samedi 13 septembre 2008

Moment

Effleurement

La remarque fusa, figeant immédiatement son sourire. Ses épaules se tassèrent d’un coup, appesanties par le poids de la tension qui venait soudainement de monter inutilement d’un cran. Son regard se fit sombre et d’un mouvement abusivement désabusé, il sortit de la voiture. Tout en sachant très bien que cela allait rajouter une touche supplémentaire de mauvaise humeur, il claqua la porte avec juste la force nécessaire pour bien faire sentir son mécontentement. Avait-elle vraiment besoin de son téléphone ? Le sien ne lui suffisait-il pas amplement ? Ils partaient manger chez ses parents pas au boulot, merde ! D’un pas agacé et lent il remonta les quatre étages, tournant et retournant dans sa tête sa rancœur quand à ce qu’il estimait être une absurdité. L’inutilité de cette demande et l’énervement à peine voilé avec lequel elle lui avait lancé : « Mais je t’avais demandé exprès de la prendre. Tu voyais très bien que je ne pouvais pas le faire puisque j’avais la petite dans les bras quand même. » et le petit et sournois « je me demande ce que t’écoute quand je te parle…. » rajouté dans un soufflement exagérément exaspéré, n’avait fait que faire monter en lui le sentiment d’injustice. En arrivant dans l’appartement, il trouva le portable raccordé à sa recharge posé négligemment du côté du lit de sa femme. Il redescendit les escaliers avec plus de dynamisme qu’il ne les avait monté. Mener la guerre sur le terrain de savoir si oui ou non remonter chercher le portable avait été une nécessité serait une démarche inutile. En revanche, laisser complètement passer cette petite injustice était tout aussi inenvisageable.

De retour dans la voiture, il prit lâchement le parti du silence. Mais c’était de loin le plus avantageux pour lui. Tripotant d’un air distrait l’objet du délit histoire de donner faussement une réponse impérieuse à son exigence, elle aussi semblait avoir opté pour cette solution. Ce fut sur ce terrain neutre et mou qu’il crut que devait disparaître pour ce jour-là, l’irritant esprit de la guerre des couples.

Mais une fois chez ses parents, le miel qu’elle mit dans sa voix pour leur expliquer les déboires dont il avait été l’acteur ridicule à la suite d’une soirée un peu trop alcoolisée quelques jours plus tôt signait d‘une part la reprise des hostilités et ouvrait d’autre part un champ bien plus violent que le simple effleurement glaciale dont il avait eu à subir un premier échantillon dans la voiture. 

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