se ralentit. J’étais au niveau du jardin public. Un peu chancelante, essoufflée, je parcouru les quelques mètres qui me séparaient des premiers espaces d’ombres et de verdures et me laissais tomber. Vinrent les pleures, secs et âpres. Ce n’étaient pas des flots de tristesses mais des lames d’aigreurs qui transperçaient ma gorge et mon être. Ma respiration rauque ne se faisait plus que par le mince filet que me laissait encore la poigne dure du désarroi sur ma gorge. Jamais je ne me relèverais. Ce n’était pas un atermoiement de midinette découvrant que son prince charmant la trompait avec la bonne. Non. On venait de m’arracher la confiance, la joie, la sincérité. On venait de les broyer toutes ensembles dans un grand éclat de rire et de cynisme et l’on m’avait jeté leurs débris obscènes à la figure. La douleur ; c’était tout ce qu’il me restait, la douleur intense et profonde qui paralysait mes membres et mes pensées, m’emprisonnant à elle comme une sangsue avide.
Elle avait tout pris parce que je n’avais rien voulu retenir. Mais comment aurais je pu ?

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