jeudi 30 octobre 2008

Conte : La baie des cormorans (3)

L’été approchait chaque jour un peu plus et les températures ne cessaient de grimper. Avec elles, la fille s’aventurait toujours un peu plus loin dévoilant au prince, de nouvelles parties de son corps. Celui-ci, timide et respectueux à la fois, c’était d’abord tenu à distance. Puis il avait commencé à venir nager auprès d’elle. Tournant autour d’abord. Puis se rapprochant à chaque baignade. Ils avaient finit par se frôler, s’effleurer ; frissonnant l’un l’autre.

Vers mi-juillet les vents tombèrent, les nuages s’enfuirent, laissant au soleil la plein et entière jouissance d’inonder la terre. Ce qu’il fit sans se priver. Les températures devinrent caniculaires. Ce fut à ce moment là que la fille plongea complètement dans la baie. Corps et tête, entièrement, sans retenue. Le prince qui depuis longtemps attendait ce moment, s’approcha doucement. Ensemble, ils se mirent à danser dans les eaux de la baie. Et le ballet, dura tout l’été. Étrange et silencieux. Entrecoupé de remontées à la surface pour pouvoir respirer, de sorties trop longue pour qu’elle puisse se réchauffer. Puis vint l’automne. Le froid. De nouveau, la fille repassa de l’autre côté de la surface, floue, lointaine. Et pourtant toujours présente, chaque jour.

La situation devint difficile et pour elle et pour lui. Ils voulaient aller plus loin mais ne pouvaient se parler, se toucher. Toujours ce problème de froid, de distance, de respiration. Et en plein cœur de l’hiver, il arriva même qu’elle ne puisse se rendre à l’océan tant le temps était exécrable.

Or un jour que le prince se promenait seul à travers le royaume, il sentit comme une profonde agitation agiter tout le monde :

“- Ils sont là venez vite !

“- Comment ? de l’extérieur ?

“- Mais ils volent je vous dis. Ils volent au dessus des eaux... Pour eux, il n’y a pas de barrières...”

Intrigué, le prince interpella une sole qui passait par là et lui demanda :

“- Excusez moi mais...pourriez vous m’expliquer ce qui se passe ?

“- Comment mon prince ? Vous n’êtes pas encore au courant ? Les poissons volants. Une troupe de poissons volants a réussi à passer par dessus les remparts l’autre nuit. Ils disent que c’était pour se protéger de la tempête. Cela fait si longtemps que l’on n’a pas vu quelqu’un de l’extérieur...pouvez vous imaginer ?

“- Et où peut on les voir ces poissons volants ?

“- Sur la grande place. C’est là qu’ils se sont établis.”

Aussitôt, le prince voulu voir lui aussi ces étrangers venu de l’autre côté du mur. Ainsi sa mère ne lui avait pas menti. Il y avait bien de l’eau de l’autre côté des murailles et des poissons différents de ceux qui vivaient et nageaient dans cette baie. Et aussi extraordinaire que ça puisse paraître, certains savaient même voler. Et cela signifiait beaucoup pour le prince. Cela voulait dire qu’ils pouvaient passer de ce monde à celui extérieur. Celui où se trouvait celle qu’il voyait depuis plusieurs mois et qui vivait là bas.

En arrivant sur la grande place, tout le monde était déjà là. Les crevettes et les bigorneaux, les soles et les sardines, les anchois et les homards, il n’en manquait pas un à l’appel. Et au milieu de cette foire improvisée, une dizaine de poissons volants se pavanait. En tant que prince de la baie, une place de choix lui fut rapidement attribuée. Mais tout le monde les bombardait de questions et eux jouaient le jeux, répondant avec un grand sourire, trop content que l’on s’intéresse ainsi à leur modeste personne.

Une fois l’euphorie retombée, le roi de la baie invita ces inattendues convives à se joindre à sa table. C’est là que le prince assis à côté de l’un d’eux, put enfin assouvir sa curiosité :

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