vendredi 31 octobre 2008

Conte : La baie des cormorans (4)

“- Dite moi monsieur, quand on dit que vous êtes un poisson volant, est ce vrai que cela veut dire que vous pouvez quitter le monde de l’eau pour aller dans celui des airs ?

“- Exectement

“- Waouh...dans les airs !!!. Alors vous êtes souvent de l’autre côté ?

“- Souvent souvent....quand je me déplace oui.

“- Et c’est comment de l’autre côté ?

“- De l’autre côté c’est....comment dire, un autre monde. Il y a le soleil qui te brûle la peau si tu restes trop longtemps sous ses rayons, il y a le vent qui te porte et te pousse, il y le bruit des oiseaux et de la mer, le bruit des vagues et des bateaux. Il y a les humains qui crient lorsqu’ils te voient surgirent des flots...il y a tant de chose différentes d’ici. Tout est beaucoup plus bruyant et sauvage. C’est...indescriptible tant qu’on ne l’a pas vécu.

“- Et l’on peut y rester longtemps nous ?

“- Nous ? Le peuple de la mer tu veux dire ? Oh non. Ce monde là on l’effleure. On y passe comme des flèches mais on n’y reste pas. Où alors on y meure.

“- ça n’est jamais arrivé que l’un d’entre nous reste à tout jamais de l’autre côté ?

“- Non je ne crois pas non. En tous les cas, je ne vois pas comment cela serait possible.”

Un peu abattu par cette révélation, le petit prince quitta la table. Sans trop y réfléchir, il se laissa dériver vers les rochers là où chaque jour, il venait jouer avec la jeune fille. Puis il se laissa dériver par les courants de la baie et finit par arriver au pied des remparts. Une équipe de crabes était en train de réparer une brèche. Ils le saluèrent poliment au passage.

C’est alors que surgit de nulle part, un des poisson volant qui avait été invité au banquet mais avec lequel le prince n’avait pas pu parler. Il était plus âgé que les autres et affichait en toute circonstance, un sourire joyeux :

“- Tu me sembles bien triste mon garçon.

“- Triste ? N’y aurait il pas de quoi ? Je suis enfermé dans une baie par un mur infranchissable et la seule personne avec qui j’aurai réellement envi de passer du temps m’est totalement inaccessible. Vous ne trouver pas qu’il y ait là lieu d’être triste ?

“- Non au contraire. Je trouve qu’il y a plutôt là une formidable opportunité de partir à la découverte d’une nouvelle vie.

“- D’une nouvelle vie ?! Mais ma vie n’aura jamais rien de neuf ! Je suis l’héritier d’un roi qui refuse le monde extérieur et qui nous a tous enfermé avec lui. Je ne suis pas malheureux. Mais que voulez vous que je fasse pour échapper à tout ça ? Vous pouvez me le dire ?

“-  Quoi faire ? Mais tout justement. Car il y a beaucoup, beaucoup d’autres possibilités. Tu sais, j’ai voyagé à travers les mers du monde entier et ces années d’errances poussées par les courants et les vents m’ont appris deux choses. La première c’est qu’il ne faut jamais se contenter de ce que l’on connaît. Ça n’est pas le monde. Ça n’est qu’une petite, microscopique, infime partie de l’immensité qui nous entoure. Et la seconde, c’est que c’est dans cette immensité que réside la solution à tous nos problèmes. Ce n’est pas parce que tu ne trouves pas ici, autour de toi, ce que tu cherches, que cela n’existe pas. Bien au contraire.

“- Une solution à chaque problème ? Même si le mien parait incroyablement difficile voir impossible à résoudre ?

“- Dis moi toujours...” renchérit le vieux poisson volant l’air complice. Le petit prince le regarda longuement. Ce poisson là, n’était du genre à parler pour ne rien dire. On sentait dans son regard toute la quiétude de celui qui était sorti de mille piéges, de milles chausses trappes et qui maintenant, désirait plus que tout au monde faire partager aux autres sa longue expérience.

jeudi 30 octobre 2008

Conte : La baie des cormorans (3)

L’été approchait chaque jour un peu plus et les températures ne cessaient de grimper. Avec elles, la fille s’aventurait toujours un peu plus loin dévoilant au prince, de nouvelles parties de son corps. Celui-ci, timide et respectueux à la fois, c’était d’abord tenu à distance. Puis il avait commencé à venir nager auprès d’elle. Tournant autour d’abord. Puis se rapprochant à chaque baignade. Ils avaient finit par se frôler, s’effleurer ; frissonnant l’un l’autre.

Vers mi-juillet les vents tombèrent, les nuages s’enfuirent, laissant au soleil la plein et entière jouissance d’inonder la terre. Ce qu’il fit sans se priver. Les températures devinrent caniculaires. Ce fut à ce moment là que la fille plongea complètement dans la baie. Corps et tête, entièrement, sans retenue. Le prince qui depuis longtemps attendait ce moment, s’approcha doucement. Ensemble, ils se mirent à danser dans les eaux de la baie. Et le ballet, dura tout l’été. Étrange et silencieux. Entrecoupé de remontées à la surface pour pouvoir respirer, de sorties trop longue pour qu’elle puisse se réchauffer. Puis vint l’automne. Le froid. De nouveau, la fille repassa de l’autre côté de la surface, floue, lointaine. Et pourtant toujours présente, chaque jour.

La situation devint difficile et pour elle et pour lui. Ils voulaient aller plus loin mais ne pouvaient se parler, se toucher. Toujours ce problème de froid, de distance, de respiration. Et en plein cœur de l’hiver, il arriva même qu’elle ne puisse se rendre à l’océan tant le temps était exécrable.

Or un jour que le prince se promenait seul à travers le royaume, il sentit comme une profonde agitation agiter tout le monde :

“- Ils sont là venez vite !

“- Comment ? de l’extérieur ?

“- Mais ils volent je vous dis. Ils volent au dessus des eaux... Pour eux, il n’y a pas de barrières...”

Intrigué, le prince interpella une sole qui passait par là et lui demanda :

“- Excusez moi mais...pourriez vous m’expliquer ce qui se passe ?

“- Comment mon prince ? Vous n’êtes pas encore au courant ? Les poissons volants. Une troupe de poissons volants a réussi à passer par dessus les remparts l’autre nuit. Ils disent que c’était pour se protéger de la tempête. Cela fait si longtemps que l’on n’a pas vu quelqu’un de l’extérieur...pouvez vous imaginer ?

“- Et où peut on les voir ces poissons volants ?

“- Sur la grande place. C’est là qu’ils se sont établis.”

Aussitôt, le prince voulu voir lui aussi ces étrangers venu de l’autre côté du mur. Ainsi sa mère ne lui avait pas menti. Il y avait bien de l’eau de l’autre côté des murailles et des poissons différents de ceux qui vivaient et nageaient dans cette baie. Et aussi extraordinaire que ça puisse paraître, certains savaient même voler. Et cela signifiait beaucoup pour le prince. Cela voulait dire qu’ils pouvaient passer de ce monde à celui extérieur. Celui où se trouvait celle qu’il voyait depuis plusieurs mois et qui vivait là bas.

En arrivant sur la grande place, tout le monde était déjà là. Les crevettes et les bigorneaux, les soles et les sardines, les anchois et les homards, il n’en manquait pas un à l’appel. Et au milieu de cette foire improvisée, une dizaine de poissons volants se pavanait. En tant que prince de la baie, une place de choix lui fut rapidement attribuée. Mais tout le monde les bombardait de questions et eux jouaient le jeux, répondant avec un grand sourire, trop content que l’on s’intéresse ainsi à leur modeste personne.

Une fois l’euphorie retombée, le roi de la baie invita ces inattendues convives à se joindre à sa table. C’est là que le prince assis à côté de l’un d’eux, put enfin assouvir sa curiosité :

mardi 28 octobre 2008

Conte : La baie des cormorans (2)

Puis l’enfant vint à naître et se fut un grand jour pour tout le royaume. C’était un poisson et le roi fut ravi. Il avait maintenant un héritier. Il savait que quelqu’un lui succéderait quoi qu’il arrive. Les remparts eux, restèrent. Certes ils avaient étaient colonisés par des algues, moules et autres huîtres qui en avaient fait leurs domaines. Quelques berniques et même des bernard-l’hermite y avaient élus domiciles. Mais l’accès à la mer profonde et infinie, restait irrémédiablement fermé. Le petit prince grandit avec cette barrière. Comme il n’avait connu que ça, il ne s’inquiéta jamais de savoir ce que l’on trouvait derrière. Le mur était là. C’était comme ça. Il savait bien que de l’autre côté, s’étendait un autre monde. Mais comme il pouvait y avoir accès, il ne s’inquiétait pas outre mesure. Chapeauté par son père, il découvrit le royaume de la baie des cormorans et la meilleure façon de l’administré. Mais guidé par sa mère, il s’ouvrit d’un autre côté aussi à une vie différente que celle du petit enclos de la baie.

“- Dehors, de l’autre côté du mur, il y a un monde vaste et étendu, lui disait elle parfois lorsque la nuit était tombée et qu’ils se retrouvaient seules. Un monde si grand, que tu ne pourras jamais le parcourir en entier. Il y a des poissons différents dans chaque région, chaque baie à sa particularité et le long des côtes il y a des centaines de royaumes comme le nôtre. J’ai vu des bancs gigantesque composé de milliards de sardines et puis des requins un peu marteaux parfois.”

Mais le petit prince ne semblait pas impressionné par cette immensité que lui décrivait sans cesse sa mère. Certes cela devait être différent d’ici mais après tout, c’était encore la mer. Et puis comment savoir si effectivement de l’autre côté du mur, il y a avait réellement quelque chose ? Alors que dans l’autre sens, lorsque l’on tournait sa tête vers l’endroit d’où venait le jour, il semblait y avoir tant de choses à découvrir. Tant de choses magnifiques et mystérieuses :

“- Et de l’autre côté maman...je veux dire, derrière la surface de l’eau, au delà, là où le fond rejoint la surface, qu’y a t il par là ?

“- Par là mon enfant, on trouve un monde dans lequel nous peuple de la mer, ne pouvons pas vivre. Mais on dit qu’il y a des êtres superbes capables de nous attirer avec la simple beauté de leurs chants. On dit que la plus part des êtres de ce côté ne peuvent pas quitter le sol et que ceux qui le peuvent, sont recouverts d’étranges choses nommées “plumes”...On dit aussi que la lumière est si forte qu’elle nous brûle sur place si nous tentons de nous rendre là-bas...On dit tant de choses.”

Malgré les descriptions peu engageante de sa mère, plus le prince grandissait, plus il se sentait attiré par cet étrange monde d’au delà de la surface.  Plus que vers l’infini des océans.

Or un jour qu’il nageait le long des rochers, laissant à peine sa nageoire dorsale dépasser hors de l’eau, il entendit venir vers lui un son qu’il n’avait jamais perçu auparavant. Il s’immobilisa et commença à chercher du regard d’où pouvait bien provenir cette étrange mélodie. Au bout de quelques instants, se découpant dans la lumière, il finit par apercevoir une de ces personnes dont lui avait parlé sa mère. Elle se tenait toute droite mais se déplaçait avec autant de légèreté et de grâce qu’une anguille. Sa tête était entourée d’un paquet d’algues souples qui bougeaient en même temps qu’elle dans un mouvement limpide. A sa vue, le cœur prince se serra tant il la trouva belle. Il n’y avait rien d’explicable ou de rationnel. Ce sentiment avait surgit en lui et rein ne semblait pouvoir le contrôler. Caché au milieu des rochers, le prince l’observa tout le temps que celle-ci resta sur le bord de l’eau à jouer avec les vagues.

Ce petit manége dura quelques temps. Très vite, la fille de l’autre côté de la surface se rendit compte de la présence du prince. Intriguée d’abord, elle avait été un peu effrayée. Puis elle c’était habituée et au bout de quelques jours, le cherchait même du regard dés qu’elle commençait à sauter d’un rocher à l’autre.

Vint le printemps et ses premières journées chaudes. La fille enleva ses chaussures, retroussa son pantalon et risqua un orteil dans l’eau glacée de la baie. Pour se rafraîchir. Du côté du prince, la vision se fit plus net. 

lundi 27 octobre 2008

Conte : La baie des cormorans (1)

L'histoire de la petite Léonide n'est pas des plus banal. Elle était née d'un père fabriquant d'imperméables et d'une mère qui aimait la mer et habitait avec eux dans une petite maison qui donnait sur la baie des cormorans. Cette histoire commence un jour qu’elle se promenait seule, sautant d’un rocher à l’autre, esquivant la langue traîtresse des vagues, fouillant dans les trous d’eau. Scrutant l’horizon, elle devina au loin une forme assise.

Elle se dirigea vers elle, continuant de sa danse légère à jouer avec les flots, intriguée par la présence de quelqu’un dans les parages. Il faut dire qu’il n’y avait pas grand monde habituellement par ici. Parfois Eugène, le gros pêcheur, venez jeter ses lignes et traîner sa barbe broussailleuse sur le bord des falaises mais c’était généralement plus tard dans la journée, après le déjeuner.

Il y a avait aussi de temps à autre Louis et sa maman triste. Mais Léonide savait par avance qu’ils allaient venir, car ils ne manquaient pas d’appeler pour savoir si il faisait beau, si la mer était calme ou bien si il n’y avait pas trop de vent.

On pouvait aussi croiser par hasard des promeneurs égarés ou bien des familles excitées mais des gens assis face à la mer, immobiles comme des pierres ça, Léonide n’en avait jamais vu. Mais plus elle s’approchait, plus elle sentait son pas s’accélérer et son coeur dans sa poitrine, battre plus fort. Enfin lorsqu’elle en fut certaine elle se mit à courir à en perdre haleine:

“- Mamiiiiie !!! Mamie tu es venue et tu n’as même pas prévenue.

“- Et non ma chérie. Aujourd’hui je n’ai rien dit. C’était pour te faire la surprise.

“- Qu’est ce qu tu fais assises ici toute seule sur la plage ?

“- Je te regardais mon enfant...Et en te voyant, je repensais à une vieille légende qui entoure cette baie.

“- Ah oui laquelle ? » Sa grand-mère la prit par la main, lui sourit et tout en se dirigeant vers un renfoncement protégé du vent, elle lui dit :

“- Assied toi là. Voilà. Viens contre moi. Regarde, d’ici on peut voir toute la baie. Ecoute moi maintenant. Il y a des années et des années, moi-même je n’étais pas encore née, vivait ici sous les eaux de cette anse, un roi terrible. Tu vois ces rochers au loin, ceux qui dépassent et qui font que la mer moutonne lorsqu’elle monte où qu’elle descend et bien on dit que se sont les restes des hauts remparts de son château. Il les avait fait construire pour empêcher quiconque de pénétrer ici et rester le seul maître des lieux. Mais beaucoup disait qu’en fait, au delà de vouloir garder son royaume, c’était sa femme qu’il voulait enfermer à tout jamais. En effet, le roi avait parait-il réussi à séduire une magnifique sirène. Comme à l’époque, tous les gros poissons de la côte en étaient amoureux, il y avait eu une lutte sans merci afin de savoir lequel aurait le privilège de passer sa vie avec elle. Et c’est ce roi, celui de la petite baie des cormorans qui l’avait emporté. Il faut dire qu’à ce moment là, il était beau et séduisant et que même si son domaine était parmi les plus petit, il n’en était pas pour autant mal garni. Et puis il avait su se montrer tendre; attentionné, plein de promesses...enfin bref, il avait su faire ce qu’il fallait pour que la sirène le remarque et ne puisse pas lui résister.

Or une fois qu’ils eurent commencé à se fréquenter, les choses allèrent très vite. Ils se marièrent et la sirène quitta son rocher pour devenir la reine de la baie des cormorans. Au début, tout se passa pour le mieux et le roi et la reine vivaient heureux. Mais peu à peu, l’ambiance se dégrada entre eux. Le roi s’avéra être un mari jaloux refusant par exemple que la reine ne se rende seule dans sa famille. Il prétextait que la côte était dangereuse, qu’elle pouvait se faire attaquer, que tous les gens qui l’entouraient ne lui voulaient pas que du bien. Il disait aussi que pour l’image du royaume, il était très mauvais qu’une reine se promène ainsi sans son mari, d’autant plus qu’à l’extérieur, tout était si dangereux alors qu’ici au moins elle ne risquait rien.

Mais la reine était têtue et à plusieurs reprises, elle sortit et partit nager vers le large, voir famille et amis comme si de rien était. Le temps passa. Malgré les crises de jalousie du roi, la reine ne continua de n’en faire qu’à sa tête. Mais un événement vint changer radicalement la donne lorsque la reine tomba enceinte. Le couple royale allait avoir un enfant. A compter de ce moment là, la jalousie du roi redoubla. Prétextant sans cesse que “non vraiment, il n’était plus possible qu’elle mette une nageoire dehors maintenant qu’elle portait dans son ventre un possible héritier pour le royaume.” Le roi devint de plus en plus intransigeant.

“- Votre royaume, votre royaume, vous ne pensez qu’à ça, lui dit un soir la reine. Mais moi je veux faire autre chose. Je ne me suis pas marié avec vous pour vous regarder gérer votre domaine. Et je ne suis pas l’un de vos sujet”

Peu de temps après, des bruits commencèrent à courir. On disait qu’ils ne s’aimaient plus, que le roi était violent. Ce dernier, devint très susceptible et sans raisons apparentes, s’en prit à ses voisins, les accusant de vouloir l’envahir, de vouloir lui prendre son royaume, sa femme...

Et c’est ainsi qu’une nuit, alors que a reine était couchée et que la mer était haute, le roi, décida de faire construire des remparts pour interdire et contrôler toutes les allées et venues dans sa baie. Une fois l’accès au large totalement clos, comme les poissons ne se tournent jamais vers la terre, le roi poisson se savait tranquille. Désormais il était le seul maître chez lui et plus rien jamais, ne viendrait s’opposer à sa vision des choses.

Lorsqu’au petit matin la reine murène vit la muraille haute et puissante se dressait devant elle, elle s’empressa de nager jusqu’au roi et de lui demander :

“- Qu’est ceci mon ami ? Vous ne m’en aviez jamais rien dit.

“- Une protection madame. Contre nos dangereux voisins qui me jalousent et m’envient mon si beau royaume.

“- Une protection ? Mais une protection dont on ne peut s’échapper, ne se nommerait elle pas plutôt prison ?

“- Allons ma reine, vous avez tout ce qu’il vous faut ici. De l’eau pour nager, des crevettes pour manger, des crabes pour vous servir, des anguilles pour vous divertir...que désirez vous de plus ?

“- Ma liberté. Voilà ce que je désirerai plus que tout au monde.

“- Vous l’avez d’ors et déjà à travers tous le royaume qui est bien assez grand pour une reine quand bien même se soit une sirène. Et je vous assure que dés que les relations diplomatiques seront meilleurs à l’extérieur, je rouvrirai de nouveau l’accès à la baie et vous pourrez de nouveau aller et venir à votre guise.” La reine s’enfuit. Prisonnière ! Elle était maintenant prisonnière et ne pouvait rien y faire. Dans son ventre cependant, la vie continuait de grandir. Les marées se succédaient les unes aux autres, berçant de leurs mouvements réguliers, son quotidien désormais bien terne.

jeudi 23 octobre 2008

Petite phrase

L’homme est fait pour oublier. Les livres sont là pour le lui rappeler.

 

mercredi 22 octobre 2008

Portrait

Puissance.

 

De toute façon il n’était pas comme nous. C’est sûrement pour ça qu’on avait commencé à lui donner des coups de pieds. Pour voir si comme à nous ça faisait lui mal lorsqu’il les recevait. Ça n’avait rien de méchant ni de personnel. C’était juste un test scientifique un peu brutal ; Fallait bien qu’on vérifie quand même ! Avec son nez glaireux, ses épaules voûtées et ses cheveux gras dés le début il ne nous avait pas inspiré confiance. Trop différent. Et puis il était toujours habillé avec de vieux vêtements qui étaient aussi moches et sales que lui. Alors qu’il soit un peu plus sales ou un peu plus déchirés ne changeait pas grand chose à l’affaire. Ah ! Le salir. Ça non plus nous ne nous en sommes pas privé. « Salissez-le-salop ! » Hurlait-on telle une meute exaltée. Car tous réunis nous nous sentions forts ; forts et imbattables face à ce petit être chétif que nous pouvions brisés par notre seul volonté. Son regard torve se baissait et finissait par implorer, minable, battu. Mais au fond, je le sais, au plus profond de nous, nous ne lui voulions pas de mal. Ce que nous voulions surtout, c’était se sentir fort. Sentir cette puissance nous étreindre le ventre lorsque nous criions tous ensemble des insultes interdites. Sentir nos jambes trembler lorsque nous nous mettions à courir une fois nos forfaits accomplis. Et rire aux éclats, toujours ensemble, pour ne pas perdre la face vis à vis des autres, même si un curieux goût amer envahissait notre gorge.

En tapant sur le plus faible c’était tous ces sentiments que nous croisions, qui nous explosaient au visage et dont nous nous délections jusqu’à l’ivresse : la puissance du clan qui nous protégeait de tout, nous permettait tout, nous dédouanait de toute responsabilité. Le fait accusateur dissolu, chacun en emportant avec lui une petite part, toute petite, légère.

Car à aucun moment nous ne nous sommes dit que ce que nous faisions pouvait être injuste ou stupide. Après tout, il n’avait qu’à se défendre. Qui pouvait l’empêcher de se servir de ses poings, de ses chaussures ou de ses dents pour nous contrer ? Personne. Nous attendions une réaction. Mais rien. Alors nous insistions et en nous, hurlait la joie d’être les plus forts.

De toute façon ça n’était jamais vraiment totalement l’un ou totalement l’autre le responsable. Nous étions tous au même niveau et nous nous le répétition chacun dans notre for intérieur. Ce n’est que lorsque est survenu le drame, lorsqu’il y eut le coup de trop, celui qui fut fatal à notre exutoire, que j’ai pris conscience de la portée de ce que nous faisions. Ce sang qui coulait de la plaie béante de son crâne emportait bien plus que la seule vie de celui que nous frappions avec tant d’ardeur, nous, les petits puissants.

jeudi 16 octobre 2008

Petite phrase

La plupart des hommes politiques sont des gens  importants qui cherchent à tout prix  à laisser une crasse.

mardi 14 octobre 2008

Portrait

L’autre

 

« Avant de s'en prendre aux traders, il faut voir que le système global était contraignant. Il était impossible, sans perdre son job, de garder une quelconque éthique et de garder un quelconque sens des réalités. »

 

Trader anonyme Le Monde 08 octobre 2008

 

“- De toute façon tu sais quoi ? Si toi tu ne veux pas le faire, y’a plein de gens derrière la porte qui n’attendent que ça. Alors soit tu fais ce qu’on te demande, soit tu vas chercher ailleurs. Ce n’est pas une menace. Mais c’est comme ça que ça fonctionne. Soit c’est toi, soit c’est un autre. Mais on ne peut pas remettre en cause ce genre de décision. Comprends bien ; il y a des stratégies qui peut-être nous échappent à nous sur le terrain mais qui sont pensées en haut lieu. Alors applique ce qu’on te demande d’appliquer, c’est pour ça qu’on te paye. Autrement tu es prévenu, je trouve quelqu’un d’autre.”

Cette dernière phrase lui raisonnait dans la tête comme une ritournelle entêtante. « Autrement, je trouve quelqu’un autre » Quinze ans qu’il bossait dans cette boîte, quinze ans qu’il était là jour et nuit et qu’il ne disait rien, qu’il appliquait le protocole sans broncher et aujourd’hui, maintenant qu’il avait acquis un peu de grade, maintenant qu’il avait des responsabilités, maintenant qu’il pensait enfin pouvoir dire et faire certaines choses, on lui rétorquait que non, toujours pas. Les décisions n’étaient pas pour lui. Il était un exécutant. Il n’était que l’infime engrenage doré d’un système. Son rôle devait se borner à appliquer des ordres même contraires à la logique. Passe encore pour la logique. Mais pouvait-il continuer à appliquer des ordres qui allaient soudain contre sa conscience ? Ce qu’on lui demandait de faire n’était ni logique ni à son sens, humain. Tricher, faire croire que, gonfler des positions pour en influencer d’autre, il avait appris à faire vivre avec. Il avait appris parce qu’il se disait que quelque part, dans ce grand barnum économique, ce qu’il enlevait d’un côté, quelqu’un ailleurs finissait pas s’y retrouver quand même et que ça compensait ce qu’il avait supprimé de l’autre côté. Il créait des équilibres instables car rien ne devait l’être par peur que la machine ne se fige. Mais ses actions ne tuaient personnes. C’était un jeu et il était joueur.

Mais là quelque chose était entrain de merder. Il ne pouvait plus suivre. Au-delà de sa conscience, c’était le système tout entier qui était entrain de déraper. Ce qu’on lui demandait de faire était bien plus que mentir ou tricher. Ce qu’on lui demander de faire était bien plus que jouer. Ce qu’on lui demandait de faire était de saborder le navire sur lequel il était, lui et toutes les personnes autour de lui.

Mais le pire dans tout ça était qu’il savait pertinemment que quelqu’un quelque part attendait sa place. Le pire était de savoir que l’autre à qui on allait demander de commettre ce qu’il ne voulait plus faire allait opérer sans sourciller. Et contre ça, il ne pouvait pas lutter. Parce qu’il n’était pas seul cet autre là. Ils étaient mille autres à pouvoir et à vouloir faire ce que lui refusait. Il pouvait montrer son désaccord, le hurler à la gueule de ce con qui ne voulait rien entendre. Il pouvait menacer et s’emporter. Contre ça, contre l’autre, contre celui qui était prêt à tout pour prendre sa place, il ne pouvait rien.

D’un geste il releva son col pour se protéger du froid. Il fouilla nerveusement dans les poches de sa gabardine, sortit un paquet de cigarettes. La fumée épaisse s’écoula de sa bouche lentement. Son regard se perdit dans l’eau de la rivière qui s’écoulait paresseusement sous lui. 

« Après tout, peut-être est-ce comme ça que meurt une société ? se dit-il. Peut-être est-ce parce que qu’il y a toujours quelqu’un pour prendre la place de celui qui veut dire stop, quelqu’un qui a suffisamment faim et suffisamment d’ambition pour s’intercaler là où la raison aurait dû prendre le dessus que tout finit un jour ou l’autre par déraper. » Mais pour cette fois c’était maintenant certain, il ne serait pas l’autre. 

jeudi 9 octobre 2008

Poème

Le premier

Un petit pas qui chancelle

Une larme retenue

Et te voilà ma belle

En route vers l’inconnu.

mardi 7 octobre 2008

Portrait

Regard

Il avait grossi sans jamais chercher à échapper à ce gras qui débordait maintenant de son corps, ce surpoids adipeux et lourd qui le cerclait comme une carcasse de fer. Le souffle roque de celui qui souffre même de respirer, il traînait sa masse molle avec difficulté et mauvaise humeur. Ses cheveux gris en paquets, tombaient jusque sous ses épaules, débordant jusqu’à ses aisselles où ils se mélangeaient avec une barbe épaisse et folle. Habillé d’un tee-shirt kaki tâché qui s’arrêtait au nombril, son jean noir usé par les frottements et les négligences dégoulinait en plis malsains jusqu’à une paire de vieilles sandales de cuirs mainte fois rafistolées. Assis à l’entrée d’un hôtel miteux dans une petite rue dont les pavés gras ne voyaient jamais le soleil, il passait là des journées impavides et humides à regarder le vide. La chaise qu’il torturait à chacun de ses mouvements semblait vouloir rendre l’âme en permanence, mais par un étrange arrangement, à chaque fois que quelqu’un passait par cette rue, c’était sur ce même siége qu’il pouvait le voir assis. Or si son physique était déjà un engagement à la méfiance, il n’était rien comparé à son regard.

Cerclé de rouge par de trop nombreuses nuits d’insomnies passées à fuir on ne sait quel cauchemar, chacun de ses yeux se plantait en vous comme une sangsue avide. Soutenue par cette respiration à la limite de la rupture qui envahissait tout l’espace autour de lui, leur couleur bleu fou déversait sur vous une électrique et inquiétante sensation d’étau oppressant. De l’instant où vous tourniez au coin de la rue et où vous rentriez dans son espace visuel, il était possible de ressentir ce sentiment charnel de malaise désagréable vous parcourir le long de la colonne vertébrale. Son regard vous montait le long du corps, petit parasite affamé et vous saviez que rien ne pourrait lui faire lâcher prise à moins de sortir de son champs d’exploration. Il se nourrissait de vos mouvements, jaloux de ne plus pouvoir depuis longtemps n’exécuter que des déplacements traînants et poussifs. Prisonnier de cette étreinte qui confinait parfois jusqu’au sadisme, plus d’un ne passait plus par cette rue depuis longtemps enfermant chaque jour un peu plus cet homme dans sa démence. Il ne restait plus désormais que des touristes égarés ou des étudiants bravaches pour venir le nourrir. Alors seul, assis sur sa chaise, il attendait. 

dimanche 5 octobre 2008

Petite phrase

Vous n'êtes pas pauvre. Disons que vous êtes plutôt un riche qui n'a pas les moyens.

vendredi 3 octobre 2008

Moment

Changement

Il courait comme un cabri, en faisant l’idiot et plus rien ne comptait d’autre à ce moment-là que ces petits sauts stupides. Il courait comme courrait un enfant, sans réfléchir, juste parce qu’à cet instant, c’était ce qui lui faisait le plus plaisir au monde. Et son fils qui lui tenait la main, ne pouvait pas s’empêcher de rire. Il riait aux éclats. Il riait avec toute la sincérité de l’enfance.

Il riait avec d’autant plus d’éclat que son père ne faisait habituellement jamais de blague. Son père ne sautait pas, ne courrait pas. Son père était un homme lointain, préoccupé, monolithique. Normalement il l’emmenait à l’école le matin en voiture et il ne le revoyait qu’avant d’aller se coucher, le soir. Il travaillait beaucoup lui disait sa maman et il ne pouvait pas tout faire. Son père s’était celui qui ramenait l’argent à la maison. C’était pour ça qu’il partait toute la journée et qu’il rentrait tard le soir, fatigué. Il était celui qui en vacance, ne voulait pas qu’on fasse de bruit l’après midi parce qu’il avait besoin de se reposer. Alors il fallait bien le dire, elles étaient moins drôles les vacances lorsqu’il était là. On ne sortait que lorsque la chaleur était tombée pour aller faire un petit tour dans le quartier, voir quelques amis. Mais il ne supportait pas trop que l’on coure et que l’on crie. Il avait besoin de calme et lorsqu’on partait, ce n’était jamais avec lui parce que même pendant les vacances, il lui arrivait de devoir faire un saut au travail, pour voir si tout allait bien.

Et puis il y avait quelque temps, les choses avaient changé à la maison. Son père était là plus souvent ; de plus en plus souvent. Et puis sa mère avait pris un travail. Maintenant il arrivait que le soir parfois à la sortie de l’école, ce soit lui qui vienne le chercher même si depuis quelque temps déjà, maman l’avait autorisé à rentrer seul en faisant bien attention aux voitures lorsqu’il traversait la grande rue. Il l’attendait devant la sortie, un sourire embêté aux coins des lèvres. Il semblait un peu triste. Il ne téléphonait plus pendant des heures en parlant fort. On aurait dit qu’il attendait quelque chose sans trop y croire.

Et aujourd’hui pour la première fois depuis son entrée à l’école, il n’allait pas manger à la cantine. Le matin même son père lui avait dit qu’il viendrait le chercher pour qu’ils mangent ensemble, entre hommes. Il s’était senti fier. A la sortie de midi il c’était précipité dehors et une fois à la maison, il avait mangé sans faire d’histoire. Son père souriait. Il avait toujours son air un peu triste mais on sentait bien quand même que ça lui faisait plaisir qu’ils mangent ensemble.

Et ce fût sur le chemin du retour à l’école que pour la première fois, il découvrit que son père pouvait être drôle. Il le regardait en coin en souriant malicieusement. Puis il avait souri plus franchement et sans prévenir avait fait un petit saut sur place, à pieds joints. Comme s’il y avait eu soudain un trou à franchir. Puis il avait recommencé à sauter presque aussitôt, cette fois en faisant un moulinet avec ses pieds dans le vide. La situation était tellement inattendue qu’ils avaient commencé à rire tous les deux, main dans la main. Son père reprit le mouvement en l’accentuant.

Sa petite main calée dans celle, ferme, de son père, il commença lui aussi à courir. Ils courraient maintenant tous les deux de plus en plus vite, toujours en faisant des petits sauts ridicules. Ce fut de cette manière qu’ils arrivèrent aux portes de l’école.