samedi 15 septembre 2007

Conte : Hector


Je suis un héros…



Et aujourd’hui c’est décidé, je vais prouver mon courage et ma place de futur super héros dans ce monde. Et oui ! Et c’est pas parce qu’on ne me connaît pas encore, que je n’en suis pas un. Bon, le seul problème, c’est que je n’ai pas encore trouvé d’ennemi. Evidemment je ne cherche pas un ennemi à ma hauteur, je cherche tout simplement un ennemi. N’importe lequel du moment que je l’aime pas. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut absolument que j’en trouve un si quelqu’un doit un jour raconter mes aventures. Ben oui ! Parce qu’un héros a forcement un rival qu’il traque sans merci. J’ai déjà des tas de plans pour combattre le premier qui osera m’affronter. Mais j’ai beau chercher…rien. Pas le moindre petit monstre, ni même le moindre brigand. Alors j’attends. Je suis là, aux aguets, prêt à bondir sur la moindre occasion…mais rien.
Alors en attendant que la vie veuille bien guider mes pas vers ce qu’elle a de plus méprisable, je m’entraîne. J’apprends à bouger à la vitesse supersonique, je vais voir des vieux moines tibétains qui m'enseignent le contrôle des énergies et le déplacement des objets dans les airs. Je soulève des troncs d’arbres ou je combat des lions. Enfin bref, tout ce que doit savoir faire vrai un héros quoi. Oh ! mais je vous vois venir. Vous allez me dire :
« Comment peux tu être sûr que tu es un héros si tu n’as jamais combattu personne ? Si tu n’as pas sauvé la moindre ville, ni même le moindre petit être humain ? On ne demande pas à tous les héros de sauver le monde mais quand même, il y a un minimum que tout bon héros se doit de respecter non ?! ».
Bon, c’est vrai que jusque là, je n’ai pas beaucoup fait mes preuves. Mais attention ; avant d’être un super héros, Batman aussi par exemple, était quelqu’un de normal. Il faut dire que lui ses parents se sont fait tuer par des méchants vraiment horribles et injustes quand il était tout petit ; alors forcément ça l’a aidé pour la suite. Ben oui !S’il avait été élevé par son papa et sa maman dans son manoir de milliardaire sans que rien ne lui arrive jamais, avec son chien et tous ses jouets, vous croyez vraiment qu’il aurait eu l’idée tout seul, d’aller nettoyer Gottam City de tous les terribles malfaiteurs qui hantent la ville? Non évidemment. Batman aussi avant n’était rien qu’un bébé bavant et gazouillant dans son lit. Lui aussi a dû se faire gronder par son papa et sa maman quand il faisait des bêtises.
Et quand il est devenu un héros, vous croyez que ça aurait eu de l’importance si personne n’avait raconté son histoire ? Un héros inconnu, ça n’existe pas. Le vrai héros doit forcément avoir un admirateur caché qui, sans rien dire, est là, juste pour raconter ses faits et gestes, ses exploits.
Un héros qui dort, qui mange, qui obéit à ses parents et qui a des bonnes notes à l’école ça n’est qu’une couverture. Un vrai brave n’a pas peur du noir, du vide ou des araignées. Pour lui, tout ça fait parti de son quotidien.
Au lieu de ça moi, j’habite dans une chambre bien rangée, avec des jouets, un papa, une maman, un grand frère un peu bête, et un chat paresseux. Vous connaissez beaucoup de héros qui ont tout ça ?
Non. Ils sont tous grands, forts, un peu mystérieux et toujours très courageux. C’est peut être pour ça que je ne suis pas encore reconnu comme un vrai héros. A neuf ans, c’est difficile d’être grand et fort. Mais je me tiens prêt pour le jour où la grande aventure se présentera. Et je sais que cela ne devrait plus tarder. Pourquoi ?
Déjà parce que je m’appelle Hector. Comment ça, ça ne vous dit rien ? Hector !! comme le guerrier grec. C’est vrai que je ne l’ai pas trouvé tout seul. C’est mon papa l’autre jour, qui m’a dit qui c’était. Il m’a raconté son histoire et c’est d’ailleurs à partir de là que je me suis dit que moi aussi un jour, je serai comme lui. C’est que ça n’est pas rien de porter le prénom d’un authentique héros. Surtout que celui-là a vraiment fait des choses incroyables. Il était chef et toute son armée l’aimait et le respectait. C’était le fils du roi Priam et il a défendu la ville de Troie où était enfermée la belle Hélène. Et puis comme tout bon héros qui se respecte, il y a quelqu’un dont je ne me rappelle plus le nom, qui a raconté toute son histoire dans un livre énorme ; et c’est comme ça que mon papa a pu me dire qui c’était. Moi aussi un jour, quand je serai devenu un vrai héros, quelqu’un racontera mon histoire dans un livre énorme.
Comme tous les héros, j’ai aussi une arme magique. C’est une épée de feu, qui tranche tout ce qu’elle touche et qui lance des flammes. Je l’ai fabriqué moi même avec une branche que j’ai coupé avec la scie de papa que normalement j’ai pas le droit de toucher. Evidemment je lui ai pas trop dit que je l’avais utilisée, sinon je me serais fait gronder, mais je ne pouvais plus rester comme ça. C’est d’ailleurs en allant chercher la scie, que j’ai trouvé l’idée qui allait faire de moi un héros digne de ce nom. Papa il range toutes ses affaires dans le garage et dans ce garage, se trouve la porte d’entrée de la cave. Là, on m’a jamais dit que j’avais pas le droit d’y aller et je suis sûre qu’au fond de ce trou, se cache des choses pas très claires. L’ennemi complote dans l’ombre c’est bien connu. Alors je me suis dit qu’en descendant voir là en bas, je risquais sûrement de trouver de quoi faire mon affaire. J’ai déjà bien étudié comment j’allai m’y prendre. D’abord j’ouvre la porte en grand pour avoir de la lumière le plus longtemps possible. Après je descends les marches qui s’enfoncent dans le noir jusqu’à l’interrupteur. Il doit sûrement y’en avoir beaucoup de marches parce qu’à chaque fois que papa y descend, il remonte en maugréant qu’il faut vraiment qu’il installe un interrupteur en haut de « ces fichus escaliers sinon quelqu’un un jour va vraiment se faire mal ».
Moi à la cave j’y suis pas descendu très souvent. Pas parce que j’ai peur mais parce que y’a rien à voir. La seule fois où j’y suis allé, c’était cet été avec papa pour chercher des vielles boules de pétanques toutes rouillées. C’était pas très rassurant. Y’avait plein de vieilles toiles d’araignées qui pendouillaient de partout et puis ça sentait le moisi. En plus, la lumière de la cave, elle est toute jaune et elle éclaire pas très pas bien, alors dans les coins il fait tout sombre. Par terre le sol il est tout cabossé, les murs ils sont tout gris et tout est recouvert de poussière.
Benjamin, c’est mon grand frère, il me dit qu’il y a des araignées tellement grosses qu’elles pourraient m’attraper pour me manger. Peuh !! moi je sais très bien que c’est pour me faire peur qu’il me dit ça. Les araignées cannibales ça n’existent que dans les films ou dans les livres ; pas dans les caves… enfin pas dans celle de ma maison en tous les cas.
De toute manière mon frère je le crois plus depuis le jour où il a voulu me faire croire que dans la cabane qui était au fond du jardin de chez papy et mamy, il y avait un vampire. Au début je me suis un peu méfié mais un après midi, je me suis décidé à aller vérifier par moi même. J’allais pas me laisser impressionner par un vampire quand même. Le soir avant de me coucher j’avais demandé à mamy si les vampires c’était vraiment dangereux. Elle m’avait répondu que je n’avais rien à craindre d’eux, parce que j’étais un petit garçon très fort et très courageux et que les vampires étaient tous des lâches et des faibles. Je croyais alors mon premier exploit de héros tout proche. Je commençais même à imaginer ce qu’allait pouvoir raconter mon futur admirateur caché à propos de cette aventure à venir.
Je passais toute la matinée suivante à me fabriquer un arc robuste, avec une bonne branche bien souple. Ensuite, je me taillais des flèches spéciales que j’allais tremper dans l’eau bénite de la rivière. Le vampire n’avait qu’à bien se tenir. J’eu très vite l’occasion de tester l’efficacité de tout mon attirail, car au moment de partir pour ma quête, une troupe de vils brigands m’assaillit. Mais j’étais beaucoup trop fort pour eux et j’eu tôt fait de m’en débarrasser. Quelques instants plus tard, le repère du vampire était en vu. Je m’en approchais discrètement, me faufilant entre les herbes hautes, comme un sioux s’apprêtant à prendre d’assaut le fort des visages pâles. J’écoutais attentivement tous les bruits aux alentours, guettant le moindre signe suspect, collant mon oreille au sol, mes yeux perçants tentant de deviner quelque chose à travers les carreaux sales de la petite cabane isolée. Mon cœur battait de plus en plus vite et j’avais de plus en plus chaud. J’armais mon arc avec ma plus belle flèche et tout doucement je continuais de m’approcher …plus que quelques mètres… quand soudain, juste derrière l’inquiétante maisonnette, je trouvais mon frère entrain de discuter tout fort avec une fille assise en face de lui, qui arrêtait pas de rigoler bêtement en le regardant faire le pitre. Lui, il était tout rouge à force de faire l’imbécile et il parlait avec sa voix grave de quand il veut faire le grand.
Je compris qu’il s’était fichu de moi avec son histoire de vampire et qu’il avait inventé tout ça, pour pas que je vienne l’embêter. Mais c’était sans compter sur mon courage. Je repartis donc avec mon arc et sans mon exploit, un peu déçu de ne pas avoir pu montrer à ce vampire de pacotille à qui il avait à faire, mais fier quand même d’avoir été jusqu’au bout.
Mais aujourd’hui c’est sûre, je vais vraiment réaliser quelque chose digne de mon courage. De toute manière je n’ai pas le choix. Si je continue d’attendre dans ma chambre, il ne se passera jamais rien. Les méchants que combattent les supers héros, fréquentent tout le temps des endroits sombres et un peu sous terre. Ils sortent la nuit pour accomplir leurs méfaits ; mais moi la nuit je dors et j’ai pas encore le droit de sortir tout seul dans la rue. Alors que dans la cave, là, j’ai le droit d’y aller. Maintenant je ne sais pas trop ce que je vais y trouver ? Bon les araignées je sais que c’est faux ; même maman elle m’a dit que c’était faux.
Le tout pour éviter les problèmes, c’est de partir bien équipé. D’abord j’emmène mon épée. Je vais aussi prendre mon grand chapeau de mousquetaire qui me tombe un peu sur les yeux, mon pistolet de cow-boy et mon bouclier anti-feu de dragon. Evidemment il n’y pas de dragons dans ma cave mais on ne sait jamais. Dans le noir les ennemis ont une fâcheuse tendance à être plus là que quand il y a de la lumière. C’est normal, c’est leur élément. C’est peut-être pour ça que je ne les vois jamais d’ailleurs? Enfin bon on verra bien. Juste avant de partir, je décide de prendre aussi ma cape de Zorro, histoire de mettre toutes les chances de mon coté. Je traverse la maison avec tout mon attirail, fier comme tout de ce qui allait enfin m’arriver. Au passage, je rassurais tous mes fidèles compagnons, refusant l’aide qu’ils me proposaient, leur expliquant qu’aujourd’hui « c’est seul que je dois affronter mon destin ». Puis d’un pas décidé, je rentre dans le garage. ça sent l’essence et il fait un peu froid à l’intérieur.
Doucement, l’oreille aux aguets, je m’approche de la porte. J’ai un peu la main qui tremble en attrapant la poignée. Je l’ouvre. Le noir est là, comme une grande bouche de monstre prête à me dévorer. D’une main je tiens fermement mon épée et de l’autre je cherche le mur sur lequel est censé se trouver ce fichu interrupteur. Un pas après l’autre, je descends les marches. Il n’y a pas un bruit et plus ça va, plus ça sent le moisi. Et puis aussi plus ça va, moins j’y vois. Comment on peut être sûr qu’il y a rien si on y voit rien ? Peut être qu’à chaque fois qu’on allume la lumière ils se cachent en attendant le retour du noir ? Peut être que là en fait, ils sont en train de me regarder avec leurs gros yeux jaunes, leurs grandes dents sales, leurs corps poilus et leurs grandes mains griffues ? Peut être qu’il y en a un qui est caché derrière la porte et qui attend que je descende plus bas pour la fermer et qu’ensuite ils vont tous se jeter sur moi et m’attaquer ? Et moi comment je ferai pour me défendre si j’y vois rien ?
Et puis en plus, plus ça va, plus j’ai une grosse boule dans la gorge qui m’empêche de respirer ; comme si j’avais avalé une grosse bille et que j’étais entrain de m’étouffer. J’ai mes yeux et mon nez qui me piquent et je sens bien que si ça continue je vais pas tarder à me mettre à pleurer quand soudain, mes doigts touchent enfin l’interrupteur. En un éclair j’allume la lumière, je saisis mon pistolet coincé dans ma ceinture et commence à vider mon chargeur dans tous les sens ; avec mon épée je fais des grands gestes, histoire de me débarrasser d’un maximum de monstres en même temps.
« A l’attaque, à l’abordage !!! » Un ennemi sournois me rabat mon chapeau sur les yeux et je n’y vois plus rien du tout. En continuant à faire des grands moulinets avec mon épée, j’essaie de relever mon couvre chef mais mon bouclier me gêne et je me cogne le nez avec. Je tente de me retourner pour faire face mais une fois encore l’ennemi m’assaille par derrière et me déséquilibre d’un croche pied mesquin qui m’envoie rouler par terre. Je me retrouve un peu emmêlé dans ma cape, mais je tiens bon et pour me donner du courage, je crie tant que je peux :
« A l’attaque ! A moi la garde ! Feu ! En avant ! En avant !» Un monstre répugnant surgit soudain d’un coin sombre et tente de m’attraper, mais mon épée le tient facilement en respect. Je n’arrête pas de courir partout et de crier. Je suis insaisissable et tous les coups que je lui porte lui sont fatals. Il recule et essaye de se réfugier derrière le vielle bâche bleue : « Ah ! voilà donc ton repaire misérable ». Je commence à taper dessus comme un fou pour le faire sortir quand soudain, j’entends la voix de maman en haut des escaliers :
« Hector, ça va mon chéri ? Qu’est ce que tu fabriques dans la cave à faire tout ce bruit? »
Je suis tout essoufflé et couvert de poussière. Je regarde autour de moi. Victoire, mon terrible agresseur a reculé face à la puissance de mes assauts. Mais maintenant que j’ai mis la main sur son refuge, les choses ne vont pas aller en s’améliorant pour lui. Je remonte les escaliers en courant, pour aller rejoindre maman. Cette fois c’est sûr, Hector le flamboyant, vient d’écrire la première page de son roman.

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