mardi 11 novembre 2008

Moment

Retour.

Le ciel était solide, engoncé dans un gris de glace rendant les bruits cassants et creux. Je marchais avec mes rêves le long de la grève du lac, écoutant le discret clapotis des vaguelettes. Sur ma droite, une maison aux murs gris était doucement entrain de mourir. Un lierre gigantesque l’enserrait dans sa main sournoise, s’insinuant dans ses fentes, ses fissures, écartant de sa poigne immuable et lente la moindre ouverture, le moindre petit espace, le plus petit interstice. A l’étage des fenêtre vides jetaient sur ce paysage morne, un regard indifférent. Les volets de part et d’autre tombaient comme des paupières fatiguées. Et moi je marchais, bercé par ces odeurs de marais, illuminé par le gris glauque que renvoyait la surface du lac. Je marchais dans ce paysage humide où l’air stagnait comme dans une vieille flaque et je prenais un plaisir immense à chaque foulée supplémentaire, à chaque inspiration bourrée de moisissure et de bois en décomposition.

Plus tard je croisais l’odeur lourde d’un feu de cheminée. Après avoir remonté mon col, j’enfonçais mes mains dans mes poches chaudes, pensant à la douceur de l’âtre qui rougeoyait quelque part.

L’humidité dégoulinait le long des branches décharnées, tombant au sol en rafale de gouttes froides au moindre souffle de vent. Je quittais la compagnie du lac gris pour m’enfoncer dans la forêt. Ou du moins ce qu’il en restait à cette époque de l’année. N’ayant pas encore tout à fait quitté l’automne mais n’étant pas nous plus pleinement entrée dans l’hiver, elle était recouverte de cette humidité gluante qui pénètre au plus profond pour favoriser l’éclosion de la pourriture.

Le craquement des brindilles sous mes pieds m’indiquèrent que je quittais le chemin. Une petite colonie de champignons gonflés d’eau sur lesquels déambulaient quelques limaces étalaient leur chaire visqueuse à côté de bogues de châtaignes vides.

Les festins allaient se faire de plus rare dans les mois à venir. La nature allait rentrer dans cette longue torpeur givrée, entourée de nuit et cernée par le froid. Le printemps à venir resterait terré au plus profond des canaux des arbres et la vie ne serait bientôt plus qu’une évocation, un murmure, une trace animale dans la boue au bord d’une flaque libre de glace.

Et moi je marchais lentement, tranquillement, au seuil de cet hiver imminent, de cet hiver qui se faisait presque désirer tant sa marque avait déjà imprégné les alentours. Il ne manquait plus que le carcan de glace et de la neige mais à bien regarder le ciel, on sentait déjà son haleine souffler. Je finis par ressortir des bois. De nouveau le lac vide s’étalait devant moi. J’étais maintenant à l’embranchement qui allait me ramener jusqu’au barrage. De là je me laisserai couler le long de la rivière en aval, sur le chemin plein de glaise collante jusqu’à la petite départementale où m’attendait ma voiture.

La lumière commençait à tomber mais je ne pressais pas le pas, bien au contraire. J’étais chez moi et j’avais tout mon temps.

Aucun commentaire: