mardi 23 octobre 2007

Nouvelle: La jonction des parallèles (1).

La jonction des parallèles.


« - Oui…je suis à l’aéroport là. Je me prépare à prendre l’avion pour Antananarivo… je sais mais j’ai pas pu te prévenir plutôt. Notre correspondant sur place a été blessé par l’ouragan et on a été obligés de le rapatrier ; Comme ils cherchaient quelqu’un à la rédaction je me suis proposé… Parce que tu crois que ça m’amuse d’aller là-bas… Non ça devrait aller assez vite. J’arrive, je fais mon reportage, deux ou trois interviews et je rentre… Je sais pas moi, quatre ou cinq jours tout au plus -enfin j’espère, pensa Frédéric pour lui même, parce que déjà que Madagascar c’est pas la joie alors après un ouragan j’ose même pas imaginer.- Pourquoi je me suis proposé ? Ecoute Julie on a déjà eu cette conversation dix mille fois.… Oui je sais, c’est d’ailleurs pour ça que je t’appelle. Il faudrait que tu amènes Léa chez mes parents cette semaine, j’ai tout arrangé avec eux, ils sont au courant… Mais non j’abandonne pas ma fille pour mon travail mais il se trouve que là j’ai un impératif… »
Frédéric sentait que la conversation avec son ex-femme était en train de tourner, comme d’habitude, à l’altercation. Arpentant nerveusement un coin anonyme de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, il tentait tant bien que mal de garder son calme. Evidemment que ses parents ne le remplaceraient pas, il n’en avait jamais été question d’ailleurs. Mais que pouvait il faire de plus pour l’instant ? Et puis ce n’était que pour une absence de cinq jours, une semaine maximum. Léa ne serait quand même pas traumatisée de passer une semaine chez ses grands-parents qui l’adoraient en plus.
« - Bon il faut que j’embarque là… Oui… Je t’appelle quand je rentre. Salut. » Le claquement sec de son portable mit fin à la conversation. Il le fourra au plus profond de sa poche et, tout en prenant une grande inspiration, regarda sans bouger les avions décoller sous la pluie. Il resta planté là un long moment, les mâchoires et les poings serrés. Pourquoi fallait il toujours que son ex femme remette en cause sa façon de faire ? Il ne lui avait jamais rien imposé lui. Alors pourquoi se sentait elle obligée en permanence de venir commenter toutes les décisions qu’il prenait ?
Il aimait son métier, peut être un peu plus que la moyenne certes, mais était ce pour autant que l’on devait comme ça, en permanence, le sermonner sur ce qu’il ne faisait pas ou bien sur ce qu’il faisait mal. Il tentait de faire de son mieux et comme il réussissait à faire mieux au niveau professionnel qu’au niveau familial, il s’y consacrait un peu plus. Cela ne voulait absolument pas dire qu’il en oubliait sa fille loin de là. Mais lorsqu’il y avait des impératifs, il se devait d’être là, c’est tout.
Et puis, il fallait bien qu’il se l’avoue aussi, il adorait le côté imprévu des missions qui lui étaient imparties. Dés qu’on lui demandait si il pouvait se rendre quelque part, il ne disait que rarement non. Il se repassa rapidement le film de ses souvenirs depuis qu’il était arrivé à la rédaction. Il avait déjà couvert deux fois le Kosovo, plusieurs rebellions en Afrique de l’ouest, la mousson en Asie du sud-est l’année dernière et ce systématiquement au pied levé. Dés qu’il y avait un événement quelque part et que le correspondant sur place pour une raison ou pour une autre ne pouvait s’y rendre, c’est lui qu’on envoyait directement de Paris. Il avait souvent à peine le temps de s’imprégner avant de partir de ce qui allait l’attendre sur place. Il avalait rapidement le dossier concocté par une des secrétaires de la rédaction, et s’en remettait la plus part du temps au contact qu’ils avaient sur place. Si il n’en avait pas, la tâche n’en était que plus difficile mais non moins excitante. Parfois, il était tellement pris dans sa dynamique de spontanéité qu’il ne prenait conscience de ce qu’il avait vu ou des risques qu’il avait pu prendre qu’une fois qu’il était de retour à Paris. Sur place, il était là pour faire son travail ; rendre compte d’une situation le plus clairement possible et surtout de la façon la plus neutre. Il était le miroir renvoyant l’image, fidèle, précis. Pour le reste, que pouvait il faire de plus de doute façon ? A chacun son travail. Lui n’était ni une ONG ni un représentant de quoi que ce soit. Il était les yeux et les oreilles objectifs d’un média charger de communiquer au reste de ses concitoyens un fait, la plus part du temps dramatique, qui se déroulait dans un coin du globe. Ni plus, ni moins. Aux autres de faire les commentaires et les analyses. Cette neutralité imposée n’allait pas sans lui poser quelques problèmes de conscience à certain moment, mais il évinçait la plus part du temps la question, préférant se concentrer sur ce qu’il avait à faire.
« Les passagers pour le vol numéro 3547 à destination d’Antananarivo sont priés de se rendre à la porte numéro 7 pour un embarquement immédiat. »
Le vol se passa sans problèmes. Frédéric pensait à un projet d’émission, aux vacances à venir qu’il avait prévu avec sa fille et Véronique sa nouvelle compagne. Elles ne se connaissaient pas encore et cela allait être l’occasion de les présenter. Il sorti son dossier afin de regarder ce qu’il en était exactement de la situation. Les choses ne semblaient pas se présenter sous le meilleur des angles. Madagascar, un des pays les plus pauvre du globe, venait d’être littéralement soufflé par un ouragan. Les échos qu’il en ressortait était un chaos total et une situation explosive car l’eau potable avait complètement disparut, le fragile réseau mis en place quelques années plutôt ayant explosé avec le reste de peu de constructions que comptait ce pays. Ces informations, ils avaient pu les avoir grâce à un contact sur place avec qui il avait rendez vous en arrivant. Mais apparemment, bien peu de journalistes semblaient se rendre là bas pour le moment. Bercé par le rythme régulier du vol, un peu étourdi par les quelques coupes de champagne que lui avait servi l’hôtesse, il finit par s’endormir. Lorsqu’il se réveilla, l’avion amorçait sa descente sur la capitale de Madagascar.

Aucun commentaire: