mardi 25 décembre 2007

Portrait

Pile
D’une pression appuyée, il pesa sur l’accélérateur. Aussitôt son corps s’enfonça légèrement dans le creux de son siége confortable. La vitesse affichée au tableau de bord s’affola quelques secondes avant de se stabiliser aux alentours des cent cinquante kilomètre heure. A cette heure là de la nuit, il n’y avait plus personne sur le périphérique. Quelques camions sur la voie de droite, traînaient leur poids d’enclume mais lui ne prenait jamais que les extérieurs. Il était pressé et avait les moyens de son impatience alors il ne se privait pas.
Il se passa une main agacée sur le visage, tant pour se réveiller que pour tenter de se détendre. La réunion avait été très dure. Prendre la décision de fermer une usine à quelques semaines des fêtes de fin d’année n’était jamais un choix facile à faire. Mais il était payé pour ça, très bien payé même. Alors il faisait son boulot, du mieux qu’il pouvait. Les syndicats ne se fixaient que sur le sort de quelques dizaines de personnes perdues au fin fond d’une campagne coupée du monde. Ils ne se rendaient pas compte des enjeux financiers qu’il y avait derrière. Cette usine avait été rachetée dans le but de réutiliser les machines qui se trouvaient sur le site dans un autre endroit, plus rentable. L’opération financière était excellente. Il n’y que l’épineuse variable humaine à gérer et c’était à lui qu’était revenu le dossier. Pourtant il n’avait pas été dure. De grosses compensations de départs étaient venues s’ajouter à des solutions de reclassements. Maintenant si les gens ne voulaient pas bouger, qu’est ce qu’il pouvait bien y faire ? Ils proposaient des solutions, aux autres de les accepter.
Ce statisme archaïque et permanent des syndicats le mettait hors de lui. Ils ne se rendaient pas compte dans quel monde on vivait désormais. La petite entreprise à papa, c’était terminée depuis bien longtemps. Il fallait bouger, évoluer, être réactif. Ce n’était pas bien compliquer à comprendre pourtant. Avait il hésité lui, lorsqu’il avait du quitter sa région natale ? Treize déménagements et autant de missions différentes pour en arriver où il en était maintenant. Il était fier de sa progression et il lui était de plus en plus difficile au fur et à mesure où les années passées, de concevoir que d’autres ne veuillent pas faire comme lui. Qu’avaient ils à perdre ? Rien, absolument rien, ils avaient tout à y gagner même. Alors pourquoi s’obstiner à refuser ?
Il jeta un œil sur sa montre. Minuit et demi. Une fois de plus il allait rentrer et tout le monde dormirait. Depuis deux semaines que l’annonce de la fermeture de l’usine avait été faite, il n’avait beaucoup vu sa famille. Sa priorité était ailleurs. Mais bon, les enfants étaient grands et sa femme avait une vie active bien rempli elle aussi. Et puis ça n’était la première ni la dernière que cela se produisait, ils étaient habitués. Dans un mois de toute façon, ils avaient prévu de partir tous ensemble au ski. Ils se verraient à ce moment là.
Il y avait un temps tout, il suffisait de le comprendre. Il arriva devant le portail de la maison, l’ouvrit avec la télécommande, gara le break devant la garage. Inutile de tenter de le rentrer, les voitures de la plus grande et celle de sa femme devaient déjà occuper les deux places à l’intérieur.
Il bu un verre d’eau dans la cuisine, alluma quelques secondes les informations, jeta on œil au Dow Jones. Apparemment la firme de laquelle ils dépendaient maintenant avait absorbé la nouvelle des licenciements avec sérénité. Rassuré il alla se coucher. La décision qu’ils avaient pris était la bonne.

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