mardi 2 décembre 2008

Moment

Lèvres

Pour une fois, elle avait mis un peu d’amour dans ses lèvres les rendants pulpeuses et douces au moment de me dire au revoir. De cette souplesse glissante qui incite à s’enfoncer dans cet interstice si délicieusement tiède. C’était de plus en plus rare. Ou du moins c’était suffisamment rare pour que je le remarque ce matin-là. À tel point que m’y suis attardé goulûment, goûtant avec délice à cette voluptueuse seconde de surprise.

L’un comme l’autre nous ne mettions plus depuis longtemps que de l’habitude dans chacun de nos gestes matinaux, y compris dans le baiser d’au revoir. Il en devenait automatique et froid. Ce n’était pas pour autant une mise à distance haineuse ou lâche qui se dessinait dans cette gestuelle machinale. C’était juste qu’à force de marcher l’un à côté de l’autre, nous avions creusé des sillons parallèles. Toujours très proches c’est vrai, nourri par une nuée de petites ramifications transversales, mais le cheminement de nos corps faisait que malgré tout, nous nous touchions de moins en moins.

Je me levais le premier ; toujours. Je préparais le petit-déjeuner. Le carillonnement des bols réveillait la famille. Elle levait les enfants. Nous déjeunions ensemble en écoutant la radio. Nous nous préparions puis nous partions chacun de notre côté, contents sûrement à la simple idée de nous revoir le soir venu.

Mais un simple affleurement comme celui de ce matin-là avait suffi à raviver une flamme assoupie.

Assis comme tous les jours dans ce train qui me menait au travail, je passais une langue avide et discrète sur mes lèvres pour tenter d’y capter le reste de la trace de son rouge à lèvre. J’esquissais un sourire. Dehors, il pleuvait. La journée s’annonçait excellente.

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