mercredi 19 décembre 2007

Portrait

Le calme aprés la tempête
Il se tenait face à la mer, les mains dans le dos, le regard perdu. L’immense baie vitrée qui déroulait sa mince pellicule transparente entre lui et les éléments déchaînés, lui donnait le sentiment d’être un magicien. Il était là, debout, tout juste vêtu d’une chemise blanche impeccablement repassée et d’un pantalon de tweed noir sobre alors que face à lui, à tout juste quelques centimètres, la nature hurlait toute sa puissance. Et rien. A peine les bourrasques de vent arrivaient elles parfois à faire vibrer les montants, mais cela ne l’impressionnait pas le moins du monde. Cela faisait d’ailleurs longtemps que plus rien ne l’impressionnait le moins du monde. Les éléments pouvaient se cabrer, foncer comme des bêtes éperdues et ravageuses sur la maison, l’homme restait impavide, un peu hautain. Car il maîtrisait absolument tout son environnement et rien chez lui, ne laissait la place au doute. Il maîtrisait tout, sans faille et sans exception. Comme d’habitude. D’un geste lent, le visage calme, il se tourna pour augmenter le volume de la musique. Le vent disparut sous un maëlstrom de notes virtuoses. C’était lui qui donnait le ton, comme toujours.
Cette villa était décidément un excellent investissement. Mais si la vue y était imprenable, ce n’était pas seulement cela ce qui l’avait décidé. Il y avait ici tout ce dont il avait besoin pour mener à bien ses activités. Autoroute et TGV se trouvaient à porté de main. Un grand terrain pour d’éventuelles venues en hélicoptère. Un réseau de télécommunication performant ; même si pour ce dernier il avait du financer lui-même une partie des installations pour remédier à la lenteur administrative.
Mais tout ceci n’avait été que de l’ordre du détail. Lui, n’en était plus là. Il gérait des destinés. Il pesait sur des axes financiers, politiques. Ses volontés et sa vision de la société influençaient d’autres décisionnaires. Toute sa vie il en avait été ainsi. Décider.
Dehors, les paquets de mer venaient s’échouer sur la côte dans un fracas violent. L’océan jetait dans cet assaut, toute la fureur qu’il avait pu lui-même mettre dans certaines batailles. Il ne bougeait toujours pas.
Et puis il repensa à sa femme. Elle était morte en début d’année et depuis...oui, il pouvait bien le dire, les choses avaient changé. Il avait tout fait pour la sauver, tout ce qui était en son pouvoir et dieu sait qu’il en avait. Mais il avait fallu se rendre à l’évidence et la laisser partir. Il n’avait pas envisagé ça de cette manière. Pas du tout.
Et maintenant, à quatre vingt quatre ans si il conservait encore une prestance et une élégance que les années de sport avait su garder noble, il prenait seulement pleinement conscience qu’il était arrivé à un moment de sa vie où il savait que chaque jours était une nouvelle victoire et non plus une nouvelles aube.
Dehors, la tempête était entrain de se calmer. Les assauts du vent se faisaient moins violents, les vagues moins brutales. La nuit commençait à tomber.

Aucun commentaire: