lundi 17 novembre 2008

Absurderie

Seulitude.

La seulitude était à son sens la seule attitude sensée à cette altitude. Comment amener raisonnablement qui ce soit dans ces hautes sphères, aussi sot soit il ? Ici, il gelait à s’en faire sauter cerveau, l’air était sec et les secondes ne signifiaient plus rien. Seul subsistait ce délicieux sentiment d’absolu, cette douce sensation de n’appartenir qu’à sa seule et unique seulitude. Car oui, à cette altitude, même si l’homme n’en avait pas l’habitude, on y trouvait la liberté dans toute sa démente amplitude. Ici il pouvait dessiner sans censure, de lonnnnnnngues arabesques, sentir couler le long de lui l’air limpide, vider ses pensées jusqu’à n’être plus qu’un souffle dans l’immensité. A cette altitude il n’y avait plus ni pesanteur ni problèmes, tout était léger et bohême.

C’était surtout pour ça qu’il gardait pour lui seul le secret de la clef qui lui permettait de quitter ainsi le sol. Il l’avait trouvé un soir totalement par hasard, qui traînait là dans le noir, assise à regarder sans voir, passer des trains hurleurs.

«- Avez vous vu l’heure ? » fut sa première question, à ce qui lui semblait être une hallucination. C’était sûrement la chose la plus stupide à demander à une clef ; Que pouvait bien lui importer l’heure ? « Près de minuit. » Lui avait-elle pourtant répondu d’un ton triste. « Et je m’ennuie. » Avait-elle rajouté sur un ton tout aussi morne.

« Peut-être pourrais-je vous distraire ? » demanda-t-il timide.

« Aimeriez-vous aller dans les airs ? » lui lança-t-elle sans quitter des yeux, le train qui passait au loin.

« Dans les airs…mais…mais j’en rêve. Quel secret une clef peut-elle garder qui me garantisse à coup sûr de décoller ? » La petite clef leva sa tête vers lui, lui sourit. D’un bond souple elle se leva, sauta sans effort jusqu’à son épaule et lui glissa tout doucement :

« - Ferme les yeux. » Il s’exécuta avec soin. Il ne se passa d’abord rien. A peine un petit tourbillon vint il le titiller. Puis il entendit la voix de la clef, douce et claire :

« - Enfin ! Enfin je te trouve. D’ordinaire, je suis solitaire, c’est ce qui me lie à l’air, car si je suis une clef de sol, c’est dans l’éther que se trouve ma vraie nature. Et c’est uniquement lorsque je trouve un esprit libre, réellement libre, capable de comprendre la partition que je lui joue, que ma présence prend tout son sens. Je donne à l’errance, un goût d’éternelle partance et chaque jour en ma compagnie, n’est plus le lendemain de la veille ou la veille du lendemain, mais un instant unique, précieux, puissant. Je suis la musique et c’est ensemble maintenant que nous volerons. »

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