lundi 18 février 2008

Conte

Hélios et Luna (3)
Or parmi les dieux, il en était un qui n’était pas du tout d’accord avec cette situation. Certes Hélios et Luna avaient enfreins la règle, mais après tout, était il possible que celle-ci resta inviolée jusqu’à la fin des temps ? Ils avaient engendré un nouvel être et alors ? Dans leur monde à eux, les dieux avaient ils eu à en subir un quelconque inconvénient ? Absolument pas. Rien n’avait changé dans leur royaume. Rien n’avait changé si ce n’est que maintenant deux d’entre eux étaient profondément malheureux et que si cela continuait ainsi la petite Tierra elle-même allait en subir les conséquences. Et ça, Horiatus avait de plus en plus de mal à l’accepter.
Discrètement, de temps en temps, il allait jusqu’à la frontière, là où débutait l’immensité noir, et il les regardait tourner au loin. Il ne pouvait pas se lasser de les regarder ainsi tourner dans le vide, au milieu de cette immensité sombre. La situation dura ainsi jusqu’à ce qu’un jour, Horiatus lui-même convoqua un nouveau conseil des dieux. Un peu pris par surprise, la plupart mirent un peu de temps à arriver. Enfin, lorsque tous furent réunis, au milieu du brouhaha des questions pour savoir qui avait bien pu réunir ainsi le conseil, Horiatus prit la parole. :
« - Mes amis, si je vous ais demandé de venir ici aujourd’hui c’est parce que l’heure est grave. Deux d’entre nous, sont envahis par le malheur et ce par notre faute… »
Le brouhaha reprit de plus bel « Ah bon ?!Deux ? Mais qui ? Mais comment ?! Mais c’est impensable !! Où ?? »
« - En effet, Hélios et Luna se meurent de ne plus pouvoir se voir. »
Le brouhaha se transforma en tempête. La plus part criaient « Nous avons déjà réglé le problème ! Ils payent leur impudence ! Qu’ils restent là où ils sont ! Dehors les problèmes ! »
Certains commençaient même déjà à se lever pour partir, la plus part discutant bruyamment entre eux, riant de l’audace d’Horiatus de revenir ainsi sur une affaire traité depuis longtemps. Mais loin de se laisser impressionner, Horiatus reprit d’une voix forte :
« - Certes ils ont enfreins la loi. Mais je vous demande de réfléchir une seconde. Depuis qu’ils sont là-bas, qu’ils ont été jetés dans l’immensité noire, qu’est ce qui a changé pour vous ? Rien. Vous habitez toujours tous vos charmants petits coin de paradis, bercés par la chaleur et par le bruit de l’eau qui courre…Mais pour eux ? Pourquoi continuez à leur infliger cette sentence ? »
Se leva alors un des dieux les plus respectés. Il se nommait Fauléïcéne et possédait une carrure qui imposait d’elle même le silence. Il prit la parole et aussitôt, chacun fut extrêmement attentif :
« - Et alors ? Que veux tu que nous fassions Horiatus ? Tu sais très bien que nous ne pouvons pas les réintégrer parmi nous, c’est impossible. Le fait d’avoir engendré une nouvelle vie romprait l’équilibre de notre monde. Ils se sont mis eux même dans cette situation. Nous ne voulons pas leur malheur mais est ce pour autant que nous devons provoquer le notre à tous ? »
Le brouhaha reprit : « Oui c’est vrai ça ! Hein ! Que faire ?! Détruire notre monde pour leur bonheur hein ? »
Horiatus réclama le silence et reprit :
« - Non non évidement que je ne demande pas ça. Mais je suis sûr que si nous autorisions Hélios et Luna à se voir les choses iraient mieux pour eux… »
De nouveau la tempête de protestation se leva. « N’importe quoi ! Sûrement pas. Qui sait ce qu’ils vont encore engendrer cette fois ? Se serait une catastrophe ! »
Horiatus regardait tous ces visages et soudain, un profond désespoir l’envahit. Pas un ne semblait vouloir le soutenir. Pas un ne se souciait du malheur de deux des leurs, tous qu’ils étaient, engoncés dans leur petit confort. Il se sentit alors profondément triste ; triste par tout cet égoïsme qu’on lui jetait à la figure. Mais en revoyant Hélios Tierra et Luna flotter seuls dans le noir, une rage soudaine et incontrôlable monta en lui.
« - Vous ne pensez qu’à vous ! Se mit il à hurler. Vous ne pensez qu’à vous et puisque c’est ainsi, je me retire sur l’île de Kaïmnos et je demande à ce que personne, jamais, ne vienne me voir. » Le silence tomba comme un couperet sur l’assemblée. Comment ? Un dieu, un des leur, choisissez délibérément de vivre seul et de se retirer de leur monde si parfait. Car l’île de Kaïmnos n’était pas une sinécure loin de là. C’était le seul endroit dans le monde des dieux où régnait en permanence, des vents violents et où les courants de la mer étaient si puissants, qu’ils rendaient son approche extrêmement difficile. Et voilà qu’Horiatus choisissez d’aller y vivre, seul. Joignant le geste à la parole, ce dernier commença donc à s’éloigner sans se retourner.
Fauléïcéne se leva alors de nouveau et l’interpella :
« - Attend ! Ne pars pas comme ça. Je sais que tu es capable de partir pour cette île terrible et que tu es capable d’y rester enfermé à jamais sans faiblir. Mais je sais aussi que tu y seras malheureux. Et que ton malheur provoquera la révolte de ceux qui t’apprécient. Alors ce conseil se réunira et se déchirera une fois de plus. Reste Horiatus, s’il te plait. » Puis il se tourna vers le reste de l’assemblée et continua :
« - Car il est peut être là le déséquilibre que nous redoutions tant. Nous refusons de voir qu’il est possible qu’une autre solution de bonheur soit possible. Que perdrions nous à autoriser Hélios et Luna à se voir. Après tout, l’immensité noire n’est qu’une bordure de notre monde. Et en y réfléchissant bien, j’ai peut être une idée qui pourrait nous convenir à tous. »
Le conseil débattit longtemps une fois que Fauléïcenne eut exposé son idée. Il y eut des pours, il y eut des contres mais étrangement, le climat c’était apaisé. La proposition qu’il avait faite était certes radicale, mais revêtait l’énorme avantage d’offrir à tous, la possibilité de continuer à évoluer et à vivre selon ses propres désirs.
Une fois que la proposition fut adoptée, se fut Horiatus qui fut chargé de partir afin de porter la nouvelle à Hélios Luna et la petite Tierra.
Lorsqu’il arriva auprès d’eux, Hélios avait les traits creusés et brillait d’une pâle lumière blafarde. Luna elle, était presque devenue transparente. Quand à Tierra, la petite Tierra qui était à l’origine de toute cette histoire, elle était recouverte quasiment en permanence d’une étrange halo de brume blanchâtre. Et au lieu du petit être vivant et dynamique qu’avait connu Horiatus, c’était une petite sphère cotonneuse qui se trouvait maintenant entre ses deux parents.
Il les prit chacun son tour dans ses bras et leur dit d’une voix chaleureuse que les chose allaient enfin changer pour eux. Le conseil allait rompre le charme qui les empêcher de se voir. Certes ils ne pourraient pas se toucher mais désormais, toutes les nuits, Hélios aurait la possibilité de venir voir sa fille et sa femme et se de la façon dont il le désirait. Et idem pour Luna. Elle pourrait de temps à autre, venir voir Hélios et la petite Luna en plein jour. De même, promesse leur était faite que plus personne n’interviendrait dans leur destiné.
Puis il les serra une dernière fois dans ses bras et retourna d’où il venait. Eux continuaient de flotter, le coeur gonflé de ces nouvelles. C’était le moment où Luna devait prendre le relais de la garde de la petite. Son coeur battait à tout rompre car elle allait enfin revoir Hélios. Elle se fit belle et même pour la première fois depuis qu’ils avaient été banni dans l’immensité noire, elle se gonfla en entier. Elle ferma les yeux un instant. Tierra semblait revivre à son contact. La brume se déchirait. Elle reprenait de ses couleurs. Et puis…mais oui, elle ne rêvait pas, on aurait dit qu’elle scintillait même parfois. Elle la regarda plus en détail. Par intermittence, de petits flash incandescents apparaissaient tout autour d’elle. Elle regarda alors tout autour d’elle et n’en crut pas ses yeux. L’immensité noire, cette immensité si angoissante qui l’entourait jusqu’à maintenant, semblait soudain percée de minuscules points brillants. C’était, comme si des milliards et des milliards de petits morceaux d’Hélios éclairait soudain leur nuit d’habitude si froide :
« - Hélios ? Demanda-t-elle d’une voix timide. C’est bien toi. » Une voix lointaine lui répondit.
« - Oui Luna, c’est moi. Et il en sera ainsi chaque fois que se sera ton tour de garder un oeil sur Tierra. Chaque petit point lumineux est une partie de moi et je me reconstituerais chaque matin pour pouvoir veiller sur elle tout le jour durant. Nous ne seront plus jamais séparé mon amour.
« - Et les scintillements que j’ai vu tout autour d’elle tout à l’heure ? Est-ce que j’ai rêvé ou bien était-ce toi aussi ?
« - C’était moi qui lui ait envoyé quelques étoiles filantes pour la distraire un peu. »
Désormais, nuits et jours s’enchaînèrent autour de Tierra avec une énergie nouvelle sans jamais discontinuer. Dans le ciel, Hélios et Luna veillaient sur leur fille avec une bienveillance qui ne faiblissait jamais. Se frôlant sans jamais se toucher, entourés par l’espace infini, il arrivait pourtant quelque fois, alors que la petite dormait du plus profond de son sommeil, que Luna s’échappa, ne laissant plus que les étoiles veiller sur elle. Et personne encore à ce jour, ne sait dire où se rend la lune, l’or de ces nuits d’absence.

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