mardi 21 avril 2009

Cinq fois...

Dialogues de sourds

« - Le vélo blanc ! Mais non mais…mais depuis le début on dit le blanc pourquoi tu dis le vert maintenant ? … mais c’est celui qu’il veut le blanc on s’en fout que le vert il soit mieux pour le même prix lui c’est le blanc qui lui fait plaisir…Non mais c’est un cadeau pour lui pas pour toi je te rappelle Juliette….Mais tu fais chier à la fin, pourquoi faut toujours que tu reviennes sur ce que tout le monde a décidé avant. On était tous d’accord hier pour le blanc…. C’est l’anniversaire de papa, maman ça fait des mois qu’elle enquête pour savoir quel vélo lui ferait le plus plaisir. Elle est sûre que c’est celui-là alors on prend celui-là point barre. Tu nous emmerdes maintenant à tout vouloir changer à la dernière minute….mais on t’empêche pas de dire ce que tu penses Juliette….Oh et puis merde à la fin fait ce que tu veux ! »

François raccrocha au bord de l’exaspération. Une fois de plus sa sœur avait réussi à le mettre hors de lui. C’était toujours pareil avec elle et avec les membres de sa famille en général d’ailleurs. C’était à croire qu’il était le seul à être doté d’une mémoire. Tous les autres remettaient en permanence ce qui avait été décidé auparavant, balayant de leur inconstance tous les projets établis.

« - Oui maman…Oui j’ai eu Juliette oui…mais non mais c’est pas ça mais c’est lourd à la fin, on décide un truc, on se met tous d’accord et déjà c’est pas facile et elle elle arrive et à la dernière minute elle change tout…quoi ? Non mais attend mais je rêve là ! Bientôt ça va être ma faute…Oh et puis après tout faite comme vous voulez ça m’est bien égale. L’essentiel c’est quand même que papa soit content non ?...Oui sinon ça va merci…mais non maman je suis pas tendu j’ai du boulot par dessus la tête et ça me gonfle qu’on revienne sur ce qu’on a déjà dit c’est tout. Tu vois là ça fait dix minutes que je perds entre Juliette et toi pour régler un truc qui était calé depuis deux semaines…mais non maman ça m’ennuie pas te parler…bon écoute on se voit week-end d’accord ? Faut que j’y aille là. »

Après avoir raccroché, François posa son portable le plus calmement possible sur son bureau, alla jusqu’à la porte sans faire de bruit, la ferma tout doucement pour être bien sûr que personne ne l’entende et se plia ensuite en deux pour hurler sans bruit, la bouche grande ouverte et la haine bien présente. Il mit toute sa rage dans ce hurlement silencieux qui lui déforma le visage en une grimace immonde. C’est à cet instant que Cathy la secrétaire de direction entra dans son bureau sans frapper.

« - Oh pardon ! ça va pas François t’as un problème ?

« - Non non c’est bon tout baigne, dit-il en se relevant subitement tout en faisant semblant de remettre sa cravate en place. Tu pourrais frapper la prochaine fois.

« - Mr Francin est au téléphone, répondit elle en ignorant ce qu’il venait de lui dire. J’essaie de te le passer depuis tout à l’heure mais ça sonne toujours occupé sur ton portable. Je croyais que tu étais sorti. Enfin maintenant comme je sais que tu es là, la prochaine fois qu’il rappelle je te le passerai sur ta ligne fixe.

« - Oui c’est ça. Tu voulais autre chose ?

« - Le dossier rose qui est posé sur le coin de ton bureau. Merci. A tout à l’heure. On mange ensemble ?

« - Non je…j’ai un truc à faire à midi là c’est pas possible.

« - Ah oui ? Un truc à faire avec des nichons et un tailleur ? » François prit une grande respiration, se prit la tête dans les mains et sans s’énerver mais à deux doigts d’exploser quand même répondit :

« - Non Cathy. Un truc à faire que je dois faire tout seul. Sans nichons et sans tailleur.

« - Ah tiens ? Parce qu’il y a une certaine Séraphine qui t’as laissé un message pour savoir si vous mangiez toujours ensemble ce midi ?

« - C’est une collaboratrice d’un autre cabinet, ça te va là ?

« - Oui. Mais elle a des nichons et un tailleur.

« - Comme toutes femmes avec qui je bosse !!!!!! Qu’est ce que ça peut te faire putain ?

« - ça peut me faire que c’est avec elle que tu manges à midi et pas avec moi alors que t’avais dis que c’était avec moi.

« - Eh ben on mangera demain ensemble d’accord ?

« - J’ai le choix ?

« - Pas vraiment. »

Elle partit en claquant la porte. Sa relation avec Cathy avait été jusque-là surtout d’ordre sexuel. Enfin du moins pour lui. Mais apparemment, un certain malentendu était entrain de s’instaurer entre eux. Pourtant elle comme lui avait été d’accord dés le début. Aucun ne cherchait une situation stable et l’idée de coucher de temps à autre ensemble suffisait à les satisfaire. Mais les choses ne semblaient plus si claire.

Après le repas son portable sonna de nouveau. Cette fois c’était sa grand-mère qui voulait lui parler. Il décida de ne pas répondre et replongea toute son attention dans son dossier comme si de rien n’était. Il n’écouta le message qu’une bonne heure plus tard. Et il sentit rapidement de nouveau monter en lui cet étrange sentiment d’être le seul à avoir compris ce qui avait été dit :

« - Oui François c’est Mamy. Je t’appelle pour l’anniversaire de ton père ce week-end. Je lui ai trouvé un jolie chapeau de paille dans un magasin de décoration et de jardinage. Comme il jardine beaucoup en ce moment je suis sûre que ça lui fera plaisir. Et puis je lui ai pris une bêche, une pelle et une brouette parce que vraiment la sienne est toute déglinguée ce n’est pas possible qu’il continue comme ça. Par contre comme je n’ai pas pu tout ramener tu imagines bien, j’ai dit au vendeur de me le garder et que tu passerais prendre le tout d’ici à vendredi. Tu peux faire ça pour ta mamy mon petit chéri ? Aller je t’embrasse. A dimanche. »

Non seulement François revoyait parfaitement la discussion que son père avait eu avec sa grand-mère dans laquelle il disait qu’il adorait ses vieux outils et que pour rien au monde il n’en changerait mais en plus, François avait convenu en la ramenant chez elle la dernière fois qu’elle participe au prix du vélo puisque ce dernier était hors de prix. Enfin du moins c’était ce que lui avait compris à l’issue de la conversation. Et voilà qu’elle venait de lui annoncer qu’elle avait fait cavalier seul sur toute la ligne et que par conséquent sa participation dans le vélo risquait d’être annulée vue le prix qu’elle venait de mettre dans l’outillage. François passa sur le planning qu’il allait devoir gérer pour aller chercher dieu sait où la brouette et tout le bazar qui l’accompagnait :

« - Allo mamy ?

« - Coucou mon petit François. Comment ça va ?

« - Bien bien.

« - T’as eu mon message ?

« - Ben oui c’est pour ça que je t’appelle.

« - Tu peux aller chercher mes affaires alors ça ne te dérange pas ?

« - Non mais mamy, je croyais que tu participais au cadeau avec Juliette maman et moi ? Tu sais pour l’histoire du vélo…

« - Ah oui le vélo….Oh ben je l’ai complètement oublié moi ce vélo. Mais c’est pas grave hein ?! Comme ça il aura plein de cadeaux. C’est ses cinquante ans quand même, faut pas l’oublier.

« - ça, ça risque pas crois moi.

« - Eh ben tant mieux. Allez à dimanche mon chéri. »

Aucun commentaire: