mardi 4 septembre 2007

Absurderie

L'extraordinnaire histoire de l'éléphant-phare
Connaissez vous l’histoire, de l’extraordinaire éléphant-phare ?
Je l’ai croisé un soir. Il était arrivé la veille, dans le sillage d’un cirque atypique : Le cirque Onflex ; ce cirque particulier que tout le monde connaît et qui met toujours un accent, à être différent. C’est pour ça qu’on pouvait voir dans les cages de sa ménagerie, des boa qui aboient, des girafes en cristal et des étranges chiens chilas. Il y avait aussi, parmi tous ces êtres insolites, les frères Dessans qu’on ne pouvait jamais séparer sans qu’ils ne deviennent fous et les sœurs Ciéres, un peu bizarres avec leurs nez crochus et leur menton en galoche. Bozo le premier clone humain était là lui aussi. Mais la star des stars, celui que tout le monde venait voir c’était bien sûr l’incroyable éléphant-phare. Dans l’après midi déjà, on avait pu l’apercevoir, marchant dans la ville.
Il dominait la foule de sa masse imposante. Chacun de ses pas faisait trembler le sol, déclenchant la rythmique d’une musique sourde et envoûtante. Ses grandes oreilles balayaient les airs déclenchant autour de lui des tempêtes de confettis qu’un homme, tout petit, perché en haut de son crâne immense, lançait par sacs entiers.
« - Venez, venez brave gens, hurlait il à pleine voix, venez voir venez entendre ce soir sous notre grand chapiteau bordé de noir, l’incroyable, l’inénarrable, la terrible musique, de l’éléphant-phare. Venez entendre et venez voir, celui qui repousse la nuit, qui la broie et la détruit comme si elle n’avait jamais existé. Venez ce soir tous, chers amis, admirer l’incroyable, éléphant-phare.»
Car si de jour le mastodonte était imposant, il ne restait qu’une masse grise et compacte. Certes on sentait bien chez lui, une pointe de malice, glisser dans ses yeux lisse, mais rien à voir avec ce qu’il était vraiment. Car c’était la nuit, que l’on appréciait le mieux, la démesure de son talent. Lorsque l’astre solaire abandonnait la terre, lorsque la nuit et son cortége de d’ombre envahissait l’espace, alors seulement, se révélait la véritable nature de l’éléphant.
On disait, qu’il connaissait mille sarabandes endiablées qui lui auraient été apprises par Belzébuth lui-même ; on disait qu’il brillait dans la nuit, tel une étoile, un éclair et qu’à ses côtés, le temps filait comme le vent. On disait qu’il était souple comme un serpent et léger comme une plume ; qu’il pouvait être gracieux comme un flamand et courtois comme une enclume. On disait…tant de choses sur l’éléphant-phare. Tant de chose.
Arriva le soir et la représentation. Le spectacle passa entre les pitreries de Bozo et les forfanteries des boas. Tout le monde applaudit poliment, un monsieur bailla. Puis vint le moment où monsieur Loyal, un brin cérémonial, annonça de sa voix nasale :
« - Mesdames mesdemoiselles messieurs, voici enfin venu le moment que vous attendez tous, le moment d’appeler parmi nous…l’éléphant-phaaaaaare !!!!! »
Dans le fond de la scène, les lourds rideaux rouges s’entrouvrirent. Il apparut, calme. Il semblait même un peu pataud sous ce grand chapiteau. La foule explosa en un hurlement de joie. Tout le monde était là pour lui. Tout le monde voulait voir et entendre, celui qui repoussait la nuit. L’éléphant calmement, vint se positionner au centre de la piste. Il s’assit, toujours tranquille et posé et d’un tressaillement calculé, fit tomber l’immense couverture qui le recouvrait jusque là. Dans le même temps, les lumières baissèrent alors que lui se mit à briller. Mais c’était au début, une lumière sourde et douce. Un peu surpris, le public attendit. C’est alors que devant ses yeux ébahis, il vit l’animal se mettre sur ses deux pattes arrière comme pour mieux se tenir debout. Puis tout doucement, il tendit sa trompe et se mit, dans un rythme lent et sensuel d’une étrange légèreté pour un animal si puissant…il se mit donc à balancer son bassin, de la droite vers la gauche.
De sa trompe, une musique extatique se mit à couler et ainsi emmener par ses rythmes langoureux, l’éléphant-pahre se mit à danser.
Oui mesdames et messieurs, j’ai bien dit à danser. Petit à petit il accéléra le tempo, augmenta la brillance de sa peau, joignant musique et lumière dans une chorégraphie des plus singulière. Le son enfla, la musique grandit et même déborda comme une rivière en furie, emportant la retenue et laissant loin derrière toutes les bonnes manières. Tout à son mouvement l’éléphant lui, dansait et jouait comme si de rien n’était, emportant dans le flot de sa folie furieuse une foule de plus en plus joyeuse, éclaboussant ces âmes curieuses de giclées de notes goyeuses. Certains ne savaient pas quoi faire. Devaient ils suivre cette bacchanale sulfureuse ? Tout ceci était il bien au programme ? Mais la plus part, emporté par la magie des notes et des lumières, ondulèrent et à se trémoussèrent aux rythmes endiablés que diffusait tout autour de lui l’éléphant-phare. Et cela dura dura et dura. Le temps fondit en un lingot flamboyant dans chacune de la mémoire des gens.
Et puis vint le jour. Petit à petit, les spectateurs, certains un peu étourdi, reprirent leurs affaires, leurs esprits et vers de nouvelles aventures, s’en allèrent. L’éléphant-phare lui, vaincu par le soleil, s’éteignit, presque sans bruit. Il semblait soudain moins gros, moins plein, moins agile et moins habile. Et pourtant c’était bien lui, l’animal qui repousse la nuit. L’incroyable, éléphant-phare, qu’un soir moi, j’ai pu voir.

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