lundi 27 octobre 2008

Conte : La baie des cormorans (1)

L'histoire de la petite Léonide n'est pas des plus banal. Elle était née d'un père fabriquant d'imperméables et d'une mère qui aimait la mer et habitait avec eux dans une petite maison qui donnait sur la baie des cormorans. Cette histoire commence un jour qu’elle se promenait seule, sautant d’un rocher à l’autre, esquivant la langue traîtresse des vagues, fouillant dans les trous d’eau. Scrutant l’horizon, elle devina au loin une forme assise.

Elle se dirigea vers elle, continuant de sa danse légère à jouer avec les flots, intriguée par la présence de quelqu’un dans les parages. Il faut dire qu’il n’y avait pas grand monde habituellement par ici. Parfois Eugène, le gros pêcheur, venez jeter ses lignes et traîner sa barbe broussailleuse sur le bord des falaises mais c’était généralement plus tard dans la journée, après le déjeuner.

Il y a avait aussi de temps à autre Louis et sa maman triste. Mais Léonide savait par avance qu’ils allaient venir, car ils ne manquaient pas d’appeler pour savoir si il faisait beau, si la mer était calme ou bien si il n’y avait pas trop de vent.

On pouvait aussi croiser par hasard des promeneurs égarés ou bien des familles excitées mais des gens assis face à la mer, immobiles comme des pierres ça, Léonide n’en avait jamais vu. Mais plus elle s’approchait, plus elle sentait son pas s’accélérer et son coeur dans sa poitrine, battre plus fort. Enfin lorsqu’elle en fut certaine elle se mit à courir à en perdre haleine:

“- Mamiiiiie !!! Mamie tu es venue et tu n’as même pas prévenue.

“- Et non ma chérie. Aujourd’hui je n’ai rien dit. C’était pour te faire la surprise.

“- Qu’est ce qu tu fais assises ici toute seule sur la plage ?

“- Je te regardais mon enfant...Et en te voyant, je repensais à une vieille légende qui entoure cette baie.

“- Ah oui laquelle ? » Sa grand-mère la prit par la main, lui sourit et tout en se dirigeant vers un renfoncement protégé du vent, elle lui dit :

“- Assied toi là. Voilà. Viens contre moi. Regarde, d’ici on peut voir toute la baie. Ecoute moi maintenant. Il y a des années et des années, moi-même je n’étais pas encore née, vivait ici sous les eaux de cette anse, un roi terrible. Tu vois ces rochers au loin, ceux qui dépassent et qui font que la mer moutonne lorsqu’elle monte où qu’elle descend et bien on dit que se sont les restes des hauts remparts de son château. Il les avait fait construire pour empêcher quiconque de pénétrer ici et rester le seul maître des lieux. Mais beaucoup disait qu’en fait, au delà de vouloir garder son royaume, c’était sa femme qu’il voulait enfermer à tout jamais. En effet, le roi avait parait-il réussi à séduire une magnifique sirène. Comme à l’époque, tous les gros poissons de la côte en étaient amoureux, il y avait eu une lutte sans merci afin de savoir lequel aurait le privilège de passer sa vie avec elle. Et c’est ce roi, celui de la petite baie des cormorans qui l’avait emporté. Il faut dire qu’à ce moment là, il était beau et séduisant et que même si son domaine était parmi les plus petit, il n’en était pas pour autant mal garni. Et puis il avait su se montrer tendre; attentionné, plein de promesses...enfin bref, il avait su faire ce qu’il fallait pour que la sirène le remarque et ne puisse pas lui résister.

Or une fois qu’ils eurent commencé à se fréquenter, les choses allèrent très vite. Ils se marièrent et la sirène quitta son rocher pour devenir la reine de la baie des cormorans. Au début, tout se passa pour le mieux et le roi et la reine vivaient heureux. Mais peu à peu, l’ambiance se dégrada entre eux. Le roi s’avéra être un mari jaloux refusant par exemple que la reine ne se rende seule dans sa famille. Il prétextait que la côte était dangereuse, qu’elle pouvait se faire attaquer, que tous les gens qui l’entouraient ne lui voulaient pas que du bien. Il disait aussi que pour l’image du royaume, il était très mauvais qu’une reine se promène ainsi sans son mari, d’autant plus qu’à l’extérieur, tout était si dangereux alors qu’ici au moins elle ne risquait rien.

Mais la reine était têtue et à plusieurs reprises, elle sortit et partit nager vers le large, voir famille et amis comme si de rien était. Le temps passa. Malgré les crises de jalousie du roi, la reine ne continua de n’en faire qu’à sa tête. Mais un événement vint changer radicalement la donne lorsque la reine tomba enceinte. Le couple royale allait avoir un enfant. A compter de ce moment là, la jalousie du roi redoubla. Prétextant sans cesse que “non vraiment, il n’était plus possible qu’elle mette une nageoire dehors maintenant qu’elle portait dans son ventre un possible héritier pour le royaume.” Le roi devint de plus en plus intransigeant.

“- Votre royaume, votre royaume, vous ne pensez qu’à ça, lui dit un soir la reine. Mais moi je veux faire autre chose. Je ne me suis pas marié avec vous pour vous regarder gérer votre domaine. Et je ne suis pas l’un de vos sujet”

Peu de temps après, des bruits commencèrent à courir. On disait qu’ils ne s’aimaient plus, que le roi était violent. Ce dernier, devint très susceptible et sans raisons apparentes, s’en prit à ses voisins, les accusant de vouloir l’envahir, de vouloir lui prendre son royaume, sa femme...

Et c’est ainsi qu’une nuit, alors que a reine était couchée et que la mer était haute, le roi, décida de faire construire des remparts pour interdire et contrôler toutes les allées et venues dans sa baie. Une fois l’accès au large totalement clos, comme les poissons ne se tournent jamais vers la terre, le roi poisson se savait tranquille. Désormais il était le seul maître chez lui et plus rien jamais, ne viendrait s’opposer à sa vision des choses.

Lorsqu’au petit matin la reine murène vit la muraille haute et puissante se dressait devant elle, elle s’empressa de nager jusqu’au roi et de lui demander :

“- Qu’est ceci mon ami ? Vous ne m’en aviez jamais rien dit.

“- Une protection madame. Contre nos dangereux voisins qui me jalousent et m’envient mon si beau royaume.

“- Une protection ? Mais une protection dont on ne peut s’échapper, ne se nommerait elle pas plutôt prison ?

“- Allons ma reine, vous avez tout ce qu’il vous faut ici. De l’eau pour nager, des crevettes pour manger, des crabes pour vous servir, des anguilles pour vous divertir...que désirez vous de plus ?

“- Ma liberté. Voilà ce que je désirerai plus que tout au monde.

“- Vous l’avez d’ors et déjà à travers tous le royaume qui est bien assez grand pour une reine quand bien même se soit une sirène. Et je vous assure que dés que les relations diplomatiques seront meilleurs à l’extérieur, je rouvrirai de nouveau l’accès à la baie et vous pourrez de nouveau aller et venir à votre guise.” La reine s’enfuit. Prisonnière ! Elle était maintenant prisonnière et ne pouvait rien y faire. Dans son ventre cependant, la vie continuait de grandir. Les marées se succédaient les unes aux autres, berçant de leurs mouvements réguliers, son quotidien désormais bien terne.

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