mercredi 5 novembre 2008

Conte : La baie des cormorans (7)

Puis petit à petit il se calma. Il commença à regarder tout autour de lui. Il n’y avait rien que de l’eau, sans barrières, sans limites. Des ombres gigantesques se profilaient au loin. L’espace d’un instant, il recula. Son dos vint s’appuyer contre la muraille qu’avait fait ériger son père. Non. Il ne pouvait pas revenir en arrière. C’était face à lui maintenant, qu’il devait nager. Dans les premiers temps, il croisa beaucoup d’espèce qu’il connaissait déjà dans sa baie. C’était une sensation étrange que de ne pas connaître les visages, les prénoms. Chez lui tout le monde le connaissait et le respectait. Ici rien. Les poissons le regardaient passer avec indifférence peut être même un peu de mépris. Ici, face à la grandeur de l’océan, il n’était rien. Il nagea ainsi pendant trois jours, droit devant lui, sans parler à personne, à la fois émerveillé et terrifié par ce monde qui semblait ne jamais se terminer.

Et plus il avançait, plus tout semblait grandir autour de lui. La distance entre le fond et la surface devint si grande, que bientôt il ne put même plus distinguer le premier. Une sourde inquiétude monta soudain en lui. Certes le vieux poisson volant lui avait dit de nager droit vers le large. Et c’est ce qu’il avait fait. Mais le plateau, il ne le voyait toujours pas. Il se décida à aller demander sa route à poisson de passage. Or un mérou se promenait par là, énorme et nonchalant.

« - Excusez moi…hum hum…excusez moi.

« - Oui ? lui répondit le mérou de sa voix de baryton.

« - Je…je suis à la recherche d’un endroit nommé la grande plaine. J’ai là bas un ami que je dois voir mais je me suis un peu égaré en route et euh…je ne sais plus trop où je me trouve.

« - La grande plaine ? Ah oui, bien sûr. Mais tu es allé trop loin au large. Il faut que tu reviennes sur tes traces petit. Et puis il faut que tu remontes la côte vers le sud. C’est tout prés. A peine trois jours en nageant correctement. En plus tu as de la chance. Le courant te porte dans ce sens là. »

Trois jours. Et pour ce mérou, ça n’était rien. Trois jours à nager sans s’arrêter. Sans attendre le prince se mit en route. Un peu porté par le courant, un peu porté par son courage et son excitation du à toutes ces nouvelles découvertes, il nagea. Mais en longeant la côte, il découvrit des paysages bien plus diversifiés que lorsqu’il avait nagé droit vers le large. Il passa ainsi au dessus de bancs de sables immenses, qui dessinaient au sol des vagues statiques et claires. Il découvrit des amas rocheux si grands et si pleins qu’il préféra ne même pas s’y aventurer de peur de s’y perdre à tout jamais. Il dormit au creux d’algues douces comme la peau d’une murène et goûta des plats dont il ignorait l’existence. Enfin, après trois jours de nage et de découvertes, la grande plaine commença à se dérouler sous ses nageoires. C’était une étendue d’algues qui se perdait dans le lointain. Une prairie sous la mer à travers laquelle courrait toutes sortes d’animaux. Mais elle était si grande que très vite, le prince se demanda comment il allait bien pouvoir trouver l’hippocampe blanc au milieu de tout ça.

Au beau milieu de l’étendue, une anguille était en train de serpenter tranquillement. Le prince s’approcha d’elle. Il prit son courage à deux mains et demanda :

« - Excusez moi. Je voudrais savoir si par hasard vous aviez vu récemment un hippocampe blanc dans les parages. On m’a dit qu’il était par là il y a encore quelques temps et ….enfin voilà euh… comme je ne sais pas trop comment faire pour le trouver, je me suis dit que le mieux était encore de demander.

« - L’hippocampe blanc ? Cela ne sert à rien que tu le cherches. Tu ne le trouveras jamais. C’est lui qui te trouvera si vous devez vraiment vous rencontrez. » Et sur ces paroles un peu mystérieuses, l’anguille disparu au milieu des algues.

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