jeudi 5 juin 2008

Portrait

Marée d’été.

Juste après le jusant, lorsque la mer laisse gisant pour un temps court, les bateaux affalés sur le flanc, vient le moment où se dénude une partie de l’océan, offrant aux hommes sur l’estran, un bref aperçu de ses secrets. Le temps de l’étale le vent se repose, ne poussant plus qu’avec nonchalance quelques voiliers traînant au large. Le soleil, écrasant de chaleur prend toute son ampleur, asséchant de son souffle chaud et lourd les fonds marin mis à nu. C’est là, dans les flaques d’eau ténues, retenues par les rochers et les dépressions de sable, au milieu de ce chaos glissant et lisse que se cachent des trésors abandonnés par la mer.
Alors, équipés de crocs de fer, de pelles, de sceaux, d’épuisettes et d’espoirs enfantins, le pêcheur estival part à l’assaut de la forteresse dévoilée. Les vagues au loin, calmes et impatientes attendent le signal de la course qui les autorisera à reprendre le terrain qu’elles ont abandonné quelques heures plus tôt, semant derrière elles de petits morceaux d’océan brut. Mais pour l’heure dans les flaques chaudes, des algues immobiles et fières, attendent le retour du courant pour reprendre leur danse au rythme mou et cadencé. Elles abritent au sein leurs bras souples, crevettes et alevins, explosant comme des traits d’arbalètes à la moindre ombre effleurant leur espace restreint. Mais il suffit d’attendre une poignée de secondes, immobile sur la grève de cette mer miniature, pour les voir reprendre fébrile, leur ballet délicat.
Un peu plus loin, quelques crabes téméraires s’aventurent en dehors de leur refuge aquatique pour aller courir le monde, parcourant de leur démarche diagonale des distances infimes.
Et au milieu de ces fragments d’océan épars, de petits pilleurs en bobs et émerveillement, ramassent ce que le hasard de leurs nasses capture. Plus loin, beaucoup plus loin, des hommes sont partis cueillirent, avec bottes et filets, coquillages et crustacés. Puis le vent tourne, rouvrant les vannes de l’invasion maritime. La mer de son pas allègre et sûr reprend ses droits, libérant les prisonniers de leurs aquariums éphémères, leur offrant de nouveau la liberté toute entière.
Les hommes rentrent au rythme que leur impose le flot et retrouvent leurs frontières. Les bateaux doucement, reprennent leurs balancements passifs. La fraîcheur turbulente du vent écarte faussement la chaleur d’un revers remuant. L’heure maintenant est aux châteaux de sable que l’eau avalera avec voracité et indifférence l’onde fluide et impassible ne laissant jamais sa place, qu’un temps seulement.

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