mercredi 15 avril 2009

J'irai mourir au Kalahari.

Trois ans.

« - Whouaaa ! super t’as trouvé du boulot. Putain après trois ans s’est génial.

« - ça fait pas trois ans que je cherche du boulot. ça fait trois ans que je sais ce que je veux faire et que j’attends qu’il y ait une place qui se libère c’est différent.

« - Oui ben quand même. Ça fait trois ans que t’as pas bossé et là ça y est. Tu commences quand ?

« - Au début du mois prochain.

« - Impeccable. T’as le temps d’en profiter encore un peu comme ça. C’est un CDI ?

« - Encore heureux.

« - Ben tout s’arrange c’est super.

« - Ouais tout s’arrange. J’ai plus qu’à me laisser glisser tranquillement jusqu’à la retraite. Je me collerai peut-être une petite dépression vers cinquante ans histoire de pas non plus faire dans le trop lisse. A moins que j’ai quitté ma femme quelques années avant. Ça compenserait. Et puis après je me la coulerai douce à la retraite en attendant de mourir. Ah ! C’est rassurant les CDI tu trouves pas ?

« - Ben ça te fais du bien de trouver du boulot toi. T’aurai préféré rester au chômage toute ta vie peut être ?

« - Je ne sais pas. En tous les cas ce que je sais c’est que le boulot c’est pas ce qui fait la vie. Ça évite d’avoir à se regarder toute la journée ça c’est sûr mais pour le reste, je te le dis, elle n’est pas là la vie. Le boulot c’est une activité rien de plus. Une distraction, une bouée de sauvetage, une raison d’être ou une façon de vivre...Mais ça n’est pas la vie.

Je t’assure qu’en trois ans d’attente j’en ai passé des jours à me regarder au fond, à me questionner, à me demander qu’est ce que tout ça pouvait bien signifier. Pourquoi lui plus que moi avait un boulot ? Pourquoi moi plus que lui j’avais un logement et une vie stable ? Des jours à me demander à quoi pouvait bien servir tout ce cirque. Aller faire la queue à l’agence pour l’emploi, aller aux entretiens, pleurnicher comme un gosse pour avoir des indemnités… Tout ça était tellement stupide que finalement j’en ai pris mon parti. J’ai appris la patience et avec la patience, l’humilité. Tu le crois ça ? Je me revois encore y’a trois ans, arriver remonté comme une pendule sur le marché du travail, plein de mes diplômes, de ma petite expérience et de mes illusions. C’est celles-là qui en ont pris le plus plein la gueule. Mes illusions. J’ai réalisé petit à petit qu’elles étaient celles d’un enfant et que j’évoluais désormais dans un monde d’adulte. Et chez les adultes y’a peu de places pour les illusions. Elles se fracassent contre le réalisme comme du cristal sur une dalle.

« - Si ça t’as pas rendu dépressif le chômage ça t’as au moins rendu philosophe. Heureusement que t’es pas resté plus longtemps sur la touche t’aurai fini mystique.

« - ça m’a pas rendu philosophe. Ça m’a rendu réaliste je viens de te le dire. 

« - Hum. Moi je croyais qu’on était venu boire des coups pour fêter ton retour aux affaires.

« - J’en suis jamais parti des affaires. J’ai juste pris un petit chemin de traverses pendant quelques temps. »

 

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