samedi 22 décembre 2007

Moment

Deux heure du matin

Son regard se posa sur son réveil qui diffusait dans le noir un éclat grelottant. Deux heure du matin. Une heure creuse au beau milieu de la nuit. Une heure qu’elle ne voyait habituellement jamais ou si peu.
Elle c’était réveillée d’un coup, les yeux grands ouverts, allongée toute droite dans son lit. Il n’y avait pas eu cette transition molle entre les deux mondes. Elle avait directement surgi dans celui des vivants comme si elle était sortie de l’eau après une longue apnée fluide. Son cerveau c’était aussitôt mis en branle, tournant à vide, empli du même noir que celui de sa chambre, uniquement comblé par l’attente qui s’en était suivie. Souple et indolente celle-ci l’avait retenu là, l’empêchant de retomber dans le rêve, mais ne lui donnant rien en retour.
Elle envisagea un instant de se lever ; tant pour se donner un peu de contenance que se prouver qu’elle était bien éveillée. Elle laissa donc s’évaporer une succession d’instants monocordes, tentant de puiser dans le néant, l’énergie d’un mouvement déclencheur. Mais à rester allongé dans le noir, l’esprit navigant dans le rien, elle finit par ne plus savoir vraiment si tout ceci était réel. Et puis la sensation de flotter quelque part entre ici et là bas, écrasée par la nuit, commença à lui donner l’impression de suffoquer. Elle se sentit soudain comprimée par cette obscurité envahissante et cette sensation fit monter en elle un vertige. Elle tenta tant bien que mal de faire face, s’assit d’un bloc sur le bord de son lit comme au bord d’un précipice, les yeux exorbités, la tête entre les mains. Le contact du sol froid sous ses pieds la rassura.
Elle tâtonna, trouva l’interrupteur de sa lampe, l’alluma. La lumière crue et violente lui jeta au visage un sceau d’eau glaciale qu’elle préféra éteindre immédiatement. Trop de réalité dans cet éclairage. Sans repères, elle alla jusqu’au lavabo de la salle de bain, trouva à l'aveuglette le robinet, y bu quelques gorgées froides. De retour dans le couloir, elle hésita une seconde. L’idée de retourner dans son lit l’oppressa. Il y avait quelque chose de vide et d’instable là bas. Elle préféra prendre la direction du salon. La luminosité sombre de la nuit y entrait par la fenêtre dont elle ne fermait jamais les volets.
Bercée par cette mélodie de bleu profond et de noir obscur, elle se recroquevilla dans l’angle de son canapé. Ramenant ses genoux sous son menton, elle se laissa caresser par le froid. Son regard se fixa dans l’espace. Elle était maintenant habitée par l’étrange sentiment d’être précisément au milieu, à l’exact endroit où se rencontre le rêve et la réalité, là où se croise ces deux mondes qui se chevauchent, s’inspirent, se toisent, sans jamais se confondre. Ces deux mondes entre lesquels tout le monde bascule, forcément, sana jamais en avoir totalement conscience. Elle resta ainsi en suspend quelques instants. Puis tout se déroba et dans un élan incontrôlé, elle glissa, emportée par la fatigue et son désir de rêves.

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