jeudi 17 janvier 2008

Moment

La pluie

Nous nous mîmes à courir. Le chuintement bruyant du rideau de pluie avançait vers nous comme si il frottait sur le sol. Le temps d’atteindre le porche pour nous protéger, nous fûmes rattrapé par le mur liquide. Les gouttes frappaient avec une vigueur féroce tout ce qui n’était pas abrité. On aurait dit qu’elles cherchaient dans un même élan hardi à gifler l’imprudent et à réveiller la terre. Et en ce début de mois d’avril, le ciel avait apparemment décidé de mettre les moyens dans ce réveil ; violement les moyens.
Ce grain de printemps naissant n’était pas une insinuation froide, sournoise ou un peu collante comme celle qui tombe habituellement mollement d’un ciel gris de milieu d’hiver. Il ne drainait pas sous son ventre mou et informe une humidité poisseuse. Il ne traînait pas dans son sillage morne ces gouttelettes qui trop paresseuses pour devenir des flocons légers, se détachent du ciel en se contentant de couler avec obstination pour vous geler jusqu’au cœur. Non. Aujourd’hui c’était une pluie brutale et violente. Une pluie franche d’orage qui se déverse et qui déleste comme un ballast le trop plein lourd d’un nuage noir. Une pluie qui vivifie la nature mais qui empêche tout mouvement à l’homme, le réduisant au simple rang de spectateur passif d’un combat de titan.
Le bruit que faisaient les gouttes au cours de leur avancée inexorable, me fit penser à celui d’une armée en campagne. Ces millions et ces millions de petits soldats invisibles piétinaient avec une énergie sans pareil la surface du sol créant un rythme sourd et endiablé, uniforme. Une fois abrités sous le proche, nous nous aperçûmes que le vacarme était parfois tranché par une autre rythmique à peine plus entêtante. Une flaque c’était formée à nos pieds légèrement sur notre gauche réunissant rapidement tout un puissant contingent, alimenté régulièrement par un flot courant. Or cette surface souple et sonore accueillait à intervalle régulier, de grosses gouttes qui s’étaient écrasées sur le mur avant d’atteindre le sol et qui se regroupant sur le rebord de la corniche, sautaient par la suite une dernière fois dans le vide. Elles tombaient alors lourdes et grasses, rejoignant dans un bruit limpide cette flaque fluide. Ce fut au son de cette musique claudicante que nous patientâmes.
Nous restâmes ainsi un petit quart d’heure mains dans la main, sourire aux lèvres, attendant que de nouveau que le temps veuille bien nous laisser reprendre notre marche. Juste en face un monsieur très sérieux s’impatientait, passant sans cesse de sa montre à son portable et ne vit rien d’autre que le fait d’être coincé.

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