mercredi 11 novembre 2009

J'irai mourrir au Kalahari

Le baiser

Le baiser souleva dans son ventre une vague d’adrénaline qui explosa dans son crâne et à travers tout son corps comme une violente décharge. Si la joie était la principale pourvoyeuse de cette excitation, une puissante teinte nostalgique colorait l’ensemble. Elle se délecta de ce cocktail Molotov avec autant de passion que s’il c’était agi de son premier baiser. Du même que celui qu’elle avait échangé avec Xavier son amour de collège, un soir de mai et qui ressurgissait juste à cet instant, inexplicablement.
Elle avait aujourd’hui trente cinq ans et si elle ne c’était jusque-là jamais laissée envahir par les images du passé, elle sentait monter en elle pour la première, dans les prémisses de cette nuit finissante, une irrésistible envie de revenir en arrière. Il y avait dans ce baiser, bien plus que l’aboutissement d’une séduction enivrée et terriblement sensuelle. Il y avait la concrétisation de la fin de cet amour qu’elle avait cru partager avec son mari pendant quinze ans et qui l’avait conduite à ce désastre qu’était l’oubli d’elle-même. Il y avait toutes ces envies réfrénées, ces actes manqués, ces petites frustrations et ces grosses contrariétés sur lesquelles elle c’était construit une nouvelle personnalité.
A la sortie de l’adolescence, elle était alors tellement sûre qu’elle était une adulte accomplie que rien ne la faisait douter quand à l’amour qu’elle éprouvait pour l’homme qu’elle venait de rencontrer. Elle c’était jetée à corps perdue dans l’aventure du couple sans se poser la moindre question. Leur premier était arrivé par hasard et par envie. En l’apprenant, ils avaient ri. Puis lui avait trouvé un poste important loin de leur ville natale. Il avait quitté les amis, la famille, pour tout reconstruire ailleurs, ensemble. Elle, c’était dit qu’elle trouverait une fois sur place. Protégée par celui à qui elle avait liée sa vie, elle avait déroulé toute la panoplie de la femme heureuse sans jamais prendre le temps de s’interroger sur la signification de tout ces rituels. Mariage, deuxième enfant, achat de maison. Petit à petit, sans bruit, le quotidien s’était installé, l’avait étouffé. Pris par un boulot qu’il considérait désormais comme sa priorité, il la laissait assurer avec de plus en plus de distance une intendance qui lui incombait entièrement.
Les premiers moments de solitudes surgirent avec les nuits à attendre. De réunions en séminaires, de formations en voyages d’affaires, sa vie se retrouva cantonnée à espérer que tout ceci dure le moins longtemps possible. Mais c’est l’inverse qui se passait. L’espérance glissa vers la patience qui rapidement, se mua en errance au milieu d’une maison et d’une vie qui lui était de plus en plus étrangère. Elle aimait s’occuper de ses enfants là n’était pas la question. Mais les interrogations commencèrent à effleurer, pour se faire de plus en plus pressantes, de plus en plus perçantes et pour finirent par devenir complètement oppressantes. Ce n’était pas ça qu’elle voulait. Ce n’était pas ça qu’elle avait imaginé. Lui non plus d’ailleurs. Les disputes succédèrent aux moments de glaciations. Les reproches se transformèrent en revendications. Chacun isolé dans sa vie regardait l’autre comme un étranger, lui jetant au visage son lot d’incompréhensions incohérentes. Puis était venu la séparation.
La solitude malgré les enfants, continua de grandir. Elle était comblée de temps à autres par des repas avec des amis, des nuits festives qui faisaient remonter sans cesse les souvenirs de jeunesses. Cette époque qui avait glissé si vite et qu’elle ne voulait pas voir totalement révolue. A trente cinq, pouvait elle sérieusement se considérer comme vieille, ou même mûre ? Non bien sûr, loin de là. Elle avait encore tellement de chose à faire. Lorsque le garçon qui la tenait dans ses bras pour l’embrasser desserra son étreinte, elle baissa presque aussitôt les yeux au sol. Elle appuya sa tête contre son épaule. Elle ne voulait pas le voir. Elle voulait juste se sentir en sécurité, accompagnée de l’illusion charnelle de ce sentiment que ce soir peut être, tout pouvait de nouveau recommencer.

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