lundi 30 mars 2009

Le bateau d'Oleg (1)

Le bateau d’Oleg

Oleg Oliakov avait des bras comme des bûches, une barbe noire et broussailleuse contrastant avec son crâne parfaitement rasé et brillant, des mains énormes et un rire à faire trembler les montagnes. Mai Oleg n’était pas seulement immense physiquement. C’était toute sa personne qui était gigantesque. Sa façon dont il brassait de l’air comme un moulin à vent, ses déplacements incessants alimentés par une énergie incroyable étaient autant de témoignages de sa démesure. C’était à croire que chez lui, la fatigue n’était qu’une idée mais rien de plus. Elle ne s’exprimait jamais concrètement, si ce n’est sur l’équipe avec laquelle il travaillait. Car Oleg avait un rêve depuis toujours. Il voulait construire un bateau. Mais pas n’importe quel bateau. Un bateau énorme, à sa mesure à lui. Le bateau le plus grand du monde disait-il. Un bateau à l’intérieur duquel il pourrait mettre des tas et des tas de marchandises et partir les vendre là-bas, dans ces pays lointains qui n’ont pas ce que nous avons ici :

« - Tu comprends l’architecte, m’avait-il expliqué le jour où il était venu me voir pour me parler de son projet, avec un bateau suffisamment grand nous pourrons partir à l’autre bout de la terre, chargés des milles épices d’ici et une fois sur place nous vendrons tout notre stock. Mais surtout, nous ferons des rencontres par milliers, nous allons découvrir le monde, goûter à des plats nouveaux... AHAHAHAHA mon ami !! Grâce au bateau que tu vas nous construire, une nouvelle vie va s’ouvrir à nous. »

Je n’avais pas pu refuser. Ça n’était pas que j’y avais spécialement réfléchi avant. Non non. C’était juste qu’Oleg était tellement sûr que je dirai oui, qu’il me considérait déjà comme faisant parti de l’aventure. Alors j’ai suivi. Comme j’étais à l’époque un tout jeune architecte de marine qui n’avait pas encore prouvé grand chose, je me suis dit qu’à coup sûr, tout ceci était une chance.

Ce n’est qu’une fois sur place que je me suis dit que j’aurai peut-être du le prévenir que je n’étais pas magicien mais seulement architecte.

Oui. Parce que si Oleg ne se laissait abattre par rien, il avait un rapport assez étrange avec la réalité.

« - Mais…je vais devoir construire le plus grand bateau du monde ici ? » demandais-je le jour où il me présenta fièrement une grande plaine vide qui tombait jusqu’à la mer, située juste derrière lui.

« - Exactement. Tu as tout compris mon ami.

« - Mais attend Oleg…Il n’y a rien là. Il n’y a même pas un bâtiment pour nous abriter nous.

« - Qu’est ce que tu crois ? Que je ne le sais pas. »

Son bras énorme vint s’entourer tout autour de mon cou et j’eu soudain le sentiment désagréable d’avoir un énorme anaconda posé sur moi.

« - Regarde et fait jouer ton imagination. Tu vois, là-bas sur la gauche, on va faire monter un hangar pour le futur bateau. Il va falloir qu’il soit immense mais la forêt qui est là, juste derrière, est à moi. On va la raser pour s’en servir pour les hangars. A droite de la plaine par contre, on va construire tout un tas de baraquements pour les hommes qui vont nous aider et pour stocker les marchandises que je commencerai à entreposer pour notre futur voyage.

« - Oui ben avant de parler de marchandises on va déjà parler du bateau parce que là on en est loin Oleg. »

Il se tourna vers moi et mis ses deux grosses mains sur mes épaules. Je dus d’ailleurs à ce moment-là m’enfoncer un peu dans le sol tellement elles étaient lourdes. Me fixant droit dans les yeux il me dit le plus sérieusement du monde :

« - Tu sais construire des bateaux l’architecte ?

« - Oui

« - Tu l’as bien en tête, tu es sûr ?

« - Il faut que j’approfondisse un peu mais oui en gros je sais à quoi il va ressembler et comment je vais m’y prendre pour le construire, répondis-je sans trop y croire.

« - Alors sache que l’essentiel est là. Si tu as l’idée, tout le reste n’est qu’un détail matériel. Ce sont les idées et les projets qui nous font vivre. Et rien ne doit t’arrêter. Laisse aller ton imagination. Je m’occupe du reste. Allez viens, allons manger ! Ce n’est pas bon de se lancer le ventre vide dans de grands projets. » Et de son pas joviale et immense, il partit droit devant lui.

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