mercredi 12 décembre 2007

Moment

Au bar
Elle était assise juste à côté de lui, à sa droite. Autour de la grande table ronde, sept ou huit personnes discutaient en buvant une bière dans l’ambiance enfumé et bruyante de ce pub du centre ville. Tous riaient, blaguaient, parlaient fort. Mais elle, ne le quittait pas des yeux. Pas une seconde. C’était comme si elle était aimantée par cet homme. Doucement, elle c’était allumée une cigarette en lui prenant délicatement le briquet qu’il avait entre les mains, tout en caresse et le lui avait rendu, tout en souplesse. Puis après avoir aspiré une longue bouffée, avait esquissé un sourire. Un petit sourire gêné. Un sourire qui plisse les lèvres sans entrer franchement dans la joie. Un petit sourire de contrition, qui tente d’éveiller la sympathie, qui ne demande qu’à exploser mais qui attend pour ça une autorisation. Et elle avait attendu comme ça, sans le quitter des yeux, cigarette à la main, l’espoir accroché dans son regard.
Lui impassible, regardait tout le monde sauf elle. Col roulé noir, cheveux courts et visage carré, à l’aise dans la discussion, il multipliait gestes et grands éclats de rires. Il maniait la parole avec éloquence, en faisant parfois un peu trop mais noyant ainsi les espoirs de la fille dans un torrent de paroles qu’il croyait nécessaires. Et à aucun moment il ne tourna la tête sur sa droite. Il n’en n’avait pas besoin, il savait ce qu’il y avait à y voir. Il le connaissait ce visage et il le connaissait ce regard. Et puis il connaissait toute l’histoire. Il savait pourquoi tout ça. Alors il jouait. Il jouait les indifférents majestueux. Ceux qui sûr d’eux, distribuent comme ils l’entendent l’aumône de leur présence.
Mais elle, patiente, attendait. Belle et obstiné, elle continuait de le fixer, l’air faussement boudeuse. Elle savait très bien que chaque minutes qui passait rendait un peu plus ridicule la situation, qu’ils n’allaient pas pouvoir rester ainsi des heures, leurs regards en angle droit. Un regard. Il suffisait d’un regard. Et les minutes passaient. De temps à autre quand même, elle se tournait légèrement pour répondre à une question que lui posait la fille qui était assise à côté, celle à qui elle tournait presque le dos. Elle répondait d’un mot rapide. Puis elle retournait la tête de peur quand même de louper le moindre signe de l’homme en noir.
Puis il perdit la main et se retrouva sur le bord de la conversation. Un nouvel arrivant lui avait volé la vedette. Il tenta bien une ou deux incursion mais le cœur n’y était plus, l’illusion avait pris fin. Dans son dos, elle sourit plus franchement, impassible, balançant une de ses jambes croisée. D’un regard il chercha ses cigarettes sur la table. Elle attendit, le paquet à la main. Il se retourna enfin, le sourire pleins d’excuses et la fixa droit dans les yeux. Et il suffit d’un regard pour que tout reparte.

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