vendredi 25 janvier 2008

Moment

Le Flot

« Il y a le flot. Fluide et fluctuant, global et total qui porte et qui emporte nos vies comme un courant éclectique. Ce flot fait de jours et de d’habitudes, de petites faiblesses et de grands projets, de rêves bâtis sans trêves qui animent la verve de nos pensées intimes. Il y a le flot donc que l’on suit ou que l’on subit mais sur lequel on flotte en tous les cas. Le flot de rendez-vous et d’obligations, d’imprévus et de d’envies soudaines. Le flot des appels et des découvertes, des attentes et des questions, des réponses et de leur négation.
Le flot sur lequel on surfe, fragile et sous lequel on croule, fébrile ; dans lequel on croit, crédule mais auquel on s’accroche sans aucun recule. Parce qu’il incarne la vie. Ce mouvement perpétuel et incessant, cette masse de laquelle on ne peut fuir et contre laquelle on ne peut lutter, ne s’essouffle qu’à notre mort, reprenant son souffle immédiatement dans une autre naissance.»
Il pensait à tout ça, alors qu’il attendait, assis sur le bord du bitume qui déroulait son sillon noir face à lui. Il pensait à tout ça en voyant les centaines et les centaines de voitures qui lui passaient juste devant. Toutes ces vies humaines transportées, qui se suivaient sans se connaître, empruntant la même route la même route mais pas dans le même confort, se frôlant de quelques mètres sans jamais se croiser ni s’adresser la parole. Tous ces visages qui passaient sans le voir, constituaient un flot continuellement en déplacement. Cet homme au complet gris, cette famille aux enfants qui pleurent ou bien ce couple aux regards rieurs…Tous étaient pris dans ce flot incessant, insécable. Et lui était là, assis sur le bord, le pouce levé, à attendre que quelqu’un veuille bien le prendre au creux de sa bulle ; A attendre de croiser un morceau de vie d’un autre être humain comme lui, comme eux tous.
Il en avait toujours été ainsi. Il n’avait jamais était complètement dans le flot de la vie comme on l’entend au sens commun. Des ratés familiaux, une jeunesse en balade entre deux parents qui se détestent, une adolescence à se dire et à se croire un autre, avait fini par donner cet adulte d’aujourd’hui, assis sur le bord de la route. Il c’était longtemps cru différent et avait tout fait pour l’être. Mais il réalisait aujourd’hui que malgré tout ses efforts, le flot était le même pour tous. Mais si l’on ne pouvait le fuir, on pouvait au moins s’en distancier et le regarder de loin. Non pas par mépris, ni par peur. Juste par différence. Par envie de voir ce qu’être sur le côté apporte.
Il en était ainsi pour lui, une fois de plus. Le flot continua et continua encore, emportant son flot d’illusions. Bientôt, très bientôt, il allait le rejoindre.

Aucun commentaire: