mardi 31 mars 2009

Le bateau d'Oleg (2)

J’appris rapidement à connaître Oleg. Au début nous n’étions que quatre dans son « équipe ». Il y avait Oleg, bien sûr, sa femme qui était chargée de l’intendance, un charpentier nommé Thomas et moi-même.

Oleg passait des soirées entières à nous expliquer son projet démentiel. Mais plus il en parlait, plus il nous semblait fou.

« - Et donc si j’ai bien compris, fini par dire un soir Thomas, nous construisons le bateau, nous le chargeons et nous partons droit devant nous vendre le tout à l’autre bout du monde. C’est bien ça ?

« - Exactement. Tu as tout compris.

« - Mais si jamais le bateau coule ou si jamais il arrive un malheur, qu’est ce qu’on devient ? » Oleg regarda le feu une longue minute l’air dubitatif. Puis son visage s’éclaira d’un sourire et il dit l’air fier de lui :

« - Il n’arrivera rien. Ne vous inquiétez pas. Ce qui compte pour le moment, c’est d’avancer. Chaque chose en son temps. » Puis il partit dans un grand rire et rajouta :

« - Et puis au pire nous nous serons connus et nous aurons vécu un grand moment ensemble. N’est-ce pas déjà suffisant ? » et après m’avoir mis une grande claque dans le dos qui failli me briser la colonne vertébrale, il décida que c’était l’heure d’aller se coucher.

Alors, suivant Oleg et ses idées folles, nous avancions. Rapidement, le nombre de personnes sur le chantier augmenta. La plaine petit à petit se transforma. Le hangar à bateau grandit, les baraquements se remplirent d’hommes, les docks de stockages sortirent de terre, prêts à accueillir les marchandises. Et partout, le rire d’Oleg éclatait, donnant de l’énergie à tous, balayant les doutes et les peurs.

A la fin de l’hiver pourtant, le premier vrai problème fit son apparition.

« - Oleg, je peux te voir une seconde, demandais-je un jour qu’il commençait à neiger.

« - Entre l’architecte entre. Alors qu’elles sont les nouvelles ?

« - Nous allons avoir un sérieux problème. Il se trouve qu’en discutant avec Thomas sur la taille des bois dont je vais avoir besoin pour réaliser la structure du bateau, il m’a fait part de ses inquiétudes.

« - Raconte.

« - La construction des hangars et des maisons a mobilisé beaucoup de bois et les forêts des alentours ont été vidé de leur bois de structure. Je crois qu’il va falloir que nous fassions venir des poutres d’ailleurs. »

Oleg se leva et tout en se passant la main dans sa grande barbe marmonna une série de paroles incompréhensibles. Puis il finit par dire :

« - Hum hum. Ce n’est pas l’option la plus avantageuse et cela va entraîner de grosses dépenses mais si nous n’avons pas le choix, alors faisons venir du bois d’ailleurs. »

Cette « option » comme il l’appelait, allait nous rajouter des mois de travail. Le temps de commander les nouveaux bois, de les faire venir, de les travailler pour les besoins du bateau etc… cette perspective me plongea soudain dans un profond abattement. Je quittais Oleg en traînant les pieds.

Plusieurs jours passèrent. Je n’allais pas mieux et le mauvais temps qui se déchaînait ne faisait que rajouter à mon humeur massacrante. Un soir, alors que nous étions réuni dans la cabane d’Oleg pour discuter de tout un tas de détails je lui fis soudain part de mon envie d’abandonner :

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