lundi 23 juin 2008

Moment

L’échec

Voilà, tout était dit. A cette seconde précise, à cet instant où ses yeux fous de douleur cherchaient en vain son nom, elle savait pertinemment que tout était fini. Ces deux années de travail, ces deux années d’investissement en temps, en énergie, ces deux années d’abnégation de la vie venaient de se matérialiser sur cette petite feuille A4 insipide et le résultat était là, néant. Nul. Rien. Sa gorge se serra. Une dernière fois elle relut les deux noms qui étaient censés encadrer le sien puis elle s’éloigna, définitivement. Elle laissait là ce lieu pour toujours, ce lieu dans lequel elle c’était tellement investie que ses parents pour rire et pour tenter de la détendre, disaient qu’il allait finir par la rendre folle tellement elle en était obsédée.
Depuis longtemps elle savait qu’elle voulait faire ce métier. Et depuis toujours on ne cessait de lui répéter qu’avec du travail, beaucoup de travail, on finissait toujours par obtenir ce pour quoi on se battait. Alors elle avait travaillé, elle c’était battue. Et elle venait de perdre, platement et sans gloire. Elle venait de se faire écraser par plus fort sans doute, par plus chanceux peut être. Il n’y avait dans ce résultat ni recours possible ni possibilité d’envisager un rattrapage quelconque. Il était la lame de la guillotine qui venait d’étêter sans état d’âme ses attentes légitimes. Légitimes oui. Elles étaient en droit de l’être vu ses efforts. Mais cela n’avait pas suffi à concrétiser un résultat.
Autour d’elle certains pleuraient mais pas tous pour la même raison. La délivrance de l’errance du doute sur son avenir possédait quelque chose de douloureux, sauf que toutes les douleurs ne font pas souffrir. Certaines délivrent. La sienne allait l’emprisonner quelques temps. Petit à petit, la boule qu’elle avait dans la gorge et qui l’empêchait de pleurer descendit dans son ventre et se répandit dans son corps, sourde, lourde. Elle fit quelques pas cotonneux jusqu’au fleuve qui coulait en contrebas, paisible et innocent. Sur sa gauche, un groupe de retraités jouaient aux boules, totalement hermétique à l’effervescence qui l’entourait. Deux d’entre eux même, riaient.
Elle, engluée dans son incompréhension, sentait des spasmes d’injustice secouer son ventre. Elle s’assit sans voir, enfouit son visage dans ses mains. Tout était noir.

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