lundi 11 février 2008

Conte

Hélios et Luna (1)

Bien avant que la vie comme nous la connaissons n’apparaisse dans l’univers, bien avant même que celle-ci ne soit un projet ou bien même une ébauche d’idée, vivaient les dieux. Ils habitaient dans un monde dans lequel il faisait toujours bon, la végétation était luxuriante et où la nature subvenait à tous leurs besoins. Ils coulaient là une existence tranquille, bercée par la lenteur de cette perfection permanente. Rien n’était particulièrement interdit et les règles n’étaient pas écrites mais pensées. Il n’y avait qu’une seule règle qui ne devait en aucun cas être transgressée. Une seule. Aucun dieux ne devait engendrer avec une déesse un autre être vivant, quel qu’il soit. L’équilibre qui avait été créé était si parfait que la venue d’un nouvel être, risquait de troubler à tout jamais cette quiétude perpétuelle et c’est pour cette raison que cette simple et unique règle avait été édictée. C’est au beau milieu de ce paradis, que débute notre histoire.


Sur une île perdue en plein milieu de la mer, vivait une petite communauté de dieux. Loin de tout, ils se plaisaient à passer leurs journées à pêcher, danser, sauter dans l’eau et discuter jusque tard dans la nuit. Ici, tout était luxe, calme et volupté. Or parmi tous ces dieux, vivaient Hélios et Luna. Ils se connaissaient depuis toujours et entretenaient des relations très proches. Avec le temps, tout le monde c’était habitué à les voir ensemble et personne n’était choqué de les apercevoir parfois, se tenant la main, ou se serrant dans les bras. Et puis d’abord, d’autres dieux le faisaient déjà entre eux et d’autre part, si ils étaient heureux ainsi, que pouvait on bien leur opposer ?
De toute façon, eux ne se posaient absolument aucunes questions à ce sujet. Pour eux se retrouver ainsi tous les deux était une évidence. Et l’un comme l’autre avait l’impression profonde et permanente que le meilleur était toujours à venir.
Le temps passa ainsi. Enlacés l’un à l’autre, Hélios et Luna développèrent et approfondirent leur attachement sous le soleil de cette île isolée. Un jour qu’ils étaient tous les deux assis sur un rocher entrain de regarder la mer, Hélios demanda à Luna :
« - Dis moi, est ce que si tu pouvais changer quelque chose à notre vie, enfin disons, si on te donnait le pouvoir de changer quelque chose est ce que tu le ferais ou bien est ce que tu garderais tout à l’identique ? » La déesse, tourna la tête vers Hélios, plongea son regard dans le sien et lui répondit :
« - Qu’entends tu par là ? Nous avons tout ici. Pourquoi voudrais tu que « je » change quelque chose ? » Elle avait insisté sur le mot « je », avait marqué une petite pause puis avait reprit toujours en regardant le dieu fixement : « - Et puis, il faudrait que nous soyons plusieurs à vouloir changer quelque chose. Si il n’y a que moi pour décider, ce n’est pas drôle.
« - Allons. Tu vois bien ce que je veux dire. On a tous envi de changer quelque chose à moment ou à un autre ?
« - Ah bon ? Tu aurais envi de changer quelque chose à ce paradis toi ? » Dit elle en étendant ses bras pour embrasser les alentours.
« - Non. Pas nécessairement ce paradis là. Mais peut être bien celui que nous avons à l’intérieur et qui fait que nous nous aimons tant. » Mais, ayant soudain le sentiment d’en avoir trop dit face au silence de sa compagne, il partit à rire et se jeta à l’eau dans une bruyante éclaboussure. Du haut du rocher, Luna se leva lentement, s’étira les yeux fermés face au soleil et d’un plongeon tout en grâce, rejoignit Hélios. De sa nage souple et ondulante, elle se rapprocha de lui, le serra dans ses bras et lui murmura à l’oreille :
« - Moi aussi je serais prête à ce que les choses changent si nous le voulons tous les deux. »
Ce soir là, ils ne rentrèrent pas comme d’habitude rejoindre les autres autour du grand feu qui animait tous les soirs le centre de leur petite communauté. Ils préférèrent monter main dans la main, jusqu’au sommet de la plus haute colline de l’île. Et dans cette nuit de paradis, ils transposèrent alors leurs envies dans la réalité créant tout doucement, dans le berceau de la nuit, du nouveau.

Durant les semaines qui suivirent, les deux amants s’éloignèrent petit à petit de la vie des autres pour passer encore plus de temps qu’auparavant ensemble. Les jours s’enchaînaient les uns aux autres, comme à la normale. Mais lorsqu’ils croisaient un autre dieu, ils le saluaient gentiment, discutaient avec lui, riaient…puis reprenaient leur route, tous les deux. Ils ne savaient pas pourquoi, mais depuis cette fameuse nuit passée en haut de la colline, ils sentaient que quelque chose de profond avait changé.
Ce n’est qu’au bout de quelques temps, qu’ils s’aperçurent à quel point ce fameux changement était important. Le ventre de Luna c’était mis à s’arrondir. Discrètement d’abord, puis plus franchement ensuite. Mais sans douleur, tout en rondeur. Très vite ils durent se rendre à l’évidence. Quelque chose était entrain de se passer dans ce ventre là. Puis se furent les autres dieux qui se mirent à poser des questions. Et très vite, le bruit se répandit dans l’île qu’un changement était arrivé. Il faut dire que des changements justement, il y en avait tellement peu d’une manière générale, que dés qu’il en survenait un, la nouvelle se répandait comme une traînée de poudre.
Ce qui commença à inquiéter le couple, c’est lorsque commencèrent à venir les voir, des dieux d’autres îles. Ils avaient le sentiment d’être devenu soudain l’objet d’une attention un peu trop accrue et cela les mettait particulièrement mal à l’aise. Car après tout, ils n’avaient rien fait de mal.
Le temps passa. Les visites s’espacèrent. Hélios et Luna se mélangèrent de moins en moins aux autres. Ils voulaient être tranquilles, laisser dire et ne plus écouter ce que racontaient les mauvaises langues. Ils voulaient être seuls. D’autant que dans le ventre de Luna, de nouveaux événements se dessinaient. Comme si quelque chose bougeait en elle. Comme si une vie était en train de grandir et de faire sa place. Plus ça aller et plus elle grossissait. Moins elle pouvait bouger. L’un et l’autre se demandait combien de temps cette situation allait durer. Mais à aucun moment ils ne paniquèrent ou se sentirent inquiets. Au contraire. Une grande sérénité les envahissait un peu plus chaque jour.
Et puis une nuit, alors qu’ils dormaient tous les deux l’un contre l’autre, Luna réveilla Hélios. Quelque chose se passait en elle. Quelque chose de fort, d’intense, d’incontournable. Ils passèrent ainsi la nuit à regarder, à toucher, à tenter de comprendre. Dans son ventre cela bougeait, bougeait et bougeait encore. Tant et si bien que lorsque vint l’aube, du ventre rond de Luna, sortit une toute petite déesse. Et immédiatement ses deux parents furent émerveillés par sa beauté. Ils restèrent là à la regarder, se demandant bien comment il pouvait être interdit dans ce monde, d’engendrer de telles merveilles, tant celle qu’ils avaient sous les yeux était magnifique. Comme ils n’avaient jamais rien vue d’aussi beau et d’aussi fragile, ils la nommèrent Tierra, du nom de la plus belle île du monde des dieux.
Cependant, ils avaient beau être subjugué par sa beauté, ils savaient très bien que la rigidité de la règle qui interdisait de créer un nouvel être vivant, ne leur serait pas épargnée. Comme elle n’avait jamais été enfreinte, ils ne savaient à quoi ils étaient exposés. Préférant éviter le pire, ils se firent tout d’abord très discrets et cherchèrent même un moyen de fuir. Mais si le monde des dieux était vaste, il n’était pas infini et cette fuite finirait toujours pas avoir ses limites. Ils décidèrent plutôt de ne rien dire à personne et tentèrent de tenir cachée Tierra le plus longtemps possible. Ce fut peine perdue. Rapidement, les autres dieux s’étonnèrent de ne plus les voir du tout et cherchèrent donc à savoir. Et lorsque la vérité fut mise au grand jour, les réactions ne se firent pas attendre.

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