vendredi 4 juillet 2008

Moment

Manger, boire, dormir…rêver.

Une tête de loup. Si si c’était une tête de loup qu’elle voyait, il n’y avait pas de doutes possibles. Elle n’avait même pas besoin de faire jouer son imagination comme le nécessite parfois ce jeux. Une tête de profil avec la gueule ouverte. Elle ne la quitta pas des yeux jusqu’à ce que sa forme devint si absurdement déformée qu’après avoir hésité quelques secondes entre un autre animal fantastique mais innommable et une lointaine ressemblance avec un oiseau invraisemblable, le nuage prit finalement la forme disgracieuse et pachydermique si caractéristique des cumulo-nimbus à cette époque chaude de l’année. Accompagnée par la nonchalance de ce peuple cotonneux, elle se laissait emporter de l’un à l’autre depuis plus d’une heure, sans autre but que la rêverie molle que lui offrait ce spectacle.
Autour d’elle les herbes vrombissaient de la suractivité des insectes insensibles à la chaleur accablante. L’été écrasait de son poids brûlant la moindre initiative mais eux, répondait par une indifférence aussi hystérique que bruyante.
Elle avait quitté la maison en marchant droit devant elle au hasard, avant de trouver ce matelas craquant et jaune, tapis un peu en contrebas du chemin.
Ils avaient loué ce mas avec des amis pour une quinzaine de jours. Tous avaient laissé les enfants aux grands-parents et ils c’étaient retrouvés là, isolés de tout, ne profitant que du temps qui passe, discutant de sujets sans fin, buvant du rosé frais, élaborant des projets qui ne verraient jamais le jour mais qui égayaient quand même un peu leur futur incertain. Ils c’étaient retrouvés juste parce que ça leur faisait plaisir, par pure amitié et parce qu’ils étaient sûr qu’ensemble il n’y aurait pas d’écorchures. La quinzaine qui s’en était suivie n’avait fait que confirmer et dans l’ensemble à part rire, ils n’avaient rien fait.
Une fois ou deux ils avaient vaguement émis l’idée d’aller se promener le lendemain, de se lever tôt. Et puis finalement, la matinée avait étiré ses yeux heures fraîches jusqu’à celles plus lentes qui précédent le repas du midi. On avait commencé à faussement se préparer. Il en restait encore deux au lit que personnes n’osaient aller déranger. Pour combler leur attente, on avait refait du café. Lorsque enfin ils étaient descendus, tous étaient d’accord pour dire qu’il était trop tard, que maintenant le soleil était trop haut et qu’il faisait trop chaud ; qu’il valait mieux aller se baigner dans le petit ruisseau qui courait dans le vallon, en bas, celui qui était à l’ombre et qui s’étalait en une longue flaque rafraîchissante.
Ils avaient passé leur temps comme ça, sans compter, sans s’occuper de rien, portés par les seuls nécessités vitales. Manger, boire, dormir.
Elle se repassait le film de ce moment intemporel qui était entrain de toucher à sa fin. A demi perdue entre l’envie de dormir et l’envie de profiter de cet intense instant, elle se laissait complètement aller à cet entre deux nébuleux. Les nuages courraient toujours au-dessus d’elle, poussés par la main délicate du vent léger et ferme. Ils promenaient leur énormité avec l’élégance de celui qui sait que rien ne peut lui arriver. Bientôt, très bientôt, elle se lèverait pour aller les rejoindre.

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