jeudi 15 janvier 2009

Moment

Incendie

Son téléphone a sonné. Il a d’abord regardé d’un œil agacé à qui il allait devoir faire puis en se passant la main sur le visage comme s’il émargeait de l’eau, il a décroché. Je ne crois pas qu’il ait dit « Bonjour. » ou même « Allo ». Je crois me souvenir qu’il a juste balancé un « oui » un peu sec et distant. Puis les échanges ont commencé. Calmes. Tendus. Il parlait doucement, les yeux plantés fixement dans le sol, le front plissé. Ce qui trahissait le plus sa nervosité était son genou qui battait sans cesse un rythme infernal. Je remarquais aussi très vite qu’il se mangeait l’intérieur de la lèvre avec application. Sans entendre la teneur de ses propos je distinguais néanmoins le timbre de sa voix. Sourd, susurrant des morceaux de phrases acides. Des phrases nettes qui inspiraient peu la réplique. La conversation dura ainsi de longues minutes, charriant son lot de mauvaise fois ouvertement assumée et de mensonges consciencieusement cachés. Chacun campait visiblement sur ses positions alimentant par ses silences et ses attaques de plus en plus radicales, le foyer d’une incompréhension dévastatrice. Puis il y eut un mot de trop. Le mot de trop. Celui qu’on jette à la figure de l’adversaire en sachant très bien qu’il ne renferme rien de vrai mais que son effet n’en sera que décuplé ; celui qui fait monter les flammes de la colère à l’assaut du fort de la raison afin de balayer ce dernier obstacle et laisser le champ libre à la haine aveugle et beuglante.

Dans la seconde qui suivit, ses gestes se mirent à grandir, se firent plus secs aussi. Comme s’il tentait encore de retenir ses coups. Mais le ton qui jusque-là était resté bas et confidentiel, enfla de façon démentiel, crépitant de menaces. Le feu gagnait le corps. Ce qui jusque-là était resté sous contrôle, mis sous le boisseau de la réflexion et de la bonne tenue était entrain de céder, envahi par un avide sentiment de vengeance, dévoré par l’envie d’en découdre. Ce qui n’était au début qu’une conversation fatigante, une guerre d’usure, était maintenant un conflit ouvert aux quatre vents, envenimé par la broussaille d’un passé dont chacun tentait de tirer profit.

Emporter par sa verve il se leva et commença à faire les cents pas. Les petites attaques millimétrées, distillées avec fiel quelques minutes plutôt laissaient place désormais à de gigantesques gesticulations foisonnantes. Rien ne semblait plus pouvoir contrôler le brasier, d’autant que le camp d’en face paraissait prendre un malin plaisir à souffler ardemment sur les braises. 

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