mardi 16 septembre 2008

Moment

Sève.

Les odeurs hurlantes qui se fracassaient les unes contre les autres dans ce chaos indescriptible, n’était que l’écho assourdi de la vie grouillante et incessante qui animait en permanence ce quartier de la ville. Bringuebalés d’un étale aux sacs regorgeant de couleurs aussi savoureuses les unes que les autres, à une terrasse sur laquelle les hommes parlaient fort, ils se laissèrent assommer par cette explosion. Cheminant au gré de ce que glanaient leurs sens, ils avaient enfin le sentiment de toucher à l’absolu de ce que peut offrir parfois le voyage aux hommes qui l’entreprennent : le ravissement par l’inconnu. Cet instant où tout bascule, ce moment où les repères qui jalonnent les espaces de nos vies si bien rythmées bercées dans la torpeur de nos quotidiens disparaît, dissout dans l’instant. Les projets s’effacent et tout alors se recentre sur ce moment unique. 

Ils en étaient là, main dans la main, perdus dans ce souk odorant, ignorant le sol huileux et les façades hautes qui rendaient la rue sombre. Leur déambulation jubilatoire ne faisait que les entraîner de découverte en émerveillement et la rue toute entière était un nouvel univers.

Arrivés ici par hasard, ils avaient été guidé par leurs pas pleins de flâneries curieuses. Les sons, mélanges de langues inconnues, de harangues qui n’avaient pas besoin d’être traduites et de rires universels, offraient un cocon à l’ensemble qui allaient bien au-delà du simple habillage folklorique. Il y avait la vie ici. La vie sans masque et sans tricherie, simple et sincère. La vie faite de la nécessité de se nourrir et de rencontrer l’autre, de s’y mesurer ou de s’y confier. La vie qui se tisse dans le regard des amis et les attentes des familles. La vie qui s’étire entre ce vieil homme assis et cette petite fille qui marche en titubant, ivre de ce nouvel apprentissage. 

La foule indifférente qui les côtoyait n’était pas là pour habiller un décor qui ferait au final une jolie photo dans une agence de voyage. Elle était la sève de cette ville et venait s’y nourrir dans cette artère aux centaines d’alvéoles garnies. Et eux, heureux observateurs hébétés se laissait flotter avec délectation au milieu de ce chaos rudoyant.

Après un moment qui leur sembla infini, ils finirent par être poussé et débouchèrent sur une place où le soleil éclaboussait des étales beaucoup plus espacés. Là aussi il y avait du monde mais quelque chose était différent que dans la succession de ruelles dans lesquels ils venaient de se perdre. Machinalement ils se retournèrent. Un flot ininterrompu de personnes entraient et sortaient du labyrinthe. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter.

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